Journal du reconfinement/Acte 3 ‘’Patrick, malade à cause des pesticides, a converti sa ferme en bio’’
Quand il a appris, à l'âge de 35 ans, qu'il était atteint de la maladie de Parkinson, Patrick Goepfert, agriculteur à Bouxwiller dans le Haut-Rhin, a repensé à cette journée où il s'est retrouvé accidentellement aspergé de pesticides dans la cabine de son tracteur. Il a alors fait face, à sa façon: il a converti l'exploitation familiale en bio…
Patrick Goepfert, agriculteur bio, éleveur de chevaux à la ferme des Perles Noires, souffre de la maladie de Parkinson. Sa passion des chevaux lui « permet de vivre ». Photo : Vanessa Meyer (Cliquez pour agrandir)
Dans les années 1990, son épouse et lui étaient des pionniers. 24 ans plus tard, il garde ses convictions tout comme sa passion des chevaux, qui lui permettent de rester actif malgré le poids des tremblements.
Ce jour de l’année 1990, Patrick Goepfert s’en souvient comme si c’était hier. Un tuyau se rompt dans la cabine du tracteur, et le voilà aspergé de pesticides, de la tête aux pieds. Et comme il était dans les champs, en train de traiter le maïs, il lui a fallu vingt bonnes minutes pour rentrer se nettoyer.
« La peau est un vrai filtre, elle absorbe tout. » Conséquence immédiate : pris d’une violente fièvre, il est hospitalisé et placé en réanimation. Puis au bout de trois jours, plus rien. Cette première alerte achève toutefois de le convaincre : avec son épouse, il s’installera en bio. De toute façon, « le produit, je ne pouvais déjà plus le sentir, alors je devais arrêter de traiter ».
« On était déjà branché bio avant », indique-t-il. Mais quand on s’installe tout juste sur une exploitation de 80 hectares, le défi financier est de taille. D’autant plus qu’« il y avait un label, mais pas de reconnaissance ». Difficile équation : le coût de production plus élevé du bio avec le prix de vente du conventionnel. Pour y arriver, le couple s’installe dans une caravane, qu’il gare sur son terrain. C’était l’époque des pionniers.
Pourtant, pour Patrick Goepfert, il était déjà trop tard. Sept années passent encore, et voilà qu’exposé accidentellement à un produit vermifuge pour les vaches, il est, au réveil le lendemain, pris de tremblements. Résultat de longues années d’exposition, en dépit de ses efforts.
« À l’époque, on nous conseillait d’utiliser des mélanges de produits. C’était plus toxique pour les mauvaises herbes, mais du coup aussi pour l’humain. D’ailleurs maintenant, c’est interdit. »
‘’Quand il me l’a annoncé, le neurologue m’a demandé si j’étais agriculteur’’
« La maladie de Parkinson, normalement, c’est une maladie de personnes âgées », relève celui qui en est atteint depuis ses 35 ans. « Quand il me l’a annoncé, le neurologue m’a demandé si j’étais agriculteur. Il a tout de suite fait le lien. » Il lui faudra encore longtemps pour que sa pathologie soit reconnue en tant que maladie professionnelle, ce qui est le cas « depuis une dizaine d’années ».
De toute façon, ce n’est pas la petite indemnité qui accompagne cette reconnaissance qui lui aurait permis de vivre au cours des vingt-quatre dernières années. D’où cette ferme pédagogique bien connue dans le secteur, lancée il y a vingt-trois ans. Et puis les produits bio ont enfin pu être vendus à prix correct, au bout de quinze ans de production, en direct. « Mon épouse a été parmi les premières à créer les AMAP. » Ensemble, aussi, ils ont eu quatre enfants, pas moins.
Les neurologues sont épatés de voir que je peux marcher et courir
Car Patrick Goepfert, malgré tout, garde à 59 ans une partie de la belle énergie de sa jeunesse. « D’ailleurs les neurologues sont épatés de voir que je peux marcher et courir, que je suis encore bien, physiquement », fait-il dans un sourire. Même s’il admet que la fatigue le gêne beaucoup au quotidien.
Ce qui le fait tenir ? Sa passion des chevaux, à laquelle il consacre tout son temps depuis que la vente de produits bio a cessé, « il y a trois-quatre ans ». À voir, dans les champs, la belle complicité entre l’agriculteur et ses chevaux, on se dit qu’il y a entre eux comme une sorte de pacte : il prend soin de ses bêtes, et en retour elles prennent soin de lui. Et c’est un spectacle émouvant de les voir courir ensemble dans l’herbe. Car les chevaux sont comme Patrick Goepfert, ils aiment bouger : « C’est bon pour eux de bouger, comme pour moi. Le fait de me remuer, ça me fait oublier mon problème de santé. Beaucoup me demandent pourquoi je m’embête à continuer l’élevage des chevaux. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que ça me permet de vivre. »
Emmanuel Viau (20.03.2021)
[Podcast] Patrick, malade à cause des pesticides, a converti sa ferme en bio
Ses chevaux, sa passion. Patrick Goepfert aime les chevaux depuis l'enfance. Il en élève aujourd'hui 17 sur sa ferme à Bouxwiller, dans le Haut-Rhin. Photo : Vanessa Meyer (Cliquez pour agrandir)
Cette belle complicité est un peu le fruit d'une sorte de pacte : il prend soin de ses chevaux et, en retour, ils prennent soin de lui... Photo : Vanessa Meyer (Cliquez pour agrandir)
Dans les champs, avec ses bêtes, il est le plus heureux des hommes, malgré sa maladie. Photo : Vanessa Meyer (Cliquez pour agrandir)
Atteint de la maladie de Parkinson depuis 24 ans à la suite d'une forte exposition aux pesticides, Patrick Goepfert reste actif. Photo : Vanessa Meyer (Cliquez pour agrandir)
"Le fait de bouger, ça me fait oublier mon problème de santé", explique l'éleveur âgé de 59 ans. Photo : Vanessa Meyer (Cliquez pour agrandir)
Il est intarissable quand il s'agit d'évoquer ses chevaux, et il leur donne toute son attention. Photo : Vanessa Meyer (Cliquez pour agrandir)
Il ne peut plus monter depuis trois ans à cause d'une opération liée à sa maladie, mais il prend toujours plaisir à mener ses chevaux. Photo : Vanessa Meyer (Cliquez pour agrandir)
Les travaux de la ferme sont durs, encore plus quand on doit contrôler ses tremblements. Mais pour Patrick Goepfert, cette activité est vitale. D'ailleurs, "les neurologues sont épatés de voir que je peux marcher et courir, que je suis encore bien physiquement". Photo : Vanessa Meyer (Cliquez pour agrandir)
A la fin de la journée, il est plus fatigué que les autres, plus fatigué aussi qu'il y a quelques années. Mais ça ne l'empêche pas d'arborer un grand sourire. Photo : Vanessa Meyer (Cliquez pour agrandir)
Sur les 80 hectares de son exploitation qu'il a convertis en bio après avoir été aspergé de pesticides, Patrick Goepfert reste fidèle à lui-même, malgré tout : actif et passionné. Photo : Vanessa Meyer (Cliquez pour agrandir)
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