Journal du couvre-feu J 07-Juste colère
Deux fois par mois, à une heure de grande écoute, France Bleu Isère donne carte blanche, durant quatre minutes, à notre ami Jean-François Noblet (voir ICI ou encore LÀ) ! Aujourd’hui, le désormais retraité mais toujours très actif, s’élève avec raison contre ceux qui protestent contre la fermeture des remontées mécaniques…
‘’J’ai été moniteur de ski bénévole et j’ai été un accro aux sports de glisse. Je connais bien nos montagnes et je constate avec la plus grande inquiétude l’incapacité de nos montagnards à s’adapter à la crise sanitaire et surtout à la crise climatique…’’ (Jean-François Noblet). Photo : Anonyme
Vous êtes en colère Jean François…
Oui, je suis très en colère contre les élus et les professionnels de la montagne qui protestent contre la fermeture des remontées mécaniques pour éviter que nos hôpitaux soient submergés. J’ai été moniteur de ski bénévole et j’ai été un accro aux sports de glisse. Je connais bien nos montagnes et je constate avec la plus grande inquiétude l’incapacité de nos montagnards à s’adapter à la crise sanitaire et surtout à la crise climatique. Nous avons là, la plus cruelle démonstration de la fragilité d’une politique touristique uniquement basée sur le plaisir de descendre, sans efforts, d’un point haut à un point bas sur des planches en plastique. Je le dis et je le redis : tout système monolithique est fragile. Le tout ski en montagne n’a pas d’avenir et il serait temps de changer. La neige, le froid, l’eau, l’énergie vont manquer et il faudra bien trouver d’autres moyens de faire vivre nos montagnes. On a bien vu d’ailleurs, le weekend dernier, qu’on pouvait très bien venir en montagne sans tire fesses et c’est tant mieux.
Vous faites un constat plutôt négatif…
Effectivement, la montagne n’est plus celle que j’ai adorée. Les derniers espaces vierges sont grignotés par les stations, les paysages sont balafrés par des milliers de kilomètres de réseaux aériens. La pollution et les rats d’égout remontent en altitude. En été, les mégots, les chewing-gums, les capotes anglaises et les pelures d’orange souillent le dessous des remontées. La faune n’a plus aucun refuge. Même la nuit, elle fuit devant les dameuses. Les lapiaz calcaires sont broyés pour niveler les pistes et le must c’est de s’affranchir des paramètres de la montagne : on veut faire du ski en plein été sur ce qui reste des glaciers et on veut se baigner en plein hiver dans une piscine extérieure surchauffée. A fond la musique en plein air contre le silence, le ski nocturne contre le ciel étoilé, l’équipement des derniers sommets contre le goût de l’effort. Tous les jours, on constate cette fuite en avant : En Chartreuse il est question de créer un plan d’eau pour alimenter de la neige de culture. A la Grave, on veut saloper la Meige avec un troisième tronçon du téléphérique. A Venosc, on veut ouvrir une carrière surdimensionnée pour bétonner tout l’Oisans… Croyez–vous que financer l’aéroport de St Etienne de St Geoirs uniquement pour ce tourisme en fin de course soit un bon plan pour l’avenir ?
Alors que proposez-vous ?
De revenir à l’essentiel et de retrouver les valeurs de la montagne. Le silence, l’air pur, les paysages magnifiques, la nature, l’eau propre, l’espace libre, le sens de l’effort et de la solidarité... Avez-vous remarqué que l’on se dit bonjour sur les chemins de randonnée et que les refuges de montagne ne ferment pas à clé ? Ces valeurs écosystémiques redeviennent inestimables avec la crise climatique et le déconfinement. L’agriculture de montagne peu polluée par la chimie recèle encore des trésors dans ses productions de qualité. Le pastoralisme, la forêt, l’eau propre sont des ressources importantes à valoriser. Quant au tourisme l’exemple des parcs nationaux démontre que de plus en plus de citoyens rêvent d’approcher une marmotte ou de se balader à pieds. Alors, plutôt que de se lamenter sur l’arrêt temporaire des usines à ski ,on pourrait inciter les citoyens à venir se décontaminer au grand air, à prendre des raquettes ou des skis de fond, à observer le ciel, à découvrir la faune et la flore et les qualités de la civilisation montagnarde que nous avons trop vite oubliées. La montagne pourrait devenir un exemple pour une agriculture bio, un pastoralisme intelligent et un lieu de production d’énergies renouvelables. La montagne pourrait redevenir un lieu de santé, de ressourcement, de méditation, de culture qui nous manque tant aujourd’hui.
Ce sera mon vœu le plus cher à l’approche des fêtes : renoncez à glisser sur la facilité et les mauvaises habitudes et affrontez la pente et les crises sanitaires et climatiques avec lucidité, intelligence et espérance. Joyeux Noël en montagne…
Réécoutez cette carte blanche ICI !
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