Le Ratel se raconte…

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Court sur pattes, long et poilu, le ratel ne fait pas franchement peur. Pourtant, si vous vous retrouvez face à lui, prenez garde à ne pas l'énerver. Au risque d'une émasculation…

Les Ratels ont des dents puissantes et pointues qui leur permettent de s'attaquer à des créatures, comme les tortues, les écureuils, les serpents, les suricates, les grenouilles, les gazelles et même les plus petits crocodiles… Photo : The Safari World

«Je confesse avoir une certaine autorité, ne pas manquer de caractère, voire user facilement de mes armes, mais, de là à être élevé au rang de l’animal le plus redoutable de la création, j’avoue que je n’en demandais pas tant. Que me vaut d’être ainsi hissé en haut du podium? Une violence à toute épreuve, dites vous, en ajoutant sans anthropomorphisme « une cruauté inégalée ». Un tel portrait mérite une mise au point.

Pour commencer, j’appartiens à la famille de mustélidés. Autrement dit, je suis le cousin de l’hermine, de la martre ou du blaireau avec qui nous avons le même poids en commun, 12 kg. Pour le reste, je fréquente un territoire s’étendant de l’Afrique subsaharienne au nord de l’Inde, en appréciant les zones de savane ou arborées. Jusque-là, rien de condamnable.

Est-ce l’habitude que j’ai de m’allonger sur le dos en exposant mon ventre à une brise de passage afin de me rafraîchir lorsqu’il fait trop chaud qui me vaut critique? Sûrement pas. Faut-il chercher vers ma capacité à courir en arrière, ce qui me permet de faire un pas en avant et deux en arrière lorsque je me trouve face à un adversaire imposant? Même si je suis le seul mammifère à posséder cette capacité avec lhomme, je ne vois pas ce qui me rendrait ainsi féroce.

Autre singularité dont je peux me flatter, j’arrive à me faufiler par la moindre issue telle une pieuvre en quête d’évasion. Serait-ce la souplesse de ma peau qui justifierait la critique? Elle est si lâche que lorsque je me fais mordre au cou, je peux me retourner pour saisir mon agresseur dun bon coup de mâchoire. À propos de mon épiderme, je conviens qu’il peut atteindre un demi-centimètre d’épaisseur. Cette carapace m’épargne les piqûres de guêpes et autres piquants de porcs épics, rien de grave. Faut-il chercher du côté de ma capacité à supporter des venins capables d’envoyer au paradis le plus costaud d’entre vous? Les vipères heurtantes, les cobras du Cap et bon nombre de scorpions me laissent indifférent, en tous cas ils ne mexpédient pas dans un autre monde, même si je passe par la case coma. Je dois cette immunité à ma mère qui, alors que je n’étais qu’un bambin, m’exposait aux morsures et piqûres de petites vipères ou de scorpions peu meurtriers. J’ai ainsi acquis une métabolisation des toxiques, une sorte de vaccin qui m’a mis à l’abri une fois adulte.

Convenez que toutes ces facultés n’ont rien d’offensives, elles relèvent seulement d’une belle adaptation à se sortir de mauvais pas. Où donc faut-il chercher pour trouver l’explication à votre jugement péremptoire? Jai beau chercher… À moins que oui, bien sûr, vous m’avez vu faire face à un lion, une hyène ou un guépard avec un culot inconscient. Et en pareil cas, vous avez observé ma parade unique en son genre. Je tente de mordre au scrotum, comprenez la peau qui protège les testicules, pour provoquer une hémorragie. Et ça marche! Allez, jadmets que vous me traitiez de casse-couilles mais de là à devenir le plus féroce de la création, cest oublier votre talent en la matière. ».

Allain Bougrain-Dubourg (13.10.2020)

Illustration : Juin/Charlie Hebdo

 

 

 

 

 

 

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Publié dans Animaux, Biodiversité

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B
Redoutable ce ratel !
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M
Oui, ce final qui plait à tout le monde, et il est vrai que la chute est intéressante, repose sur une erreur : le chasseur n'en a pas... des couilles !
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J
Ohhhh !
F
Mieux que les fables de La Fontaine et surtout plus réaliste, surtout la pointe finale !
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M
Excellent cette description et surtout son issue, la dernière phrase. Merci encore pour ces partages.
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J
Je ne connaissais pas ce ratel. C'est une découverte intéressante.
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D
excellent !
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E
J'ai fait un rêve ! L'illustrateur Juin le résume mieux que je ne pourrais le raconter !<br /> Superbe blog que je découvre : bravo pour le travail fourni.
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J
Le ratel me fait un peu penser au glouton qu'il ne faut pas trop énerver non plus...<br /> La conclusion de sa lettre est tout à fait pertinente !
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