32 000 euros pour un lion, 38 000 pour un éléphant... le juteux business des chasses dans la savane
L’article date certes un peu mais, il donne une idée assez précise d’un scandale assez peu connu par le grand public : la chasse au trophée que, personnellement, je me contenterai de nommer tout simplement « braconnage organisé », qui se pratique beaucoup en Afrique mais pas que… Curieusement, on continue à associer certains termes comme « gestion de la faune » à ces tueries en règle ! Un business qui, évidemment rapporte gros mais n’enrichit certainement pas les populations locales ! Assurément pas très éthique tout cela…
Adri Kitshoff, présidente de l'Association des chasseurs professionnels d'Afrique du Sud (Phasa), pose avec son «trophée», en juin. Photo : Stefan Heunis/AFP
32 000 euros pour un lion, 38 000 pour un éléphant... le juteux business des chasses dans la savane
Depuis qu’il a tué le lion Cecil pour 50 000 dollars (45 700 euros), l’Américain Walter Palmer essuie un feu de critiques. Pourtant, il est loin d’être le seul à partir à la chasse aux grands fauves dans les plaines africaines. Sur le continent, les trophy hunts («chasse au trophée») sont légales dans une vingtaine de pays, notamment en Afrique du Sud et en Namibie. Pour éviter la disparition pure et simple de certaines espèces, des quotas – plus ou moins respectés – ont été instaurés dans chaque région. Selon la rareté et la dangerosité de l’animal, les tarifs peuvent varier ; de 90 dollars (82 euros) au plus bas pour abattre un babouin à 42 000 dollars (environ 38 000 euros) pour un éléphant.
Ressource financière privilégiée
Si certains pays africains sont attachés au trophy hunting, c’est qu’ils y trouvent une ressource financière privilégiée. C’est une des raisons pour lesquelles la Zambie a levé l’interdiction de chasser les grands fauves sur son territoire au mois de mai. Selon le directeur du Fonds mondial pour la faune en Zambie, interrogé par la BBC, cette décision fait suite aux recommandations d’experts estimant que les fonds pourraient «aider les communautés dans des zones défavorisées, avec un accès à des bénéfices financiers».
Les trophy hunts, bien qu’elles ne représentent qu’une infime part du tourisme, créent un business juteux. Avec des chasseurs prêts à payer 35 000 euros pour tuer un lion ou un léopard, les Etats ont un intérêt matériel à réguler ces pratiques. Ce sont en effet les autorités qui définissent les parcelles de territoires dédiées à la chasse et les quotas d’animaux pouvant y être abattus : les organismes de safaris louent les parcelles et reversent différentes taxes, faisant du gouvernement l’un des principaux bénéficiaires des revenus générés par cette activité.
En Tanzanie par exemple, 44% des revenus du tourisme de chasse vont dans la poche du gouvernement, selon un rapport de Vernon Booth, spécialiste de la gestion de la faune africaine. Joe Hosmer et Larry Rudolph, deux responsables du Safari Club International, estimaient de leur côté en 2011 que les trophy hunts rapportaient 100 millions de dollars (91 millions d’euros) en Afrique du Sud et près de 29 millions (26,5 millions d’euros) en Namibie. Les préférences des chasseurs varient selon les régions : au Mozambique et en Namibie, ce sont les éléphants qui rapportent le plus tandis que les buffles génèrent davantage de bénéfices en Tanzanie.
Cependant, les populations ne semblent pas voir la couleur de ces bénéfices financiers. Plusieurs études depuis 2008 estiment que seuls 3% environ des revenus créés par les trophy hunts atteignent l’économie locale et les communautés vivant sur place : la majeure partie va aux firmes et agences gouvernementales. Ces dernières sont censées les transférer à des fonds créés pour financer la conservation des espèces sauvages.
Conservation des animaux
Le débat crée une vraie fracture entre les associations de protection du monde animal et les défenseurs de la chasse : participe-t-elle à la conservation de la faune africaine ? Quelques rapports existent sur le sujet, notamment celui de Peter Lindsey, Stéphanie Romanach et Pierre-Armand Roulet datant de 2007. Ils ont analysé le rapport à la condition animale dans plusieurs pays autorisant la chasse, et concluent que celle-ci vient en aide à la cause animale.
La chasse attirerait en effet l’attention sur les problématiques liées à la survie de la faune africaine, exposée à d'autres menaces environnementales et humaines. En abattant des animaux, les chasseurs entraîneraient une prise de conscience nationale et internationale et donc une levée de fonds pour la conservation des bêtes sauvages qui serviraient ensuite à la réintroduction des espèces menacées. En Afrique du Sud, cela aurait permis le sauvetage des gnous noirs et des zèbres de la montagne du Cap, réintroduits dans un terrain privé. La population locale se sentirait alors beaucoup plus concernée par la protection de sa faune. Environ cinquante des quatre-vingts villages entourant la réserve de Selous en Tanzanie se sont unis pour promouvoir la richesse de leur faune et impliqués dans l’écotourisme.
L’ensemble éviterait également de longs débats houleux sur l’existence des parcs protégés. Dans un contexte humanitaire difficile, où la population augmente et a besoin de terres pour vivre, la chasse justifie à elle seule que des territoires soient dédiés à la conservation animale.
Outre l’idée que la chasse entraînerait des levées de fonds pour la conservation animale et oblige les populations à s’interroger sur la valeur de leur faune, l’argent qu’elle rapporte financerait grandement la lutte contre le braconnage. Le Savé Valley Conservancy, un parc du sud-est du Zimbabwe, aurait financé grâce à l’argent de la chasse près de 150 sentinelles chargées d’empêcher tout acte de braconnage au sein de la réserve. Interviewé par l’AFP en juillet, Hermann Meyeridricks, président de l’association des chasseurs professionnels en Afrique du Sud (Phasa), explique que «la chasse évite les conflits et apporte des bénéfices».
Un constat qui n’est cependant pas à prendre pour argent comptant. Le Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw) a publié en 2013 un rapport sur le même sujet et dont la conclusion est radicalement différente : les effets bénéfiques de la chasse sont minimes par rapport à l’impact néfaste qu’elle aurait sur le monde animal. Reste que l’argument des bénéfices financiers ne suffit pas à convaincre certaines associations de l’utilité des trophy hunts pour la conservation de la faune africaine.
Emilie Coquard , Morgane Heuclin-Reffait et Camille Malnory /Libération
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