Réveillons-nous !
Je suis désolée ! On pensait que cela n'arriverait qu’aux autres, qu'aux grands perdants de ces systèmes : pas à nous autres, privilégiés. Et nous voilà ! Au même titre que le reste de l'humanité, obligés de mettre notre monde sur pause, d'entrer, consommateurs que nous sommes, en hibernation forcée…
Pour la première fois, on a décidé de ralentir cette course effrénée à la croissance, au nom de la vie. Nous sommes la première génération à vivre les conséquences du réchauffement climatique et la dernière à pouvoir y faire quelque chose !
Je suis désolée ! Drôle de destin que celui de cette génération Y, drôle de sentiment que de se battre pour une guerre qu'on n'a pas nous-mêmes déclaré, c'est vrai !
Je suis désolée ! On y est pour rien. On n'était pas là quand ils ont décidé de couper les arbres pour en faire des piquets, de sacrifier la moitié des animaux marins en 40 ans, pour quelques points de croissance, d'enfermer la nature dans des parcs et de parquer le vivant dans des zoos ! On n'était pas là quand ils ont décidé de trouer la couche d'ozone pour sentir bon de dessous les bras, quand ils ont vidé les océans pour y mettre du plastique. On n’était pas là quand ils ont décidé que ça valait le coup de condamner certains la misère pour nos t-shirts à un euro qu'on oublie au fond des placards, quand ils ont décidé que certains métiers valaient mieux que d'autres, que pour finir les fins de mois, il valait mieux être designer ou start-upeur que paysan, infirmier ou professeur…
J'aimerais vous dire que… ça va aller, qu'on peut continuer à bingwatcher Casa de Papel, pop-corn à la main pendant que nos décideurs s'occupent de faire tout le sale boulot !
J'aimerais vous dire que la technologie sauvera le monde, que ces politiques en carton nous préparent autre chose qu'un avenir en porcelaine, que les grandes compagnies ont compris maintenant, ça y est !
Mais... vous y croyez vraiment ?
On y est pour rien... On y est pour rien et pourtant nous devenons complices, c'est de notre faute parce qu'on s'est laissé endormir, doucement, à coup de Fake-news en intraveineuse, on a pris goût à leur confort, on s'est assoupi, bercé avec du progrès dans le biberon, on a eu la flemme. Inaction à coups de pizzas Di Leo.
Pendant qu'on produit, qu'on jette et qu'on recommence, pendant qu'on Like, qu'on Share et qu'on Stalke, pendant qu'on soit adroite pour draguer et qu'on soit Pape quand on a assez de Followers, il y a les derniers éléphants d'Afrique, les baleines qui s'étouffent sous le plastique, il y a les glaciers qui fondent et les forêts qui brûlent, la terre qui se consume à mesure que l'on consomme.
Il est temps de débrancher des écrans et de rallumer les cerveaux ! Comme à des enfants, on nous a raconté des histoires, on nous a dit qu'on était trop petit, que c'était déjà foutu ! Montrons-leur qu'on a grandi. On le dit à coup de tribunes, de pétitions de tweets, que le monde "d'après" ne doit pas être un retour au monde "d'avant", à la normale, parce que le normale ne marchait pas. Ce monde "d'après", il nous appartient de le construire.
Quand est-ce qu'on y va ? Qu'on ose envoyer tout balader ? Bien sûr, il y a les Etats et leur inaction, les institutions et leurs sommets, les multinationales et leurs yeux fermés ! Mais aujourd'hui, j'aimerais vous proposer quelque chose : et si... on ne les attendait pas ? Il va nous falloir du courage, de l'audace, tant il va de soi qu'il est plus facile de crier au complot que de mettre les mains dans la terre, tant il est plus confortable de dire que c'est de sa faute, à l'autre, à lui, à eux... Il va falloir qu'on ose poser la question, de quoi est ce qu’on sera fier, en tant que génération, je veux dire ! Est-ce que l'on sera fier de la 5G pour télécharger le porno en une fraction de seconde, de nos cartes du monde à gratter, épuisés d'avoir fait... fait le Mexique, fait l'Inde, fait le Costa Rica. Est-ce que l'on sera fier du mascara "waterproof" ou des lunettes de réalité augmentée... quand on devient aveugle à celle que l'on a sous les yeux ? Ou est-ce que l'on sera fier d'appartenir à ceux qui ont réussi à dévier l'histoire ?
Confinés ! En quarantaine d'un système malade… Pour la première fois, on a appris que ne rien faire c'était déjà agir ! Alors comprenons que notre flemme, comme un bol de céréales, est une validation sournoise de ce modèle, ne rien dire, c'est être d'accord, ne rien faire c’est ne pas vouloir que ça change. Voilà un pari bien risqué que de remettre notre sort entre les mains d'une poignée de boomers…
Ne les laissons pas, par leur ignorance, par leur inaction, par leur nostalgie destructrice d'un monde qui s'éteint, choisir pour nous ! Ils ont déconfinés nos corps, il va falloir déconfiner notre flemme... Nous, ceux dont le chez soi ne s'arrête pas à un coin de rue ou à un lit d'hôpital, nous, les privilégiés, on a lu des bouquins à rendre vide nos tables de nuit, on a appris à faire du pain et à jouer de la guitare avec des tutos YouTube, on s'est fait des apéros pixélisés, on a enfin appelé nos grands-mères, on a laissé tomber les soutifs, on a appris à coudre des masques. Nous avons été... des héros en pyjama, nous avons sauvé des vies en pantoufles.
Mais cette fois, il ne va pas s'agir de rester chez nous. Demain, il va nous falloir être encore plus courageux. Une nouvelle histoire nous attend dehors et, croyez-moi, il va y avoir du boulot. Il va falloir se bouger, sortir dans les rues, pancartes à la main, mettre les mains dans la terre et la terre dans nos programmes scolaires. Descendre des avions et se réconcilier avec le Lubéron, laisser les énergies fossiles dans le sol, réduire nos quatre steaks hachés par semaine et nos sushis deliveroo de samedi soir, enfourcher les vélos, éteindre la lumière en partant, débrancher des écrans, se reconnecter au vivant. Il va nous falloir être une génération intranquille, consciente et indignée. Qu'on soit plus que quelques-uns à être écolos, drôle de case dans laquelle on a rangé ceux qui aiment assez la vie pour se battre pour elle !
"Sauver la planète"
"Protéger l'environnement"
Comme si on ne faisait pas partie de ce tout. Nous sommes des êtres vivants au même titre que les autres que nous exterminons. Nous sommes la nature, si elle disparaît, nous disparaissons avec elle.
Si le « jour d'après » consiste simplement à refermer la parenthèse, à reprendre le cycle infernal qui a rendu possible ce virus, alors nous aurons perdu. Il nous appartient de prendre ce moment pour donner tort à tous ceux qui nous pensent trop petit, trop tard, trop fou. On sait déjà que ça ne sera pas facile et qu'on n'est même pas sûr de gagner. Mais franchement, est ce que ça ne vaudrait pas le coup d'essayer ? On n'a plus le temps de ne pas y croire.
Réveillons-nous !
Vidéo : Réveillons-nous (10 :27)
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