Greta Thunberg, une pluie de critiques à l'Assemblée en pleine canicule
Elle a 16 ans, a reçu des prix prestigieux, milite pour une noble cause et a su rallier à elle une partie de la jeune génération. Pourtant, Greta Thunberg déchaîne les passions en France, jusque dans la classe politique. Son intervention à l'Assemblée vivement critiquée en est une preuve de plus.

La militante suédoise Greta Thunberg, 16 ans, a pris la parole devant les élus à l'Assemblée nationale, le 23 juillet 2019. Photo : Lionel Bonaventure/AFP
C'est sous une chaleur écrasante, l'une des plus sévères qu'ait connu la capitale française (et l'Europe entière) au cours du dernier siècle, que Greta Thunberg, figure de proue de la lutte contre le réchauffement climatique, est venue prendre la parole mardi 23 juillet 2019 à l'Assemblée nationale. Pour ajouter un peu plus à l'ironie du sort, le Ceta, traité de libre-échange avec le Canada jugé par certains nocif pour l'environnement, allait être ratifié ce même après-midi par 266 voix contre 213.
C'est sous une chaleur insoutenable à laquelle personne ne peut rester insensible que l'adolescente suédoise de 16 ans, qui consacre aujourd'hui la plupart de son temps à sillonner le monde pour alerter sur l'urgence climatique, a déclenché un déferlement de haine de la part de députés, journalistes et autres personnalités plus ou moins influentes, comme le philosophe Michel Onfray ou le fondateur du site Doctissimo Laurent Alexandre.
Exaspération et sarcasmes
Aux abords de la salle du débat, raconte l'AFP, une collaboratrice ne s'est pas gardé d'ironiser : "J'ai jamais vu de prophète !" Des railleries, Greta Thunberg en suscite en masse depuis qu'elle occupe une place de choix dans les médias pour ses "appels à la grève de l'école pour le climat". "Gourou apocalyptique", "fée Clochette", "pauvre enfant manipulée" ou, à l'inverse, "manipulatrice des masses"... De toutes parts, et particulièrement du côté des Républicains, dont certains membres avaient appelé au boycott de la prise de parole de la militante à l'Assemblée, les formules "anti-Greta" fusent dans l'espace public, qu'il soit réel ou en ligne. La députée Emmanuelle Ménard (RN) a même été jusqu'à manifester sur Twitter ses envies de violence envers la jeune fille, déclenchant inévitablement l'indignation sur le réseau social : "Dommage que la fessée soit interdite, elle en mériterait une bonne."
Plus généralement, le RN a dénoncé "une nouvelle forme de totalitarisme". Du côté de la majorité, certains, comme le député Sylvain Maillard, se sont dit "mal à l'aise" par la présence de la jeune fille au Parlement français, ou ont plaidé, à l'instar de Benoit Simian, pour "arrêter d'enfoncer des portes ouvertes".
"Nous sommes devenus les méchants"
Difficile de croire qu'une enfant qui s'évertue à éveiller les consciences, à l'heure où le monde scientifique ne craint qu'il soit déjà trop tard, puisse déranger à ce point. Et ce même si Greta est loin d'être un symbole inattaquable, ses discours simplistes et ses formules acerbes pouvant agacer aussi ceux qui partagent ses idées. En écoutant son discours, l'acharnement contre Greta Thunberg, qui arborait ce jour-là nattes, petite robe noire et baskets bleues, n'est pas plus compréhensible. "Certains ont choisi de ne pas venir ici aujourd'hui, certains ont choisi de ne pas nous écouter. C'est très bien. Vous n'êtes pas obligés de nous écouter, nous ne sommes que des enfants après tout. Mais vous devez écouter la science. C'est tout ce que nous demandons : unissez-vous derrière la science", a-t-elle lancé, la voix posée, renvoyant à la lecture du dernier rapport alarmant du groupe d'experts de l'ONU sur le climat (Giec).
"Nous sommes devenus les méchants qui devons dire aux gens des choses pas faciles, parce que personne ne veut le faire ou n'ose. Et [pour cela], nous recevons un déferlement de haine et de menaces. Des députés et journalistes se moquent de nous et mentent à notre sujet", a-t-elle poursuivi, faisant références aux fausses rumeurs qui ont circulé sur le Web sur son compte, notamment sur ses prétendus liens avec de grandes entreprises. Venus soutenir la Suédoise, de jeunes militants français ont à leur tour interpellé les élus : "Combien d'enfants dans la rue vous faut-il pour réagir ?", a lâché l'un d'entre eux, toujours selon l'AFP. "Faîtes vos devoirs, (...) ce serait dommage que le conseil de classe vous empêche de passer au prochain mandat."
Le Ceta, une cible moins facile
Malgré tout, en cette fin de matinée au Palais Bourbon, Greta Thunberg n'avait pas que des détracteurs. L'ex-ministre de l'Écologie Delphine Batho a qualifié les personnes critiques "d'atteints du symptôme de l'autruche". D'autres ont assuré être venus écouter une "lanceuse d'alerte", déplorant une polémique "dérisoire", ou comme Brune Poirson, une "surenchère climatosceptique" des Républicains. La climatologue Valérie Masson-Delmotte a, elle, dénoncé des polémiques "extrêmement futiles". "On parle de la messagère mais pas du problème et ce qui m'intéresse, c'est de parler du changement climatique qui affecte tout le monde, les écosystèmes et les gens, et parler des solutions et faire en sorte que ces solutions soient déployées", a-t-elle déclaré à quelques journalistes.
Au-delà de la polémique soulevée par la jeune activiste, plusieurs députés de gauche ont souligné la "contradiction" de la majorité à accueillir Greta Thunberg et à ratifier le Ceta dans la même journée. "La lutte contre le réchauffement climatique à 12h et le renoncement climatique à 15h", s'est insurgé Stéphane Peu, du PCF. Greta, elle, s'est éclipsée avant le vote. Interrogée sur le hasard du calendrier qui fait coïncider sa venue avec ce scrutin, elle avait dit plus tôt "très honnêtement" ne pas s'en être souciée. "La langue de bois dès 16 ans", a pesté un député d'opposition.
Sciences et Avenir/Marine Benoit (24.07.2019)
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