Journal du couvre-feu/J 94 ‘’De la biodiversité chez les naturalistes ou La taxonomie appliquée aux botanistes’’
‘’Ora et labora… ‘’ (Prie et travaille) : une devise bien connue de la vie monastique, qui unit harmonieusement contemplation et action. Formule transposable en nos vies à nous, non forcément mystiques ou religieuses…
L’équilibre parfait des deux ne s’établit toutefois que rarement. Selon sa nature, ses gènes, son vécu, chacun a ses prédispositions qui le font se tourner plutôt vers l’une que vers l’autre. Ce qui explique que dans nos rangs de naturalistes, il y a ceux qui enracinent leur action dans la réalité concrète et ceux qui poussent leurs investigations dans les sphères de la connaissance abstraite.
Les premiers sont attirés par la renaturation de sites, la création de biotopes ou encore la gestion et la protection des espaces et des espèces. Vaste programme ! En tout cas, chapeau à celles et ceux qui, faisant preuve d’une abnégation sans nulle pareille, s’impliquent sous le couvert d’associations de protection de la nature dans les actions de préservation de la biodiversité au niveau des municipalités et autres collectivités territoriales. Leur contribution éclairée oriente favorablement les projets en cours.
Les seconds observent, étudient, conceptualisent.
Collectes de données, relevés, inventaires, enquêtes, études d’espèces et suivis de milieux sont leur job. Tout aussi important est le volet pédagogique qu’ils mettent en œuvre relativement à l’initiation proposée tant aux enfants de nos écoles qu’au grand public, via des sorties de découverte, des conférences et diverses communications. Viennent en appui le dessin naturaliste et la photographie animalière, arts visuels dans lesquels excellent certains d’entre nous. Ils apportent de précieux supports à la transmission des connaissances.
Dans les différents domaines des sciences du vivant, on trouve des actifs et des contemplatifs, des praticiens et des théoriciens, des rationalistes et des idéalistes. Belle diversité d’approche et de sensibilité, riche patchwork de compétences en trames, réseaux et arborescences, au service de cette biodiversité qui nous tient tant à cœur.
Parmi les théoriciens célèbres figurent les classificateurs, dont le premier et le plus grand est sans conteste Carl von Linné (1707-1778). Dans son sillage et en parfaite cohérence suivent les auteurs de nos grandes flores : Gaston Bonnier (1853-1922), l’abbé Hippolyte Jacques Coste (1858-1924), le chanoine Paul-Victor Fournier (1859-1925) mais aussi August Binz (1870-1963), Werner Rothmaler (1908-1962), Frédéric Kirschleger (1804-1869), sans oublier les trois pères de notre si précieuse et attachante Flore d’Alsace que sont Émile Issler (1872-1952), Eugène Loyson (1859-1941) et Émile Walter (1873-1953).
(1) ‘’L'observation ornithologique’’ par Terry Redlin (2) ‘’Le montage d'un nichoir’’. par Terry Redlin (3) Terry Redlin : l’artiste au travail (Cliquez pour agrandir)
Les sciences zoologiques, quant à elles, ne sont de loin pas en reste.
Le foisonnement des espèces animales et la riche communauté de scientifiques qui les étudient méritent que nous leur consacrions un chapitre à part. Tout comme certaines espèces végétales affines développent des formes intermédiaires, on trouve dans nos rangs de naturalistes ceux qui, combinant en un subtil et heureux amalgame rationalité et empirisme, se situent entre les deux, faisant ainsi involontairement office d’hybrides. Hybrides fertiles en l’occurrence, relevant chacun tant d’une catégorie que d’une autre, avec un mix variable de caractères des deux.
Réjouissons-nous de cette foisonnante approche du vivant et de l’existence de cette protéiforme armada de scrutateurs, qui par-delà les cloisons qui séparent leurs chapelles respectives, croisent leurs regards de poètes et de savants. En tout cas, n’hésitons pas à faire nôtre la maxime de l’incomparable guetteur d’étoiles devant l’Éternel qu’est Hubert Reeves : ‘’ L’œil qui scrute, qui analyse, qui dissèque, doit être réconcilié avec l’œil qui vénère et qui contemple… Il nous faut apprendre maintenant à vivre en pratiquant à la fois la science et la poésie ; il nous faut apprendre à garder les deux yeux ouverts en même temps.’’ Hubert Reeves (Montréal/Québec 1932) Il y eut un matin Éditions Ouvertures - Lausanne (CH)
Edmond Hérold
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