Au Maroc, les énergies vertes ont le vent en poupe
Il y a vingt ans, le Maroc était presque entièrement dépendant de l’importation d’énergies fossiles. Aujourd'hui, il produit près de 50 % de l’électricité qu’il consomme grâce au développement vertigineux des énergies renouvelables. Reportage dans un pays qui s’apprête à illuminer l’Europe…
Le site "Tanger 1" compte 165 générateurs repartis sur 24 km. Photo : Nicolas Gutierrez C.
Au-dessus de la ville de Tanger, des dizaines d'éoliennes brillent à perte de vue comme des palmiers blancs que le vent aurait emportés en haut des montagnes. Ce site éolien au nord du Maroc est le plus grand d'Afrique, avec 165 de ces colosses de 140 mètres de haut qui tournent constamment, propulsés par le vent qui s'engouffre par le détroit de Gibraltar à une vitesse moyenne de neuf mètres par seconde. Ensemble, ils ont une capacité de 140 mégawatts (MW), qui s'ajoutent à l'électricité produite par les dix autres sites éoliens en fonctionnement dans le pays. Au total, 1 200 MW sont produits par le vent au Maroc (11 % de l'énergie consommée dans le royaume). C'est davantage d'énergie que celle produite par la plupart des réacteurs nucléaires implantés en France (qui, pris isolément, ont une puissance de 900 MW).
Selon l’Agence marocaine pour l’énergie durable (Masen), cette capacité sera augmentée à 2 500 MW en deux ans, grâce à des nouveaux sites actuellement en construction - en France, cela correspond à la consommation énergétique de plus d'un million de foyers. Une croissance exponentielle à l’image du développement effréné de l’énergie solaire, qui atteint aujourd’hui les 700 MW mais dépassera bientôt les 2 500 MW grâce aux nouveaux sites en construction.
Un accord énergétique entre le Maroc et plusieurs pays d'Europe
"Les premiers projets d’énergie propre ont été les barrages hydroélectriques, il y en a 24 au Maroc, mais la vraie explosion a commencé dans les années 2000 avec le développement de l’éolien, puis est venu le solaire au cours de cette dernière décennie, détaille Tarik Hamane, directeur exécutif de développement de l’Agence marocaine pour l’énergie durable (Masen). Nous avions besoin de devenir plus indépendants énergétiquement, donc nous nous sommes fixé un objectif ambitieux : produire 52 % de l’électricité nécessaire au pays d’ici 2030 grâce aux énergies renouvelables, mais nous allons sûrement dépasser cet objectif, car nous sommes déjà à près de 50 %". À titre de comparaison, l’Union européenne espère atteindre 27 % d’énergies renouvelables dans sa consommation finale pour 2030 (32 % pour la France).
Et une partie de cette énergie verte qui sera consommée en Europe pourrait venir d’Afrique, grâce à un accord d’échange énergétique signé entre le Maroc, la France, l’Espagne, le Portugal et l’Allemagne en 2016. Les dernières discussions techniques autour de cet accord sont en cours et il devrait entrer en vigueur pendant le premier trimestre de 2020. Deux câbles sous-marins connectent déjà le Maroc et l’Espagne, permettant le transfert de 800 MW entre l’Afrique et l’Europe, alors qu’un troisième câble est en construction et augmentera la capacité de cet échange à 1 500 MW. "Ce transfert d’énergie aidera les pays européens à mieux faire face aux intermittences des énergies renouvelables dans leur région", assure Ali Zerouali, directeur de coopération internationale à Masen.
Le problème de l'accès à l'eau potable
En parallèle à l’augmentation de sa production d’énergie éolienne et solaire, le Maroc commence à développer d’autres technologies qui lui permettront de diversifier ses sources de production et s’assurer un avenir énergétique durable. Par exemple, un projet pilote de production d’énergie en utilisant le mouvement des vagues de l’océan est déjà en construction, ainsi que des centres de méthanisation, qui utilisent les déchets organiques pour produire du biogaz. Masen planifie déjà la prochaine étape, la production d’hydrogène propre par hydrolyse. Ce processus utilise de l’électricité pour diviser les molécules d’eau dans leurs composants, hydrogène et oxygène. "Grâce à la qualité des vents que nous avons, nous pourrons coupler les centres de production d’hydrogène avec des éoliennes qui produiront à bas prix l’énergie nécessaire à la génération de cet hydrogène", projette Tarik Hamane.
Mais maintenant que le futur énergétique du Maroc semble assuré, la préoccupation principale du pays n’est plus l’énergie mais l’eau. "En ce qui concerne l’énergie, nous sommes sur la bonne voie et nous attendrons nos objectifs, mais ce qui nous inquiète désormais est la disponibilité en eau potable, car nous avons de plus en plus de périodes de sécheresse", avoue M. Hamane. Pour faire face à ce nouveau défi, le Maroc a réfléchi à plusieurs solutions. "Nous sommes en train de développer des panneaux photovoltaïques flottants, qui recouvriront l’eau de nos barrages pour diminuer l’évaporation de cette eau tout en produisant de l’énergie solaire, révèle M. Hamane. Mais surtout, nous construisons des complexes de désalinisation d’eau de mer, qui utiliseront l’énergie renouvelable que nous générons pour produire de l’eau propre". Une problématique cruciale qui nécessitera autant de détermination que celle montrée par les Marocains pour le développement de leurs énergies propres.
Nicolas Gutierrez C./Sciences & Avenir (19.02.2020)
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