Elisa : on ne peut plus se taire.
Elisa était une jeune femme de 29 ans, enceinte de plusieurs mois. La semaine dernière, elle promenait son chien, Curtis, dans une forêt de l’Aisne. Le corps d’Elisa a été retrouvé criblé de morsures. Visiblement, elle avait été attaquée par une meute de chiens. Son chien, Curtis, avait aussi été mordu. Lui était encore vivant. C’est un drame incommensurable. Nous ne pouvons même pas imaginer la tristesse, la colère, et l’accablement de sa famille. Elisa, comme n’importe qui d’entre nous, promenait son chien en forêt. Une forêt où se déroulait, au même moment, une chasse à courre.

Elisa et Curtis. DR
Un regard scientifique sur un évènement tragique : qu’est-il réellement arrivé à Elisa ? |
Je ne suis ni comportementaliste canin, ni vétérinaire, ni journaliste d’investigation. Par respect pour Elisa et sa famille, je ne souhaitais pas me prononcer sur ces évènements tragiques, qui ont déjà assez fait parler d’eux. |
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« Quel chien serait capable de s’attaquer ainsi à un humain ? » - la réponse de VRAIS comportementalistes. |
Les résultats de l’autopsie sont formels : Elisa est décédée d’une hémorragie consécutive à « plusieurs morsures de chiens »1 . Je dis bien « chiens » au pluriel. Ses vêtements étaient complètement déchiquetés. Elle avait été mordue aux bras, aux jambes, à la tête… Cela exclue donc que ce soit uniquement Curtis, son chien à elle, qui l’ai attaqué. D’abord, parce qu’un chien attaquant ainsi sa maîtresse, en la mordant à plusieurs endroits, soyons honnête c’est du jamais vu. Mais ensuite, parce que l’autopsie a bien confirmé qu’il s’agissait d’une meute de chiens. Pas d’un chien unique. Il nous reste donc deux possibilités. Soit il s’agit d’une meute de chiens sauvages, soit il s’agit d’une meute de chiens de chasse – celle qui était justement utilisée le jour même pour une partie de chasse à courre. Analysons la première option. Il faudrait alors conclure qu’une meute de chiens sauvages et sanguinaires erre dans les forêts de l’Aisne, à la recherche d’un promeneur pour se nourrir. Cela vous paraît insensé ? Moi aussi, et pour deux raisons. D’abord, parce qu’à mon humble avis, si des chiens mangeurs d’humains se promenaient en meute, on en aurait entendu parler – et la SPA aurait déjà fait son travail. Si nous étions en Inde, ou dans un autre pays où les chiens errants sont chose commune, pourquoi pas. Mais en France, les meutes de chiens sauvages qui se nourrissent d’humains, ça n’existe pas. Ensuite, parce que les quelques chiens errants qui survivent en France ne vivent pas dans les bois. Ils préfèrent les villes, où ils peuvent plus facilement se nourrir de déchets, poubelles, et restes qu’ils trouvent ici et là sur les trottoirs. C’est bien plus simple que de « chasser » des humains en forêt. Reste donc la seconde option : il s’agit de la meute de chiens qui était utilisée ce jour-là à l’occasion d’une chasse à courre. Mais voilà : des prélèvements ADN ont été effectués sur 93 chiens – ceux d’Elisa, mais aussi ceux de la vénerie (chenil de chasse). Aucun de ces tests n’était concluant. Visiblement, aucun de ces chiens n’avait mordu Elisa. Faut-il pour autant exclure la responsabilité des chasseurs ? Pas avant de comprendre ce qui se passe réellement dans les véneries et élevages de chasse. |
Les chiens de chasse sont des outils : on les stocke, et quand ils ne marchent plus, on les jette. |
Il y a quelques mois, l’association OneVoice a publié une vidéo qui dénonce les conditions de détention des chiens de chasse, dans les élevages et les véneries2 .
Les images sont tout à fait abominables. Je cite l’association : « certains sont à l'attache dans la boue, d'autres enfermés avec leurs chiots dans des fourgonnettes, d'autres encore séquestrés dans des locaux insalubres, quand ils ne sont pas confinés dans des cages de transport ». Les plus faibles succombent. Les autres, affamés, dévorent leurs cadavres. Je n’invente rien, ce sont les images qu’on peut voir dans la vidéo.
Bien que choquantes, ces images sont en fait habituelles dans le milieu de la chasse. Pas besoin de nourrir les chiens correctement ; de les réchauffer l’hiver ; de les soigner quand ils sont malades. Pas besoin non plus de les identifier, étant donné le laxisme des contrôles.
Que conclure de cette vidéo ?
D’abord, que beaucoup de chasseurs n’ont que faire du bien-être de leur chien. Pour beaucoup, leur meute est un outil de travail. Enfermée dans un chenil toute l’année, été comme hiver, et sortie uniquement pour la chasse.
Quel lien avec l’homicide d’Elisa ?
Pour l’instant, nous n’avons aucune preuve que des chasseurs soient coupables.
Mais supposons. Supposons qu’il s’agissait bien d’une meute de chiens de chasse. Une meute sous la responsabilité de quelques chasseurs.
On peut se demander si tous les chiens ayant participé à la chasse étaient pucés. Il est facile, lors des contrôles ADN, de présenter une meute de chiens qui n’est pas sortie du chenil depuis plus d’une semaine. Aucun de ces chiens n’est suivi !
Et que faire des chiens ayant participé à la chasse ce jour-là ? Des chiens qui sont affamés, surexcités, malmenés ? Des chiens qui, dans l’excitation générale, auraient pu s’attaquer à une jeune femme ? Que faire de ces quelques chiens pour qu’on ne lie pas les chasseurs à l’homicide ? Je vous laisse l’imaginer
Mais une meute de chiens susceptibles de s’attaquer à un humain, c’est impensable ! |
Sur les réseaux sociaux, tout le monde s’indigne. Les chasseurs sont évidemment pointés du doigt. La coïncidence est trop grande. |
Le Staff, encore une fois condamné pour « délit de sale gueule » |
La semaine dernière, les médias ont longuement remué l’affaire. On a pu y entendre des énormités absolument honteuses. |
Chasse à courre : des participants très (trop ?) haut placés |
Justement, parlons-en du lobby de la chasse. Les dernières évolutions du droit des chasseurs laissent penser qu’il est bien plus présent qu’on ne le croit. Et c’est problématique, cette affaire. La chasse à courre n’est pas une activité pratiquée par n’importe qui. C’est un sport réservé aux plus fortunés. Notaires ; médecins ; avocats… et, comble du comble, au commandant du groupement de la gendarmerie de l’Aisne, qui participait à la chasse ce jour-là. |
Non, on ne peut pas assurer à 100% que des chasseurs sont en cause dans l’homicide d’Elisa. |
Il faut attendre les résultats de l’enquête avant de désigner un coupable. Mais si on résume :
Je vous laisse en conclure ce que vous souhaitez. Pour ma part, j’attends les résultats de l’enquête – en espérant que la piste des chasseurs sera étudiée avec une extrême vigilance. |
1https://www.lepoint.fr/faits-divers/femme-enceinte-tuee-par-des-chiens-dans-l-aisne-ce-que-l-on-sait-22-11-2019-2349003_2627.php |
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