Petits plastiques, grosse pollution : l'enquête de Surfrider sur les biomédias

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Il y a 10 ans, les bénévoles de l’association Surfrider Foundation Europe découvrent d’étranges camemberts en plastique sur les plages françaises : ce sont des biomédias, utilisés par les stations d’épuration. Surfrider, membre du mouvement France Nature Environnement, vient de publier un rapport sur cette pollution et les moyens d’y remédier. Cristina Barreau et Phillipe Bencivengo nous éclairent sur cette pollution encore méconnue…

Les biomédias sont inconnus auprès du grand public. Quels sont-ils exactement ? Et pourquoi Surfrider s’est intéressé à ce sujet ?

Effectivement, à l’origine, l’utilisation des biomédias (médias-filtrants) est surtout une histoire de spécialistes. Ajoutés dans les bassins de traitements des eaux usées des stations d’épuration, ces supports alvéolés en plastique permettent aux bactéries épuratrices de se fixer et de proliférer, améliorant ainsi leur efficacité.

C’est en 2008 que les biomédias ont été observés pour la première fois sur les plages de la côte basque. L’usage de ces « camemberts » de plastique était encore méconnu lorsque l’antenne bénévole Surfrider côte basque a commencé à communiquer sur les échouages. Quelques mois plus tard, l’identification de ce déchet s’est faite depuis la Corse, grâce à la visite d’une Station d’épuration par une antenne bénévole située à Ajaccio. Ces derniers ont reconnu le déchet non identifié et en recoupant les informations nous avons pu montrer le lien entre stations d’épuration et échouages de ces supports en plastique sur les littoraux.

A partir de là, les témoignages de pollutions se sont multipliés en Aquitaine puis sur l’ensemble des littoraux français et européens. Surfrider Foundation Europe est alors devenu l'organisme de référence sur le sujet, mobilisant l'ensemble de son réseau et bénéficiant de données collectées par un large réseau d'observateurs externes.

Biomédias sur la plage de Bidart crédit © Surfrider 64

Avez-vous pu mesurer l’impact de ces objets sur les milieux aquatiques et les plages ?

L’impact des biomédias en eux-mêmes est difficile à estimer. L’ensemble des écosystèmes océaniques et littoraux mondiaux est menacé par la pollution par les déchets aquatiques. Environ 20 millions de tonnes de déchets issus des continents arrivent à la mer chaque année, dont 8 à 18 millions de déchets plastique. Les biomédias en font partie. Les plastiques constituent une perturbation majeure pour le milieu marin et littoral. Etranglement, immobilisation, ingestion, transport d’espèces invasives, les objets composés de plastique peuvent causer bien des dégâts aux espèces marines mais également aux fonds marins et  aux êtres humains (impacts socio-économiques, impacts physiques). En plus, elles ont la particularité de se fragmenter sous l’action des UV (photodégradation) et de l’abrasion mécanique. Leur dégradation dans le milieu naturel est très lente, et en se décomposant, le plastique libère des substances toxiques (additifs chimiques, ignifugeants…) qui peuvent par exemple se révéler être des perturbateurs endocriniens. Les microplastiques servent également de support pour l'accumulation de polluants organiques persistants hydrophobes (POP) comme les PCB ou le DDT. On a déjà retrouvé des biomédias dans les estomacs d’oiseaux marins tels que le fulmar des îles Feroe.

Contenu de l'estomac d'un Fulmar crédit © Jan Van Franeker, IMARES

Comment expliquer qu’un objet censé dépolluer l’eau finit par la polluer, et polluer les milieux aquatiques ?

Les nombreuses observations et enquêtes menées sur le terrain nous ont permis d’obtenir quelques éléments de réponses à ces questions. Lorsque les biomédias sont correctement contenus dans les bassins des stations d’épuration, ils constituent un moyen de traitement efficace et possèdent de nombreux avantages. Les pollutions observées se produisent généralement suite à une succession d’incidents techniques souvent en lien avec des aléas climatiques tels que de fortes précipitations. C’est donc le manque de procédures de sécurité, l’incompatibilité de certaines installations avec l’usage de biomédias voire une mauvaise gestion des bassins qui conduisent aux pollutions. 

Comment changer les pratiques et faire cesser les pollutions ? Comment a réagi le secteur à vos alertes et recommandations ?

Par le partage du rapport, et la diffusion des préconisations, afin que le plus grand nombre d’acteurs de l’assainissement aient conscience de l’ampleur de ce type de pollution et des actions à mettre en œuvre pour les limiter. Du côté des professionnels, les retours sont pour l’instant très variables. Notre rapport et ses préconisations ont parfois été très bien accueillis par des professionnels réellement impliqués dans la résolution de ce type de pollution et qui ont acceptés de participer à l’amélioration de nos recommandations. D’autres ont beaucoup moins bien accepté nos observations, allant jusqu’à les remettre en cause … niant parfois même la possibilité que des stations d’épuration puissent être à l’origine de ces pollutions.

En tant que citoyen, que pouvons-nous faire pour lutter contre cette pollution ?

Pour que chacun comprenne bien les enjeux liant les STEP aux rejets de biomédias sur les plages, une diffusion à large échelle de cette étude et des recommandations qui l’accompagnent est essentielle. Pour ceux qui veulent agir sur le terrain, les signalements de biomédias retrouvés sur les littoraux nous permettent de suivre les cas de pollutions et ainsi mieux cibler les zones d’actions. Alors si vous avez remarqué la présence de ces filtres d’épuration sur les berges d’un cours d’eau ou sur une plage, dites-le nous ! Envoyez un mail à water@surfrider.eu en précisant la date, le lieu et la quantité trouvée. N’oubliez-pas de joindre une photo, il y a tellement de modèles différents !

Sources : France Nature Environnement

 

 

 

 

https://fne.cdnartwhere.eu/sites/default/files/2015/biomedias-2.jpg

Crédit © Surfrider

Surfrider Foundation Europe agit depuis plus de 1990 pour la protection des océans, des vagues, du littoral et de ses usagers. Membre du mouvement France Nature Environnement, elle est particulièrement active sur les questions de déchets aquatiques et de protection des océans. 

 

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K
Encore une pollution de plus... Je l'apprends...<br /> Bon jeudi Jean-Louis.
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P
L'article est un peu long et beaucoup de lecteurs ne font que survoler dans ce cas : c'est dommage car le sujet est intéressant et mérite davantage d'écho ! Mais comment informer qui ne souhaite pas l'être ?
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J
C'est un problème dont je n'ai pas la solution. J'hésite souvent à relayer certaines informations en raison de leur longueur sachant qu'effectivement, de nombreux lecteurs ne vont pas au bout... Je me dis que, finalement, même si le nombre de personnes "atteintes" est faible, "il en restera toujoujours quelque chose" et c'est cela qui compte !
M
J'ai déjà vu de tels morceaux de plastique sur des plages mais j'ignorais ce que c'était : me voilà renseignée ! <br /> Merci à vous de m'avoir éclairée : dorénavant, je signalerais mes "découvertes" à cette association...<br /> Bonne journée et merci pour la grande qualité de vos publications !
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J
Merci à vous de me lire et, peut-être, de partager l'info...
V
Terrible constat... Un de plus ! <br /> Quand donc les pouvoirs publics vont-ils cesser de ménager "la chèvre et le choux" et, au final, laisser la situation catastrophique qui est celle des océans (mais pas que...) continuer à se dégrader de la sorte ?
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C
C'est vraiment intéressant : par contre, c'est dommage que les recommandations ne soient pas suivies partout pour contrer ce problème. Bon dimanche !
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P
Interessee et tres inquiète de toutes ces pollutions
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J
Effarant, l'homme est un apprenti sorcier. En voulant régler un probléme, il en cré un autre....La toute petite lueur positive est ces lanceurs d'alertes.
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J
L'ampleur de la pollution en question n'est pas anodine et, encore une fois, doit nous interpeller, nous tous, chacun à son modeste niveau ! Partager l'info inconnue du plus grand nombre est un premier pas, signaler la découverte de filtres d'épuration à Surfrider peut s'avérer une précieuse contribution à une lutte - une de plus - qu'il convient d'engager sans tarder davantage...<br /> Une fois encore : heureusement qu'il y a des associations qui "se bougent" et qui, de fait, constituent de précieux lanceurs d'alertes et titillent les pouvoirs publics afin qu'ils agissent à leur tour !
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D
encore une mauvaise nouvelle de plus, la nature de plus en plus menacée, il serait temps d'agir
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