Et si les véganes avaient raison ?
Les réactions et commentaires ont été vifs et nombreux suite à la tribune parue dans Libération sous le titre provocateur de « Pourquoi les végans ont tout faux » (18 mars 2018), signe que le sujet interpelle, interroge voir en agace d’aucuns. J’ai publié ici même le long argumentaire de Guillaume Corpard qui répond point par point aux coauteurs de l’article en question ! Aujourd’hui, je laisse la parole à Pascale Corbin, autrice de « La domination Humaine (L’invraisemblable silence) » qui adresse son point de vue aux lecteurs de « Nature d’ici et d’ailleurs »… en exclusivité !
Pourquoi les véganes ont-ils "tout vrai" ?
Mais que vient faire ce charmant billet dans un journal national ? Comment celui-ci a-t-il pu publier un tel torchon ? Les bras nous en sont tous tombés : mépris/haine + texte non abouti/mal ficelé + inculture notoire/stupidité confondante + terreur d'un humanicide/peur viscérale de ne plus pouvoir s'adonner à la dévoration frénétique de chair animale + mauvaise foi/incohérence des propos... tout y est ! Incroyable... mais pourtant vrai ! Il est dit que le ridicule ne tue pas !
Inutile de revenir ici sur les points devenus "bateaux" que sont :
- la démentielle souffrance des animaux non humains
- les effets délétères des produits carnés et dérivés sur notre santé
- le désastre pour l'écologie
- la part de responsabilité sur la faim dans le monde
- le gaspillage, etc.
puisque la réalité des conséquences de ces dérives sociétales ne sont plus à démontrer, ni même discutables à ce jour, tant l'évidence éclate au grand jour depuis quelques temps. Ce ne sont là que des arguments animalosceptiques basiques (tout comme il en existe chez les climatosceptiques), qui arrangent bien tout le monde. Pour faire court, mieux vaut s'appesantir sur des aspects généralement peu évoqués, mais qui ont été (plus que maladroitement) abordés dans ce pauvre article de presse.
1. Les Véganes sont de vilains et dangereux transhumanistes
Madame et Messieurs les auteurs, apprenez qu'il n'y a pas LES véganes, mais plusieurs courants de pensée végane, car la pensée n'est pas un monobloc caricatural, mais demeure individuelle au sein d'une même cause. L'un de ces courants, celui que vous qualifiez de transhumaniste, part du principe radical que l'humain devrait enfin se résoudre à "foutre la paix aux animaux une bonne fois pour toutes". Leur foutre la paix suggère de les laisser vivre leur vie propre sans intervenir et bien sûr, sans les utiliser, ne serait-ce que pour la compagnie. Car toujours selon ce courant, les animaux de compagnie subissent, pour leur part, une forme de contrainte, plus soft. A sa décharge, il faut bien reconnaitre que la plupart des animaux voués à tenir compagnie à l'Homme sont, non seulement issus de la production, donc commercialisés (animaleries, élevages, trafics parallèles, élevages dits familiaux générant un profit), le plus souvent exploités à l'infini pour la reproduction. Puis, une fois les jeunes vendus, une certaine partie d'entre eux se retrouve soit maltraitée, abandonnée, ou vivant dans des conditions de vie non adaptées (ne parle-t-on pas communément d'une "vie de chien ?").
Ceci dit, un animal trouvé, récupéré ou adopté dans un refuge demeure l'alternative acceptable aux yeux des véganes. L'élevage des animaux de compagnie est condamné par eux tout comme l'élevage des animaux voués à votre consommation. Sans ces élevages, il est évident qu'il y aurait moins d'animaux, soit moins de malheureux êtres sentients sur la planète. Car les animaux dits de compagnie payent, eux aussi, un lourd tribut dû à l'intervention et à l'inconséquence humaines. Donc point de coupure radicale.
2. Les véganes ingèrent tout plein de saloperies à la place de la bonne viande
Je suppose que les coauteurs font allusion aux produits simili-carnés. D'une part, ceux-ci sont loin d'être incontournables. Leur utilité première est d'aider les véganes (ou végétariens) débutants à remplacer la viande dans leur assiette, à laquelle ils étaient habitués depuis toujours. Mais après un certain temps, ils se rendent compte par eux-mêmes qu'un repas constitué de légumes, de légumineuses et de fruits leur est amplement suffisant, et que les simili-carnés sont tout à fait aléatoires. D'autre part, il est évident que se ravitailler en simili-carnés dans le commerce bio est un gage de qualité. Dans les supermarchés du "tout-venant" et ceux "discount", il n'est effectivement pas exclu de consommer un produit de facture inférieure (au même titre que tous les autres aliments proposés). Ainsi, par exemple, une étude a mis en avant la présence d'huile de paraffine dans un simili-carné bas de gamme…
3. Mangeons donc de la bonne chair heureuse, traitée avec humanité et abattue gentiment !
Lorsque l'on regarde une émission télévisée du genre "Manger c'est voter" à laquelle les coauteurs en question peuvent être conviés par notre viandard national Perico Legasse, ils brillent tous par le haut niveau de leurs incohérences tout en flattant les bas instincts de dévoration de l'Audimat. Ces M'sieurs'dames exhortent les téléspectateurs à arrêter de manger de la viande tout en continuant à en manger ! Puisque aujourd'hui, l'horreur de la production animale industrielle n'est plus discutable - eux-mêmes sont tombés d'accord là-dessus -, il leur a fallu trouver d'autres arguments et stratagèmes en demi-teinte. Il est donc depuis peu préconisé par ces amoureux inconditionnels de la bidoche de jouer la carte du "papa-gâteaux", pâle remake du Code Noir appliqué aux animaux-esclaves, autrement dit de mettre en scène le paysan plein de bonhommie qui aime ses bêtes comme ses propres enfants, mais qui est obligé de les conduire à l'abattoir, la larmichette à l'œil, parce qu'ON ne peut pas faire autrement… Sortons nos mouchoirs !
Il est avéré de nos jours que c'est complètement faux : on vit très bien, et même mieux, sans utiliser les produits de l'abattoir, tout comme en boudant laitages et œufs. La seule vérité est que les intervenants s'accrochent à leur barbaque désespérément comme des enfants en bas âge pleureraient toutes les larmes de leurs corps si on leur retirait leurs sucettes, faisant fi de l'incommensurable souffrance qui règne derrière leur petit caprice gustatif (sans parler des autres problèmes), autrement dit, par simple gourmandise !
Ils savent très bien au fond d'eux que la production animale, même non industrielle, reste une entreprise de mort programmée, entre élimination des poussins, séparation du veau à la naissance, esclavage à vie, et peine de mort quand la mamelle est pressée et qu'il n'y a plus une goutte à en tirer ! Quelle hypocrisie et quelle inhumanité !
4. Quid de la bonne bidoche artificielle
Eh bien non, détrompez-vous, c’est une grossière erreur : ce ne sont pas les véganes qui veulent consommer de la viande artificielle (issue de cellules animales) - pas plus que des insectes ceci dit -, mais des chercheurs qui se sont engouffrés dans la brèche, afin d'essayer d'ouvrir un nouveau marché et de générer des profits. Ce n’est ni plus ni moins une nouvelle histoire de gros sous. De tout cela, nous n'avons nul besoin, puisque les protéines se trouvent partout et qu'elles sont on ne peut plus disponibles dans une alimentation végétale. Nous véganes, en sommes la preuve vivante !
En guise de conclusion
Que cela soit clair pour tous : non, les animaux n'extermineront pas l'humanité si nous cessons de les martyriser, la famine mondiale n'adviendra pas, au contraire, nous ingurgitons beaucoup moins de saloperies que le consommateur lambda.
Il est foncièrement égoïste de faire passer sa petite (ou grande) gourmandise avant toutes les conséquences dramatiques qui en découlent, aussi bien pour les animaux, pour les Hommes, pour la planète, et votre bidoche artificielle, vous pouvez vous la garder. Souvenons-nous que Galilée - reniant ses convictions -, a évité le bûcher de peu pour avoir affirmé l'existence de l'héliocentrisme et que Semmelweis a terminé ses jours à l'asile pour avoir découvert l'asepsie.
L'humanité n'est jamais encline à reconnaitre une quelconque valeur à toute idée nouvelle, il en a toujours été ainsi, et cela continue tout bonnement avec l'émergence du véganisme. Cet article de Libé est une fort maladroite tentative de rébellion contre une juste cause, rien de plus. Mais au fond, qu'est-ce qui fait la différence entre les coauteurs de l'article en question et les véganes, regardant les uns et les autres de concert en direction de la décroissance ?
Finalement, n'y en a qu'une seule : pour les seconds, tuer est un crime, y compris lorsque la victime est animale, tandis que pour les premiers, le crime est nié, effacé comme par magie, lorsque la victime n'est pas humaine. Déni, clivage, dichotomisation, désensibilisation, indifférence, scotomisation, défaillance de la perception et Cie... tout le problème est là !
Lire également :
- « Véganisme : Réunir tant de clichés en si peu de lignes est un exploit » par Aymeric Caron (Libération 19 mars 2018)
- et « Véganisme : pourquoi Paul Ariès, Frédéric Denhez et Jocelyne Porcher ‘’ont tout faux’’ » de Florence Dellerie ( Médiapart 19 mars 2018)
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