Aux Etats-Unis, des centaines de villes, croulant sous leurs déchets, ne recyclent plus

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Depuis que la Chine a décidé de cesser d’importer des déchets en plastique, papier et métal, les Etats-Unis sont confrontés à un grave problème de gestion de leurs détritus.

Aux Etats-Unis, des centaines de villes, croulant sous leurs déchets, ne recyclent plus

Le réseau de recyclage américain est-il en train de s’effondrer ? A Philadelphie, les déchets recyclables de la moitié des habitants – ils sont 1,5 million – sont désormais incinérés. Les canettes, bouteilles et journaux qui s’accumulent dans les bacs de recyclage de l’aéroport international de Memphis finissent dans une décharge. Et la ville de Deltona, en Floride, a récemment suspendu son programme de recyclage municipal, rapportait le New York Times à la mi-mars.

Depuis que la Chine, jusqu’alors la destination numéro un des déchets américains – et pas seulement –, a choisi de ne plus être la « poubelle du monde », des centaines de municipalités à travers les Etats-Unis découvrent ce qu’il en coûte de consommer, et donc de produire des tonnes de déchets. Et se voient obligés de réinventer la gestion de leurs déchets.

Le 18 juillet 2017, Pékin a notifié à l’Organisation mondiale du commerce(OMC) qu’il allait interdire l’entrée sur son territoire à vingt-quatre catégories de déchets – plastiques, papiers et textiles – solides. Pour justifier ce changement, les autorités chinoises ont mis en avant l’argument environnemental et la nécessité de développer leur propre industrie de recyclage. La mesure est entrée en vigueur fin 2017 et en novembre 2018, Pékin a annoncé que trente-deux nouveaux produits, allant des rebuts d’acier inoxydable au bois en passant par les pièces automobiles et de navires, allaient s’ajouter à la liste de ceux déjà bannis.
Entre 1992 et 2017, la Chine et Hongkong ont importé 72,4 % de tous les déchets plastiques destinés au recyclage, indiquait une étude publiée dans Science Advances. Chaque jour, 4 000 conteneurs de plastique recyclable partaient des Etats-Unis vers la Chine. Mais entre janvier et octobre 2018, les déchets en plastique, papier et métal importés par Pékin ont diminué de 51,5 % par rapport aux dix premiers mois de 2017, affirment des chiffres des douanes chinoises cités par l’agence officielle Chine nouvelle.

Incinérer plutôt que trier

Conséquence : le tri du papier, des plastiques, du métal et du verre, ainsi que la recherche de débouchés pour ces produits se révèlent aujourd’hui des opérations trop onéreuses pour nombre de communes américaines. Même pour la plus grande ville de Pennsylvanie, dont les habitants produisent 400 tonnes de déchets recyclables par jour. Lorsqu’ils étaient recyclés, la municipalité de Philadelphie gagnait de l’argent : en 2012, Republic Services, l’un des géants de la gestion du secteur, versait 67,35 dollars (environ 60 euros) à la ville pour le traitement d’une tonne de déchets. Mais après la décision des autorités chinoises, la donne a changé. A l’été 2018, lorsque Republic Services renégociait le contrat, l’entreprise envisageait de facturer 170 dollars le recyclage d’une tonne de déchets.

Trop cher pour la ville, qui a décidé de recourir aux services d’un concurrent, Waste Management. Mais celui-ci n’est en mesure de traiter que la moitié des ordures municipales, pour 78 dollars la tonne. Le reste est incinéré par Covanta Energy, un autre acteur du secteur des déchets et de l’incinération. « La plupart d’entre nous pensent que le recyclage est un service offert par notre ville, mais c’est en réalité un business », rappelle le site Earther. De petites villes comme Broadway en Virginie, Blaine County dans l’Idaho ou Franklin dans le New Hampshire ne sont pas épargnées. En 2010, Franklin (8 600 habitants) a lancé un programme de recyclage qui ne pesait pas sur ses finances, raconte The Atlantic : une tonne de déchets recyclés lui rapportait 6 dollars, ce qui était suffisant pour amortir le service de tri sélectif. Mais depuis le changement de politique en Chine, elle doit débourser 125 dollars pour recycler une tonne de déchets, ou 68 dollars pour l’incinérer. Avec 18,4 % de sa population sous le seuil de pauvreté, la municipalité ne se voit pas augmenter les impôts pour financer le recyclage : elle a aussi choisi la solution de l’incinération, mauvaise pour la qualité de l’air.

Quand elles ne recourent pas à l’incinération ou au tri, les municipalités sont obligées d’ouvrir des décharges à ciel ouvert. Celles-ci sont la troisième source d’émission de méthane d’origine humaine aux Etats-Unis : elles représentent environ 14,1 % de ces émissions en 2016, selon les chiffres de l’Agence pour l’environnement (EPA).

Les solutions alternatives

« La Chine a donné trop peu de temps au secteur pour s’adapter », déplore Adina Renee Adler, de l’Institute of Scrap Recycling Industries, l’une des grandes fédérations professionnelles du secteur du recyclage. « Nous aurons bientôt tellement de stocks que nous serons obligés d’en mettre de plus en plus dans les décharges si on ne trouve pas de nouveaux marchés », admet aussi le président de la National Waste and Recycling Association, Darrell Smith.

Les villes américaines ne peuvent pas non plus miser sur les autres pays importateurs de déchets. L’Indonésie, le Vietnam, la Thaïlande ou l’Inde sont incapables d’absorber les dizaines de millions de tonnes que la Chine importait. Et quand ces pays acceptent d’en importer une partie, ils imposent un cahier des charges drastique.

Alors que faire ? Travailler en amont pour réduire l’utilisation de plastique semble l’une des seules solutions, comme le rappelle Slate : « Plus tôt nous accepterons que le recyclage est économiquement impraticable, plus tôt nous pourrons faire des progrès en réglant le problème de la pollution plastique », a souligné Jan Dell, la directrice de l’association Last Beach Cleanup.

Des municipalités comme San Francisco essaient aussi de faire changer les mentalités. En plus de réduire leur consommation, de réutiliser et de recycler, la ville incite ses habitants à refuser de consommer. Un pari loin d’être gagné en pleine Silicon Valley, et alors que l’économie américaine tourne à plein régime et produit plus de déchets que jamais : en 2015, la dernière année pour laquelle des données nationales sont disponibles, les Etats-Unis ont produit 262,4 millions de tonnes de déchets, soit 4,5 % de plus qu’en 2010 et 60 % de plus qu’en 1985.

Blog Big Browser (28/03/2019)

 

 

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Publié dans Environnement, Consommation

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K
Quand ça va vraiment mal, cela ne s'arrête plus...
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Z
Océans, rivières, terres , nous finirons par tout saloper ! Les américains ont juste un temps d'avance!
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D
Lire ça me rend malade, parfois en écoutant les médias qui commencent à s'intéresser aux problèmes liés à l'environnement, une émission comme "carnets de campagne" qui valorise les initiatives personnelles, on reprend espoir et là: on retombe dans le marasme, oui on pense à nos vieux appareils qui vont polluer les Africains déjà exploités par de grandes sociétés françaises, le pire étant le coltan pour nos portables et pour lequel de jeunes Africains , des enfants aussi suent et meurent dans les mines, alors le Monde des Hommes ne changera jamais et c'est désormais bien plus inquiétant que naguère...<br /> Je me suis éloignée du sujet précis après avoir lu le commentaire de Pierre qui a hélas raison en évoquant le packaging et Astrid qui rappelle la nécessité d'apprendre aux gens à consommer autrement ; c'est évident mais bien difficile; personnellement je ne parviens pas à convaincre mon conjoint, pourtant pas insensible au problème, à délaisser ses savons liquides et shampoings en flacons de plastique , même si nous pratiquons le tri sélectif, justement peut-être incitatif à ne pas changer dans nos achats de produits; je voudrais qu'il passe comme moi aux blocs compacts, plus sains et sans emballages; ici à Amiens,de nouvelles boutiques s'ouvrent avec ces produits; est-ce à dire qu'il y a de la demande ou qu'on va créer la demande...mais que c'est long !
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J
Inutile, chère Dominique, de te flageller : nous autres faisons ce que nous pouvons ! Ce n’est peut-être pas assez –ce n’est jamais assez !- mais nous avons la satisfaction d’agir et, au moins, d’essayer de changer sinon le cours des choses mais au moins nos comportements ! Pour le reste, nous sommes et resterons à jamais impuissants ! Cela ne nous dédouane évidemment nullement de nos responsabilités mais il nous faut rester conscient que face aux coupables de ces situations ubuesques, nous ne pouvons qu’alerter et tenter de sensibiliser nos pairs…
D
ce constat ne m'étonne pas dans un pays dirigé par un président qui nie l'évidence climatique ; c'est d'autant plus grave que le pays le plus riche du monde a les moyens d'agir et ne fait pas les bons choix, fort de ses espaces et de sa faible densité de population ...
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O
On dit que les américains sont de grands enfants, je ne sais pas si c'est vrai. En tout cas ils ne font pas mieux que nous apparement pour la gestion et le recyclage des déchets. Toujours plus de croissance, à n'importe quel prix, la décroissance n'est pas du tout à l'ordre du jour, pas plus que l'éducation à l'environnement et la sobriété. J'aime beaucoup la phrase :"La Chine a donné trop peu de temps au secteur pour s'adapter". C'est probablement la même chose pour la France et l'Europe. Nous envoyons aussi une partie de nos déchets en Chine , en Afrique et ailleurs. Légalement ou illégalement, de juteux trafics et de jolis scandales à venir. Par ailleurs les industriels du plastique, du packaging ne sont pas franchement pour une réduction des emballages et les modes de consommation et de distribution ne sont pas prêts de changer non plus, donc le problème est insoluble. Mais les américains ont un avantage indéniable sur nous, ils ont de plus vastes espaces à saloper.
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J
Dans le présent débat, tout le monde a un peu raison et je crains, effectivement, que la situation ne soit quasi insoluble vu les divers intérêts puisqu’il y en a toujours qui font feu de tout bois et sans le moindre état d’âme quant aux diverses problématiques qui nous préoccupent généralement sur ce blog ! <br /> Cela me fait penser à cette île située au large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui se nomme "Nauru" : elle fut naguère et pendant un temps très prospère grâce à l’exploitation et l'exportation du phosphate, ce minerai, très utile pour fabriquer l’engrais agricole, qui alimente l'agriculture australienne et britannique… Après l’épuisement des réserves minières, une mauvaise gestion des finances publiques et la dégradation de la santé publique caractérisée par l'apparition de maladies liées à une mauvaise hygiène de vie ont entraîné une paupérisation de la population et du pays en général, aboutissant à une faillite nationale : il serait peut-être judicieux que je consacre une publication à cette île un jour prochain puisque c’est un excellent exemple de ce qui peut arriver même à des pays soi-disant très évolués… Lorsqu’on ne se soucie que du profit et que les problèmes environnementaux sont à ce point négligés, les "retours de bâton" peuvent s’avérer très, très douloureux… j’ajouterai que ce n’est que justice !
O
Chère Astrid, Je n'ai jamais prétendu que c'était de la faute de Trump. Le président américain est certes un crétin nuisible, mais la société de consommation a été théorisée il y bien longtemps et le gâchis a commencé bien avant lui. Cependant il n'est pas du genre à appuyer sur le frein, bien au contraire et l'éducation ne semble pas non plus être sa priorité.
A
Tout est de la faute de Trump apparemment ! Ne faudrait-il pas d'abord apprendre aux gens à consommer différemment. Le fait est qu'ils sont à présent mis devant leurs déchets ... si nous en France, étions ainsi mis en face des déchets que nous envoyons dans les pays du "tiers monde", peut-être ne serions-nous pas aussi pontifiants ! ...
J
Si ce pays n'arrive pas à gérer ses déchets recyclables, il y a fort à parier que les décharges vont grossir. Quel cinéma !
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J
Un des paradoxes américains où tout est démesuré y compris –et, après tout, c’est logique- le volume des déchets et des ordures ! Comme c’est le cas de la filière nucléaire chez nous qui produit des déchets radioactifs en masse sans avoir de réelle et satisfaisante solution quant au recyclage, les E.U. produisent des montagnes d’ordures sans se soucier le moins du monde de leur devenir… On découvre à travers cette information que, jusqu’à il n’y a pas très longtemps, ce vaste pays se contentait d’exporter une grande partie de ses déchets vers la Chine, une solution de facilité qui est également un scandale face à ces pays qui acceptent (ou acceptaient) moyennent devises bien sûr, de "retraiter" lesdits déchets ! Finalement, voilà peut-être un mal pour un bien puisque cette crise met les américains devant leurs responsabilités… Cela dit : pour se débarrasser au plus vite de leurs ordures, il est probable que de nombreuses villes vont incinérer en masse (donc polluer abondamment…) à moins qu’elles n’ouvrent tout simplement de nouvelles décharges à ciel ouvert ! Bref, on régresse et "le plus grand et le plus puissant pays du Monde" se découvre tel un géant aux pieds d’argile qui risque fort de sombrer sous les immondices…
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