Le nucléaire a du plomb dans l’atome

Publié le par Jean-Louis Schmitt

L’année 2018 s’annonce comme une année clef dans la politique nucléaire française. Climat, concurrence, technologie, et coût ne jouent pas en sa faveur.

Quand démarrera la mise en service de l’EPR de Flamanville ? L’Agence de sûreté nucléaire a jugé « tendu » une mise en service fin 2018. Photo : AFP

Comment va se répartir le mix électrique français ? Quels seront les arbitrages entre l’électricité d’origine nucléaire et celle issues des énergies renouvelables ? Ce sont les questions cruciales à laquelle le gouvernement devra répondre dans sa Programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2023 attendue pour la fin de l’année.

Le gouvernement a dû reculer sur l’objectif de ramener d’ici 2025 la part du nucléaire dans la production électrique de 75 % actuellement à 50 %, pourtant inscrit dans la loi de transition énergétique de 2015. L’horizon est encore flou et se situe entre 2030 et 2035.

12 milliards de pertes pour Areva

L’autre enjeu est la mutation du marché de l’électricité dans le monde où le nucléaire n’a plus la cote. « Le modèle économique des énergies renouvelables devient plus compétitif. Et donc inversement, il faudra se poser la question de la compétitivité de l’électricité issue de l’atome », indique Sébastien Lecornu, secrétaire d’État à la Transition écologique, en déplacement vendredi sur le chantier de l’EPR de Flamanville (Manche).

Un projet de réacteur de troisième génération qui multiplie les déboires, en France et à l’étranger, et illustre bien les difficultés structurelles de l’industrie nucléaire. « Il n’y a pas d’avenir industriel pour l’EPR parce qu’il n’y a pas de marché pour ce type de machine. Trop grande, trop chère et, surtout, trop lente à mettre en route », estime Mycle Schneider, auteur du World nuclear industry status report 2017 (1).

Est-ce un hasard si Areva (2) a accumulé 12 milliards de pertes en 5 ans, obligeant l’État, début 2017, à renflouer l’entreprise avec 5 milliards d’euros d’argent public ?

Comme dans d’autres secteurs économiques, le modèle des grosses unités de production qui nécessitent des transports d’énergie sur des centaines de kilomètres pour être distribué aux usagers est largement remis en cause. S’y substitue une logique de maillage du territoire en unités plus restreintes, moins coûteuses, opérationnelles rapidement. Les énergies renouvelables y sont privilégiées. Car quand le coût du nucléaire progresse, ceux de l’éolien et du solaire ont fortement baissé ces dernières années. Et pendant que la France prend de plus en plus de retard sur ces nouvelles énergies, le mouvement s’accélère ailleurs. « Le Brésil, la Chine, l’Allemagne, l’Inde, le Japon, le Mexique, les Pays-Bas, l’Espagne et le Royaume-Uni produisent tous plus d’électricité d’origine renouvelable que nucléaire », souligne Mycle Schneider.

48 réacteurs ont plus de 30 ans

Autre gros écueil pour le nucléaire : l’âge du capitaine. Le parc des 58 réacteurs nucléaires français est vieillissant (48 d’entre eux ont plus de 30 ans). Incidents et défauts techniques, notamment des fissures dans les cuves (lire par ailleurs) se multiplient et ont obligé l’arrêt d’une dizaine de réacteurs l’hiver dernier. « La question de la prolongation des réacteurs au-delà de quarante ans se pose de manière accrue », souligne Barabara Pompili, députée LREM à l’origine de l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire, la semaine dernière, sur la sûreté des installations nucléaires, y compris vis-à-vis du terrorisme, une question là aussi où le flou demeure.

EDF a indiqué ne pas souhaiter arrêter d’autres réacteurs nucléaires avant 2029. Pour le moment, seule la fermeture de la centrale de Fessenheim est actée. À une date concomitante à celle du démarrage de l’EPR de Flamanville. « Normalement, en fin d’année, nous aurons des critères très précis pour savoir combien de réacteurs nous allons fermer et à quelle échéance », assure Nicolas Hulot.

Le Dauphiné.com/Frédérick MACÉ (05/02/2018)

 

  1. Publication annuelle sur l’état de l’industrie nucléaire dans le monde.
  2. Areva a d’ailleurs changé de nom dans l’opération pour devenir Orano et ne conserver que sa seule activité sur le cycle des combustibles (mines d’uranium et retraitement des déchets). 

 

Lire aussi :

Publié dans Nucléaire

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
D
Bon, en dehors du fait que l'article fait un point intéressant, quand je vois qu'on parle de l'horizon 2030/2035 je me demande si les politiques d'aujourd'hui qui ont les yeux rivés sur le bout de leur nélectoral se sentent vraiment concer-nez...
Répondre
J
Cyrano n’aurait pas su le formuler mieux !
J
Pour une fois que ce ne sont pas les écolos qui le disent, peut-être que l'info sera davantage relayée ! Va-t-elle pour autant arriver jusqu'aux oreilles de nos brillants décideurs ? Rien n'est moins sûr ! Le gigantesque gaspillage peut donc encore se poursuivre pour quelques temps... Après tout, on n'est plus à quelques milliards près (rappel : d'un coût estimé au départ à 3,3 milliards, nous en sommes déjà à 10,5 milliards... et le chantier n'est toujours pas achevé ! En Finlande, le projet accuse dix ans de retard et le réacteur ne devrait pas être opérationnel avant mai 2019 pour un budget qui a, là aussi, explosé à 10 milliards d’euros. Le chantier des deux réacteurs EPR d’Hinkley Point en Grande-Bretagne commence à peine que des délais (plus d’un an) et des surcoûts (1,5 milliard) sont déjà annoncés pour une mise en service fin 2025 et un investissement désormais évalué à 22,3 milliards d’euros). <br /> N'importe quel père de famille ou petit entrepreneur qui ferait montre d'une aussi mauvaise gestion serait embastillé sans autre forme de procès !
Répondre
M
Bonjour. très bel article. très intéressant. un beau blog. Vous pouvez visiter mon univers. lien sur pseudo. à bientôt. bises
Répondre