Journal du Couvre-feu/J.28 ‘’Les panaches’’
Jean-Simon Bégin est un artiste peintre et un photographe animalier de talent ! Un de ses terrains ‘’de chasse’’ privilégiés est le grand nord canadien : normal, Jean-Simon est québécois ! Voici un de ses récits concernant sa rencontre avec l’Orignal, qui n’est autre que le nom donné à l’Élan en Amérique du nord. Autre particularité : au Québec, les bois larges et palmés de l’Orignal se nomment ‘’les panaches’’…
Les prédateurs de l’Orignal (Alces alces Americana) sont les Loups, les Ours … et l’homme dont certains dépensent de véritables fortunes chaque année pour pouvoir en abattre quelques-uns… Photo : © Jean-Simon Bégin (Cliquez pour agrandir)
« C’est pour moi la deuxième année que j’ai la chance de croiser ce regard. On peut reconnaître assez facilement les mâles, car leurs bois suivent année après année les mêmes formes. Chaque individu possède sa propre signature, sa propre façon de sculpter sa couronne. C’est en fait, je crois, une des raisons principales pour laquelle on porte une si grande fascination pour cette espèce.
Tout d’abord il faut comprendre que l’orignal mâle perd son panache à chaque saison. Ce fait semble évident quand on côtoie ce mammifère, mais quand on ne vient pas d’ici, il peut sembler difficile de croire que de si grandes structures osseuses puissent pousser en l’espace de quelques mois. Il est d’autant plus impressionnant de comprendre que toute cette masse est le fruit d’une alimentation entièrement composée de végétation.
Il y a aussi le poids de ces structures qui ajoute à l’exploit. Le plus gros panache que j’eus la chance de trouver au printemps mesurait près d’un mètre et pesait près de 10 kilogrammes. Il faut doubler ce poids et considérer que certains mâles que j’ai croisés possédaient de bien plus gros panaches que ce dernier, plus que le double à vrai dire. Tout ce fardeau et tous ces efforts sont dans le seul et unique but d’avoir la force et la dominance d’assurer la protection et la reproduction d’un groupe de femelles. Les combats, bien connus, sont violents. Cette année j’ai pu voir trois mâles avec un bois en moins ou encore un œil crevé. La nature fait en sorte que les plus forts survivent et procurent la meilleure génétique à l’espèce.
Vivant en montagne, le panache de ce jeune mâle semble avoir suivi le sens du vent. C’est d’ailleurs ce qui le rend si reconnaissable. Il n’est pas encore de taille pour rivaliser avec les grands de la montagne. Il patiente et observe à leurs côtés jusqu’au jour où ce sera son tour et qu’il devra les défier. Au sein d’un duel, il y a bien plus que deux animaux qui se combattent. Il y a une communication primitive, un dialogue d’énergie.
Plus on observe ces combats, plus on y voit la structure sociale et hiérarchique, la danse calculée et la soumission avant le point de non-retour. D’un aspect violent et cruel, de ces combats émanent pourtant un acte de complicité et de bien commun pour l’espèce. Il y a quelque chose de très poétique dans ces œuvres d’art que sont les panaches. Ils poussent et remplissent un espace vide. Ils suivent une matrice invisible ayant pour source un pilier soudé dans le crâne. Jusqu’à sa pleine maturité, son panache prendra de l’expansion pour devenir toujours de plus en plus gros. Suivant les mêmes courbures et les mêmes pointes affiliées.
Puis, suivant des années à jouer à la guerre et de survie hivernale, son panache sera en régression. Il sera en retrait et ne confrontera plus les grands mâles pour le restant de ses jours. Une sorte de retraite qui lui permettra de vivre encore de belles années au creux de la forêt. Tranquillement le temps aura fait son œuvre et de nouveaux mâles, ayant une signature génétique similaire, seront les rois des lieux qui autrefois étaient les siens. Parfois, à la vue d’un nouveau mâle, je crois reconnaître une courbe qui rappelle un ancêtre qui autrefois croisa ma route. »
Jean-Simon Bégin
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