Le grand tétras se raconte

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Espèce menacée et pourtant pas protégée, le grand tétras continue à être chassé. Et s'il n'y avait que ça ! Ce gros gallinacé doit faire face à de nombreuses menaces et lutte chaque jour pour tenter de survivre…

« Peu importe le nom que vous m’attribuez. Grand tétras ou coq de bruyère, je reste le même, un bel oiseau au poitrail d’un vert bleu étincelant, flanqué d’une queue s’arrondissant comme un éventail. Malgré 130 cm d’envergure et 5 kg sur la balance, je me veux discret, voire farouche. Explication : mon apparente puissance ne garantit pas ma pérennité. Même en me cachant dans les massifs forestiers d’altitude jusqu’à 2 200 mètres, je crains pour mon avenir.

D’abord parce que le quotidien n’est pas aisé. En ce moment, par exemple, je me contente d’aiguilles de pins et de sapins. Ce menu compense tout juste les pertes dues à la lutte contre les intempéries. Perché sur des basses branches, je fuis à la moindre alerte. N’y voyez pas de couardise, les malheurs qui se sont abattus sur notre espèce nous ont tellement affectés que la prudence nous est devenue une seconde nature.

En vérité, au printemps, nous sommes moins regardant sur les indispensables précautions. Notre sexualité prend le pas sur toutes formes de retenue. Une à deux heures avant l’aube, nous nous lançons dans des chants séducteurs puis nous paradons sous forme d’une véritable danse nuptiale visant aussi à défendre notre territoire. Les poules ne se montrent guère pressées de participer à la fête. Elles n’arrivent que deux à trois semaines plus tard afin de choisir les coqs dominants pour s’accoupler. Il convient pourtant de ne pas s’en tenir à ce portrait idyllique.

Notre peuple est chaque jour plus menacé par une multitude de situations insupportables. Les dérangements, la gestion forestière, l’étalement des stations de ski, le développement des populations de cerfs, la prolifération des hêtres ou le changement climatique sont autant de contraintes auxquelles nous devons faire face. Mais la chasse dans les Pyrénées reste sûrement l’épreuve la plus redoutable à surmonter.

Pour y voir plus clair sur notre situation, sachez que nous sommes un peu moins de 2 000 coqs de grands tétras (et autant de poules) sur le versant nord des Pyrénées. Dans le Jura, moins de 100 coqs et 100 poules. Quant aux Vosges, on ne compte plus qu’environ 25 coqs et autant de poules. Ne parlons plus des Alpes, notre population a disparu aux environs de l’année 2000. Bien sûr, vous avez mis en œuvre des actions pour nous soulager. Et je dois rendre hommage aux associations qui se battent pour notre survie. Mais comment accepter que notre chasse soit encore admise tous les ans dans les Pyrénées?

France Nature Environnement et d’autres associations se sont élevées contre ce non-sens en plaidant devant les tribunaux. Depuis mars 2011, pas moins de 48 jugements leur ont donné raison. Même le Conseil d’État juge la situation inacceptable. Pourtant le ministère de la Transition écologique persiste à ne pas vouloir nous protéger intégralement. Il laisse le tout nouvel Office Français de la Biodiversité faire la sale besogne. C’est lui qui accorde les dérogations d’abattages. Aujourd’hui, nous demandons un minimum de compréhension pour que cesse notre massacre… »

Allain Bougrain-Dubourg (17.11.2020)

Illustration : Coco/Charlie Hebdo

Si vous souhaitez voir d’authentiques tueurs de grand tétras, en voici une ‘’belle’’ galerie (cliquez ICI) et ils sont très fiers de leur exploit en plus !

 

 

 

 

 

 

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Z
Très belle lettre d'Allain B.D. comme d'habitude. Une espèce menacée non protégée et chassée , c'est consternant et dramatique!
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B
Je ne regarderai pas la "belle" galerie de tueurs de tétras.<br /> Les pauvres.<br /> Une belle lettre encore une fois que je vais partager
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R
Un plaisir de vous suivre :) passez me voir sur mon blog de relaxation https://relaxation-musique-antistress.over-blog.com/
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D
Ah le grand Tétras......il y a une bonne dizaine d'années à Granges sur Vologne, (rebaptisé depuis Granges Aumontzey) le photographe Camille Liévaux, natif du lieu et disparu depuis, nous a raconté en nous dédicaçant un de ses livres de photos consacrés aux Vosges, l'histoire du "grand Tétras fou" je le cite, que l'on pouvait retrouver dans cet ouvrage "Merveilles des Hautes Vosges" ; selon lui et on ne saurait douter de ses connaissances, le grand Tétras qui n'a pas trouvé de femelle devient fou et très agressif; lui-même a été confronté à cette agressivité pour étant sans le savoir entré sur le territoire de ce coq; il a dû s'enfuir mais est revenu avec des précautions de sioux pour photographier cet irascible; et la photo est très très belle !
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M
Un beau texte pour défendre cette belle espèce Pour les Vosges la messe est dite il y tous les ans moins de coqs la faute aux nombreux dérangements et à la surpopulation de grand gibier. Les cervidés détruisent les sous bois en consommant plantes et petits ligneux ce qui supprime l'abri et la nourriture pour les jeunes et les sangliers détruisent les nichées.<br /> Pour ce qui est de la chasse le ministère de l'escrologie n'est pas une hypocrisie près ...
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F
Il est très difficile de regarder ces photos de tueurs de grand tétras, surtout celle de la femme, censée donner la vie.
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J
Leur chasse est une aberration. La situation est bien triste dans notre massif vosgien, trop fréquenté. De grandes zones devraient être interdites à la circulation, à la présence humaine pour la survie de nombreuses espèces.
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M
Malheureusement quand l'homme passe l'animal trépasse. Il parait que c'est pour la régulation, permettez moi d'en douter. Bonne journée
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J
Oui, le Grand Tétras est en bien fâcheuse situation et, pourtant toujours chassé dans les Pyrénées ! Ce n'est en fait pas bien étonnant dans un pays où tuer un ours n'est pas vraiment réprimandé et où massacrer des loups –espèce protégée… en principe- est devenue un ‘’sport’’ national !<br /> Merci à Allain de prêter sa plume ( ?) aux animaux de si belle manière…
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