Les opposants d’AVA agacent les adeptes de chasse à courre en forêt d’Eawy
Chasse à courre. Chaque samedi, l’équipage du Rallye Roumare lance sa meute de chiens sur la voie du cerf en forêt d’Eawy... Toujours suivis par les militants d’AVA (Abolissons la Vénerie Aujourd’hui).

Les membres d’AVA suivent l’évolution de la chasse, surveillés par les marcheurs en gilet jaune de la Société de vénerie. Photo : NS/PN
Seule la meute de chiens chasse le cerf. Les cavaliers encadrent.
Le cerf n’était pas seul à être traqué, le 9 novembre, jour choisi par le Rallye Roumare pour fêter la Saint-Hubert. Comme chaque samedi depuis septembre 2018, pour l’une des deux chasses à courre hebdomadaires en forêt d’Eawy, les militants d’AVA (Abolissons la vénerie aujourd’hui) se sont mobilisés pour s’opposer « pacifiquement » et à visage découvert à cette pratique qu’ils estiment « archaïque et barbare ». Une assiduité qui a le don d’agacer les chasseurs. Outre le maître d’équipage, le piqueux, le veneur à cheval et le suiveur à pied, la Société de vénerie a donc instauré un nouveau poste, le « marcheur » équipé d’un gilet jaune floqué de « J’aime la chasse », chargé d’encadrer les « saboteurs ».
« Un loisir barbare »
Et en effet, dès la messe de la Saint-Hubert, célébrée cette fois, non pas en l’église de Bellencombre mais au chenil du Rallye Roumare, aux Essarts d’Ardouval à Saint-Saëns, les « marcheurs » sont nombreux pour accueillir chasseurs et paroissiens (près de deux cents personnes) et repousser d’éventuels assaillants, tandis que la gendarmerie fait des rondes...
« Nous venons juste suivre la chasse en filmant pour montrer ensuite au public via les réseaux sociaux que poursuivre un animal jusqu’à épuisement et le massacrer, ça existe encore », explique Marie, ingénieure rouennaise de 26 ans. « On veut s’assurer que quand le cerf est aux abois à proximité des habitations, il est bien gracié. Ils n’aiment pas non plus qu’on filme la mise à mort... », précise François, 25 ans. « La chasse à courre relève de la violence et des sévices. Ce n’est pas l’idée que je me fais de l’humanité ni d’une société saine et équilibrée », confie Jean-Marc, fonctionnaire havrais de 50 ans. « C’est un loisir qui correspond à torturer au nom du plaisir », insiste Antoine, Dieppois de 22 ans. « Une pratique injuste sous le couvert de la tradition. Quand c’est médiatisé, tout le monde est choqué. 82 % des Français sont opposés à la chasse à courre qui est interdite dans de nombreux pays », ajoute Janine, venue de l’Eure. Bruno, sexagénaire brayon, regrette de « ne plus voir de cerfs dans la forêt ». « Ils feraient mieux de ramasser des champignons », estime Nolan, 9 ans, venu de la région havraise avec sa mère et son frère de 16 ans, Yannis qui a convaincu la famille de « mettre la main à la pâte ».
Un homme en costume à boutons dorés sous le gilet jaune, vient, sourire assuré, saluer le petit groupe, insistant sur prénoms et noms, parfois un métier, sous-entendant qu’il connaît chacun d’eux. La discussion est vaine. « Ce sont eux qui cherchent la bagarre », s’agace Bruno. « L’an dernier, ils ont crevé nos pneus, nous ont craché dessus et insultées », confirment les jeunes femmes. Les membres d’AVA en voiture seront marqués par leurs « gilets jaunes » attribués durant toute la chasse.
En fin de matinée, les chiens, une trentaine, sont donc lâchés à une entrée de forêt. Cavaliers, suiveurs à VTT et... une partie des opposants à pied et à caméra sont à leurs trousses, crapahutant dans les ronces et la boue. Rapidement, le cerf est levé. Les trompes de chasse résonnent. Les cavaliers « se perdent beaucoup, explique un couple à cheval. On est là pour la beauté de l’endroit, l’ambiance, la musique... » Un suiveur confie apprécier « la sortie en pleine nature ». Soudain, un daguet déboule, les yeux exorbités : lui joue sa vie... La Saint-Hubert 2019 n’aura pas fait de victime. « Le Rallye Roumare a terminé la chasse à 15 h 30, en graciant le cerf », communique la Société de Vénerie. Selon l’AVA, « ils ont perdu sa trace et les chiens divaguaient sur la départementale »...
Patron des chasseurs
Selon la légende, au VIIIe siècle, Hubert de Liège, passionné de chasse, poursuivait un grand cerf blanc quand une voix lui a demandé d’arrêter de chasser les animaux dans les forêts et de se consacrer à la religion catholique. Ce qu’il fit. La croyance populaire en a fait un chasseur converti et un guérisseur de la rage. Saint-Hubert est invoqué pour la protection des chiens et des chevaux.
« Prédation naturelle »
« La chasse à courre est le mode qui se rapproche le plus de la prédation naturelle : c’est la meute de chiens qui chasse, comme le feraient des loups, soutient Nicolas Beauché, responsable régional de la communication pour la Société de vénerie. La vénerie met en œuvre les instincts des animaux. Ce qui me fait plaisir c’est de voir comment les chiens relèvent les ruses du cerf. Et il a toutes ses chances ! La saison dernière sur une quarantaine de chasses en forêt d’Eawy (plus de 8 000 ha), seulement sept cerfs ont été tués. » En outre, s’il a fait un beau parcours, le cerf est « gracié ».
Nicolas Beauché met aussi en avant les dégâts causés dans les cultures. « L’État nous demande de réguler le gros gibier qui n’a plus de prédateurs. Et ce sont les chasseurs qui indemnisent les agriculteurs ! » Des plans chasse sont ainsi attribués aux équipages par le biais de l’Office national des forêts. Il reproche aux militants d’AVA une méconnaissance de la vénerie : « Les animaux sauvages ont l’habitude d’être chassés. Sinon ils sont dans des zoos et sont-ils mieux ? » Il estime que les caméras d’AVA « mettent la pression » sur les chasseurs. Les « marcheurs » sont là pour « assurer la sécurité ».
Nathalie Spriet/Pari Normandie (15.11.2019)
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