Quand le lion mange la gazelle

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Mi amusé, mi consterné, je lis sous la plume d’un antispéciste qu’il conviendrait d’intervenir, nous les hommes, à l’encontre de la prédation de la gazelle ou du zèbre par les lions…

Le chat et la souris, prédateur et proie… Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Le chat et la souris, prédateur et proie… Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Que cet esprit compatissant se rassure. En 2050, la population humaine de l’Afrique aura doublé et les lions auront sans doute disparu. Mais la question soulevée par notre essayiste animaliste hostile à la prédation « naturelle » mérite un examen puisqu’elle est posée. Le lion dévore la gazelle, le tigre l’antilope, le loup le chevreuil, le renard et la hulotte le mulot. Ne doutons pas que la proie sous la dent, la griffe ou la serre souffre.

Or, pour nous, hédonistes altruistes, la souffrance est un mal. C’est pour la combattre que nous aspirons à une société équitable, non-violente, sans chasse, sans corrida, sans acte de cruauté à l’encontre de tout être sensible dont l’intérêt à vivre est pris en considération.

Alors que faire de la prédation ?

Observons, partant comme toujours des faits, que plus de la moitié des espèces peuplant la terre sont prédatrices : certes, le lion, peu goûté de notre essayiste, mais la fouine, la martre, le putois, le blaireau, l’épervier, le merle et l’hirondelle consommatrice d’insectes ne sont pas végétariens. Que dire du chat, omniprésent auprès de l’homme, grand tueur d’oiseaux, de rongeurs, de lézards ou de chauves-souris ! Non, le lion et le loup, l’ours et le lynx ne sont pas les seuls prédateurs.

Comme me le disait le regretté Théodore Monod : « lorsque dieu créa le tigre, il ne me demanda pas mon avis » (oui, Théodore croyait au ciel, mais les différences d’opinions sont des chances et des occasions d’enrichissement de l’esprit). Pour s’en tenir aux faits, avant d’apporter une réponse éthique à la question soulevée, n’oublions pas que si la gazelle, le zèbre, le chevreuil, le lapin, le rat, le ver de terre victimes d’une prédation n’avaient pas connu la malchance de rencontrer le lion, le loup, le renard ou le blaireau, le merle ou la chouette, ils seraient morts, un jour, de maladie, de faim, d’une mauvaise blessure en connaissant des souffrances inadmissibles d’un point de vue moral.

Dans la nature, avec ou sans prédateur, malheur à l’animal devenu vieux, vulnérable, malade. Outre que pour supprimer la prédation, il faudrait anéantir plus de la moitié des espèces vivantes, cette éradication ne supprimerait ni la souffrance, ni la mort. Je ne ferai que mentionner les déséquilibres des populations que créerait la disparition des prédateurs naturels.

Pour notre essayiste ennemi des lions, les espèces ne comptent pour rien et seul l’individu doit être pris en considération. Ce raisonnement oublie que l’individu, qu'il soit ours, loup, lapin ou humain n’existe que parce qu’il y a encore une espèce correspondante. Sauvegardons les prédateurs puisqu’ils existent et que la nature ne nous a pas demandé notre avis en les faisant apparaître et en les rendant nécessaires.

La problématique ne tient pas à la prédation mais à la souffrance et à la mort dont la prédation n’est jamais qu’une variante. Sans prédation, la souffrance et la mort perdurent puisque la « proie » qui échapperait à son agresseur connaîtrait les affres du vieillissement et de la maladie pas moins cruels. Lorsque le chat tue le petit oiseau, lorsque le loup attaque le mouton, lorsque la chouette effraie capture la souris, ces prédateurs ne se posent pas de questions éthiques. Ils ignorent même qu’ils font souffrir et ne font que manger selon les exigences de leur physiologie.

L’univers n’est pas éthique.

Le propre de l’homme n’est pas le rire, connu du singe et du rat, ni l’intelligence, présente chez les autres animaux, ni la capacité d’éprouver le principe du plaisir/déplaisir qui fonde le droit à ne pas être maltraité, mais la faculté d’accéder à une norme éthique élaborée. Être humain, c’est être accessible à une éthique comportementale excluant la souffrance et la mort pour autrui.

Le processus d’hominisation n’est pas parachevé puisque le chasseur, le tortionnaire d’humains ou d’animaux ne sont pas parvenus à ce degré culturel du respect de la vie et de l’amour de la nature. Notre capacité à nous indigner face à la souffrance et à la mort fait de nous des humains et sans cette capacité, l’homme n’est qu’une calamité bien plus redoutable et coupable que tous les prédateurs naturels qui eux n’ont pas le choix.

 

Gérard Charollois

 

 

 

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Publié dans Animaux, Point de vue

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S
waouh quelle magistrale démonstration de la logique intelligente !! bravo, je me suis régalée.. et n'aurais jamais pu mettre cela sur papier !! Voilà ce que je craignais qu'il arrive un jour, dans le spécisme !
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J
Au sujet de ce qui ressemble à ce que l'on pourrait dénommer du "transnaturalisme" par assimilation au transhumanisme, il n'est pas inintéressant de voir une discussion sur le site de Fabrice Nicolino :<br /> http://fabrice-nicolino.com/?p=1576#comments (à partir du commentaire "yves bonnardel 24 juillet 2013 à 5:50" ; j'ai posté sous le pseudo "P'tit nouveau").<br /> Il y a également le billet de Fabrice Nicolino en réponse directe à Yves Bonnardel :<br /> http://fabrice-nicolino.com/?p=1585<br /> <br /> Contrairement à ce qu'écrit Gérard Charollois, pour une fois, je ne suis pas en accord avec lui car je ne parviens pas à être "mi amusé" mais seulement totalement consterné par ce courant de pensée.
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J
Merci pour ces précisions JCP : l'échange est passionnant en effet ! Je l'ai parcouru avec délice !
K
Oups... Il faut lire : le prédateur "tue" pour manger...
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K
Loi de la nature.... Le prédateur mange pour manger, survivre... Quant à l’homme (qui tue le plus souvent pour le plaisir de tuer) il n’est qu’une calamité bien plus redoutable et coupable que tous les prédateurs naturels qui eux n’ont pas le choix.<br /> J'ai apprécié cet article.<br /> Bonne soirée
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O
La vache et l'ourse brouterons ensemble et ensemble aussi se coucherons leurs petits. Le lion mangera de la paille comme le taureau. Isaïe 11:7<br /> Comme on est un peu juste en ce qui concerne la paille avec ces fortes chaleurs il faudra improviser.
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Z
Pour se comparer au lion et réclamer également son entrecôte ou sa cuisse de volatile , faudrait-il encore que le bipède aille se la prélever lui même sur la bête libre dans la nature , car emballée dans des barquettes au super marché , c'est de la triche! <br /> L'élevage industriel pour la viande ou le lait est devenu une telle horreur que je n'ai aucun regret d'avoir sacrifié la lionne qui dormait en moi!
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C
l'animal tue pour survivre. C'est la loi de la nature. C'est cruel, mais 'est comme ça. L'homme lui souvent tue les animaux comme ça, par plaisir alors qu'il pourrait s'en passer. Bon après pmidi
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C
La nature est la nature... L'humain, lui, peut choisir le meilleur, pour toutes les espèces... Bonne journée. @mitiés !
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O
Pourrait-on connaître les références du texte qui est à l'origine de l'article? Merci
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J
Extrait du livre « La révolution antispéciste » de Yves BONNARDEL…
C
Il faut savoir raison garder.. Sagesse aussi. Certains ne le comprenant pas devraient lire l histoire de Marlaguette qui sauvant un loup et refusant qu il tue pour se nourrir l alimente de vegetaux. C est a deux doigts de son trepas tant il est affame qu elle comprend que sans la nourriture carnee qui lui permet de vivre, il mourra. Par amour et ayant acquis cette sagesse, elle le libere de son regime mortel. C est une grande lecon qu apprend ainsi Marlaguette.... Et tous ceux qui aiment TOUS les animaux pour lesquels nous devons respecter les rythmes et specificites qui ne peuvent etre les notres.
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C
Intervenir contre les prédateurs ? Quelle curieuse idée en effet… Voilà qui serait lutter contre la nature ce que, indéniablement, l’homme fait depuis des lustres et avec un génie assez effrayant ! Je pense pour ma part que nous n’avons pas à juger les autres espèces même si leur comportement parfois cruel à nos yeux, nous choque ! En revanche, nous pouvons ne pas faire pareil puisque, contrairement aux animaux, nous savons ce que nous faisons !
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J
A la différence des autres espèces prédatrices, l’homme a parfaitement conscience de ce qu’il fait subir aux autres animaux et ce, souvent avec une violence inouïe voire du sadisme : l’humain, quoique doté d’une intelligence hors du commun, exploite en effet tout ce qui est exploitable et, pour ce qui concerne sa nourriture, a créé un système qui, au fil du temps, est devenu une monstrueuse machine ou l’animal est totalement désincarné au point de n’être plus qu’un simple "produit" de consommation comme un autre… A la différence des autres espèces, conscients, nous pouvons faire autrement et, puisqu’il est parfaitement possible de nous passer de nourriture carnée, nous pouvons éviter cette cruelle étape qui consiste à se repaître de l’autre, qu’il soit veau, vache, poule, écrevisse ou poisson… C’est une question certes de volonté mais aussi, et il est ici utile de la rappeler, d’éthique !
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D
"se repaître de l’autre, qu’il soit veau, vache" : sémantiquement, le choix du mot autre indique une égalité, s'adresse à une personne, donc j'y vois une forme d'antispécisme, l'ami !
K
Nous avons certes la capacité de nous indigner face à la mort, néanmoins celle-ci devrait être plus facilement acceptée, tout comme la vieillesse, une tranche de vie à rendre noble. Quand nos chats attrapent des souris pour jouer avec elles jusqu'à la mort, sans les manger car déjà trop bien nourris par nous ...âmes se croyant si bien pensantes....<br /> Beau dimanche
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D
Voilà qui sur ce blog aux accents parfois végétariens apporte de l'eau au moulin, malgré la conclusion, de ceux qui mettent la poule au pot le dimanche!<br /> En effet l'homme depuis toujours est un prédateur<br /> Certes dans la conjoncture actuelle il doit adapter son attitude à l'évolution de l'environnement, mais il n'y a pas plus de raisons de lui interdire un steak que d'interdire l'antilope au lion. Tout cela bien sûr en évitant au maximum la souffrance animale et en se gardant des pires brutalités inutiles...
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