Agribashing ou prise de conscience ?

Publié le par Jean-Louis Schmitt

La France fut longtemps peuplée de paysans. Les pouvoirs publics y subventionnaient davantage l’élevage de montagne et les maïsicultures que les innovations électroniques. Il fallait produire du cochon, du blé et des choux fleurs pendant que d’autres, ailleurs, produisaient des composants, des microprocesseurs, des téléviseurs puis des smartphones…

Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

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On ne fabrique plus d’électronique en France et le savoir industriel se perd, ici, mais on vend du mouton, du blé et des betteraves. Pour faire de la politique en France, Jacques Chirac, grand maître en la matière, vous aurait expliqué qu’il suffisait de savoir « taper sur le cul des vaches » ! On apprenait aux petits enfants de France que « le paysan était l’homme qui nourrissait les hommes »

Députés, sénateurs, préfets, ministres, flattaient le « campagnard » ce qui ne les dispensait pas d’un peu de mépris qui les consolait de leurs génuflexions devant le monde agricole. Naguère, on enseignait même aux écoles de police et à l’école de la magistrature que lors d’une manifestation d’agriculteurs, il ne fallait rien faire si un commissaire était peint en blanc et une préfecture décorée au lisier de porc.

La paix publique était au prix de ces reculades de la loi et de l’Etat

Cette mansuétude ne bénéficiait guère aux salariés et aux étudiants. Aussi, les protestations agricoles dégénéraient souvent en émeutes couvertes d’immunité syndicale de label FNSEA et apparentés. Les bureaux de madame Voynet, ministre de l’environnement en 1999, furent victimes de ce syndrome bien français. Nul ne fut inquiété pour ce saccage anti-écolo ! Mais le monde et les temps changent et l’exploitant agricole devient victime de l’hubris de l’agro productivisme.

Le nombre des exploitants confine à une relative marginalisation d’un groupe social tout puissant il n’y a qu’une cinquantaine d’années. La concentration, l’augmentation des rendements, la nécessité d’abaisser sans cesse les coûts de production sous la loi du Marché tuent le monde agricole victime d’une politique dont il est l’ardent défenseur. Ne voit-on pas la FNSEA soutenir les projets de fermes–usines ? Or, une ferme–usine remplacera plusieurs centaines de producteurs « à l’ancienne ». C’est la loi du Marché, du libéralisme économique, de la droite qui se confond avec la FNSEA.

Cette agriculture intensive, chimique et mécanisée a fait disparaître 80% des insectes, 40% des oiseaux. Elle a arasé les haies, comblé les mares, empoisonné les sols et les eaux et elle exige toujours davantage d’aseptisation de la nature vouant sangliers, cervidés, renards, fouines, lynx et loups à une guerre d’extermination.

Il faut comprendre d’où vient ce monde agricole…

Pendant des siècles, l’homme dut protéger ses récoltes et productions de la terre des prédations. Le paysan était en lutte farouche contre les « mauvaises herbes » et les bêtes sauvages ravageuses de récoltes et consommatrice d’animaux d’élevage. La Nature était une ennemie à laquelle il fallait arracher la subsistance. Aujourd’hui, la Nature nous menace encore, mais non par sa luxuriance, sa générosité, sa présence, mais par sa mort. Il convient donc d’inverser un processus mental et culturel sur lequel fonctionne encore trop « d’exploitants agricoles ».

Les pesticides, la suppression des plantes libres et de la faune deviennent les ennemis du vivant. Désormais, il faut aimer, protéger, respecter la nature si nous ne voulons pas vivre sur une terre morte. Un divorce moral est survenu entre les contemporains et les ennemis de la terre qui n’ont pas compris que la montagne n’est pas un parc à moutons, un marais un champ de maïs et qu’il est du devoir de l’homme de se réconcilier avec les autres formes de vies.

Sans doute, dans l’intérêt général, vaut-il mieux subventionner des loups que des moutons ! Voilà qui n’aurait pas pu être énoncé au milieu du siècle passé. S’il est encore iconoclaste de le dire, cette vérité s’imposera demain.

Peut-on en finir avec « l’agribashing » ?

Oui, si l’homme de la terre sait se réconcilier avec l’animal, être sensible et avec la nature. Alors, encore un effort messieurs du biocide, du piège et du fusil qui êtes les mêmes !

 

Gérard Charollois

 

 

 

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F
J'ai vu ce monde paysan basculer dans la course à la production ; cela a commencé après guerre , au milieu des années 50... <br /> Un retour en arrière n'est à priori pas possible mais un changement des pratiques pour une culture raisonnée , voire sainement bio c'est un chemin à suivre qui demande patience et temps. Rien ne peut et ne doit se faire dans la précipitation...<br /> http://www.mirebalais.net/2019/10/c-est-tout-bio.html
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C
L'agriculture doit évoluer mais dans le bon sens, celui de la raison ! Pour le moment c'est encore trop souvent la course effrénée au rendement qui constitue la seule raison de faire de la plupart des exploitants... La PAC n'incite malheureusement pas les travailleurs de la terre à changer de modèle : c'est fort dommage et, surtout, catastrophique pour notre environnement !
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M
En tant que petite association militant pour l'environnement, nous avons été sollicités pour participer à une journée sur l'agribashing dernièrement. Cette journée était organisée par une association d'agricultrices dans le but "de rassembler pour une meilleure cohésion sociale et un mieux vivre ensemble au cœur de nos territoires.<br /> La journée avait plutôt bien commencé avec quatre ateliers à thème mené chacun par un animateur et ceci dans une ambiance à premier abord plutôt sympathique.<br /> Malheureusement la restitution de ces ateliers n’a pas été, à notre avis, à la hauteur de l’initiative :<br /> Nous sommes restés sur notre faim : Prisonnier d’un système imposé il y a plusieurs années le milieu agricole présent se pose toujours en victime : des journées de travail interminables pour un salaire de misère, pas de dimanche, pas de vacances, des contraintes administratives et paysagères toujours plus importantes et en plus dénigrés par ceux qu’ils nourrissent. » de quoi enchanter s’il le fallait, les jeunes lycéens du lycée agricole venus participer aux ateliers.<br /> Une des principales pistes d’amélioration se trouverait dans la communication afin de rétablir la confiance entre les différents acteurs.<br /> Quid de l’environnement ? du bien-être animal ?<br /> A ces questions, point de réponses claires : tout semble déjà fait…<br /> - Si maltraitance il y a, c’est parce que l’agriculteur est en burn-out !!! même que, pour certains, parler de bien être animal c’est mettre en péril l’agriculture française à terme…<br /> - L’environnement : tout est pris en compte déjà, les normes sont respectées et les contrôles permanents !<br /> Comment envisager de renouer le dialogue si les principaux acteurs du monde agricole restent campés sur ses positions ? aucune possibilité d'envisager qu'on puisse faire autrement!
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J
Votre témoignage est éloquent et en dit long sur le gouffre qu’il y a entre l’opinion publique et la réalité des métiers de la Terre ! Cette réalité est, par ailleurs, également magnifiquement restituée dans le fil "Au nom de la Terre" : le système infernal dans lequel le plus grand nombre des agriculteurs se sont plus ou moins volontairement englué, ne leur laisse guère ou très peu de chances de pouvoir s’en sortir ! Le pire c’est que, malgré toutes les difficultés –et les nombreux suicides- on continue comme si de rien n’était ! Les agriculteurs, comme tout un chacun, son doté d’un cerveau ce qui, aujourd’hui, en 2019, devrait au moins les aider à arrêter de faire n’importe quoi ! Malheureusement, nombre d’entre eux se sont fait happer par les sirènes de la "modernisation", du besoin de s’équiper (et de s’endetter) toujours plus pour –soi-disant- être plus libre… Or, ils sont de plus en plus prisonniers du système qui, lui, ne les lâchera jamais mais, nullement pour leur bien : uniquement à cause des dettes qu’ils auront accumulées… <br /> Fort heureusement, il n’y a pas que cette face sombre et, d’autres, refusent farouchement ce système mortifère ! Ces Paysans -au sens le plus noble du terme- ne méprisent pas la Terre nourricière et, en toute logique, refusent de lui porter atteinte en la martyrisant, la saccageant, la polluant… Ils la respectent et lui sont reconnaissants de les faire vivre ! <br /> L’avenir est certainement là mais, en attendant, d’autres se chargent de poursuivre l’infernal massacre…<br /> A nous, consommateurs et citoyens, de dire quelle agriculture nous voulons !
K
Un beau texte.<br /> Les agriculteurs sont sur la sellette, ces temps-ci..
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S
Je me souviens qu'en 1980 des agriculteurs ont brûlé des moutons vivants place de la république à Strasbourg. Les photos de ces atrocités ont même parues dans Paris Match. On ne peut pas oublier cela. <br /> De plus les esclaves de Monsanto sont les plus ardents défenseurs de la firme. <br /> Lors de la projection d'un documentaire sur les ravages causés par l'agriculture intensive, qui montrait la mort de la plupart de ses copains , un paysan dans un fauteuil roulant ravagé par les pesticides nous a dit qu'il en avait confié l'épandage à son voisin . Il ne pouvait pas faire de bio parce qu'il avait de grosses dettes et que tout le monde ne pouvait pas en payer le prix. Je lui ai répondu qu'à partir du moment ou on réduit , voir on supprime sa consommation de viande , on peut avec le même budget acheter des fruits et légumes bio. Conclusion: "il va se lancer dans l'élevage..." .Il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veux pas entendre. Il est clair que la FNSEA est le gourou des écervelés.
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J
Je me souviens Sylvia de ces atroces images qui m’ont également fortement choqué ! D’autres, non moins cruelles, ont hélas suivies et, à chaque manif, je ne peux m’empêcher de me dire "que vont-ils encore nous imposer comme ignominie pour soi-disant se faire entendre ?"…<br /> Vous le dite et l’illustrer parfaitement : "il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre" : la politique agricole actuelle poursuit sa course infernale du profit immédiat sans se soucier le moins du monde de tous ceux qu’elle laisse sur le carreau et en portant gravement atteinte à la population et à l’environnement… Quid du "bien-être animal" dont "ils" ne veulent même pas entendre parler… Tout cela, c’est obligé, nous reviendra dans la figure tel un boomerang et, le prix à payer sera probablement énorme ! Nous en avons déjà d’éloquentes illustrations mais, on feint de ne pas les voir pour pouvoir continuer sans mettre les consciences à mal… Tout cela, au final, est terrifiant et suicidaire !
O
Ils veulent être aimés les pauvres choux, et bien ce sera sans moi. M. Charollois a raison sur toute la ligne. D' un autre côté les quinzaines du porc vont démarrer chez Leclerc ou ailleurs. Le prix du porc flambe, à cause de la peste porcine chinoise dit-on, plus 0,47 € le kilo en un an. Nos chers poilus au groins roses sont morts ces jours derniers pour 0,47€ de plus, c'est humiliant, mais je crains que cela ne s'arrête demain.
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D
Toujours brillant dans l'exposé de vérités premières bien oubliées Gérard Charollois; je trouve très percutant ce passage où il rappelle que désormais la Nature nous met en danger...par sa mort !<br /> Les petits paysans: les suicides auraient dû nous bouleverser ....et nous alerter depuis longtemps...Je pense qu'il s'agit surtout de ceux proches de la Confédération paysanne et peu de ceux de la FNSEA.....simple supposition, je ne le sais pas et il y a sans doute des exceptions !<br /> Quoi qu'il en soit le Syndicat FNSEA est à combattre .
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J
Après la manif des paysans, des vrais, ceux qui respectent la terre qui les nourrit et les fait vivre et qui souhaitent légitimement une PAC plus adaptée, hier, gros déploiement de force des exploitants agricoles, FNSEA etc., vous savez ceux qui déversent en toute impunité du fumier devant les sous-préfectures, qui brûlent des pneus et des palettes histoires de polluer un peu plus encore... A votre avis lesquels ont le plus de chances d'être entendus, les premiers ou les seconds ?
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Z
Très beau texte , très juste! Et je suis très pessimiste sur la volonté politique d'effectuer le revirement nécessaire, les lobbys sont trop puissants!
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J
Bravo et Merci monsieur Charollois, qui êtes toujours très juste et très fort!
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L
un très beau texte
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M
Voilà tout est dit et bien dit.!
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A
Encore un beau texte, plein de lucidité sur le monde paysan, qui est hélas devenu un monde d’« Exploitants agricoles »...<br /> Merci pour ce partage, belle journée au nid, et prenez soin de vos plumes ! Bises.
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