La chasse loisir : une honte pour l’humanité
Extrait du dernier numéro de l’excellent magazine belge « BeVeggie Mag »* presqu’intégralement consacré à la chasse et ses dérives, en voici un premier volet : d’autres suivront… Toute ressemblance avec les pratiques cynégétiques en France serait évidemment fortuite puisque, comme chacun le sait, chez nous, c’est évidemment mieux (en l’occurrence, il faut traduire que c’est encore bien pire !)…
Il y a bien des similitudes entre l’élevage et la chasse. En Wallonie comme ailleurs, ces secteurs d’activité sont représentés par des syndicats puissants bénéficiant d’appuis politiques manifestes qui permettent à une petite minorité (0,15% de la population pour les chasseurs) de personnes de continuer à faire faire fi des préoccupations partagées par la majorité des citoyens qui se sentent de plus en plus concernés par les enjeux environnementaux, la question du bien-être animal et par l’érosion de la biodiversité…
Nous sommes une majorité de citoyens à réclamer de réformes importantes afin d’interdire l’élevage intensif et la chasse de loisir. On retrouve chez les chasseurs et les éleveurs cette même volonté de déguiser la réalité par des mots savamment choisis ; les uns envoient leurs animaux se faire réformer, les autres parlent de prélèvement, mais l’objectif essentiel de ces deux activités est la mise à mort de jeunes animaux.
Si on ne veut pas utiliser les mots « tuer » ou « mort » c’est qu’ils embarrassent. Il faut préserver notre bonne conscience. Nous devons pouvoir continuer à saliver en pensant à une bonne blanquette de veau ou à un civet de biche. C’est sans surprise que les défenseurs de l’exploitation des animaux se font passer pour des petits anges, des bons bergers, des protecteurs de la nature. Mais ils ont la mémoire courte ceux qui souscrivent à leurs boniments. Jetons un coup d’œil en arrière… Que nous apprend l’histoire ?
Et bien pour cela il suffit d’aller visiter un parc animalier comme le domaine des grottes de Han. Il promet au visiteur de vivre « un voyage dans le temps en découvrant de multiples espèces vivantes ou ayant vécu dans nos régions ».
Là-bas, vos enfants pourront s’émerveiller devant les loups, les ours, les lynx, les bisons, etc. Mais avons-nous suffisamment pris conscience que l’unique responsable de la disparition d’une grande partie de ces espèces n’est autre que l’Homme, le plus grand des prédateurs et le plus futile aussi. C’est l’élevage et la chasse qui sont directement responsables de cette « épuration » animale. C’était vrai hier et c’est toujours vrai aujourd’hui. Pour être plus précis, l’homme moderne a ajouté deux autres fléaux : l’urbanisation des espaces naturels et l’épandage de pesticides, d’engrais synthétiques et de millions de mètres cubes de sang, de pisse, de merde provenant des 300 millions d’animaux tués chaque année dans les abattoirs belges.
Le Roi Philippe de Belgique.
C’est un fait ! L’agriculture intensive ou non et les chasseurs ont fait disparaître le gibier des plaines soit pour permettre l’élevage (plus d’un million de bovins en Wallonie) soit pour assouvir à coups de fusil une passion mortifère. Adieu lièvres, perdrix, faisans et autres volatiles imprudents !
On est arrivé à un tel point de « régulation » que les chasseurs des plaines ne trouvent plus d’animaux à abattre. Aujourd’hui ils doivent se rabattre sur les animaux qui ont trouvé un refuge dans nos forêts. Un refuge tout relatif, cela dit, car les chasseurs des forêts ne les ont pas attendus pour empoisonner l’existence de tout ce petit monde.
Par les cris des rabatteurs et des chiens, les claquements des tirs, le piétinement des sols ils créent des conditions de vie anxiogène. Les animaux y perdent en temps de repos et de nourrissage. Lorsqu’ils fuient, ils gaspillent une énergie précieuse en cas d’hiver rigoureux. Leur capacité de se reproduire est également affectée.
Non content de ça, voilà qu’un nouvel arrivage de tueurs débarque en forêt, la veste encore couverte du sang du dernier faisan sauvage des plaines.
Business is business.
Vous connaissez sans doute une des grandes lois de l’économie : quand la demande augmente et que l’offre ne suit pas, les prix augmentent. C’est pourquoi, une chasse au cerf peut aujourd’hui être monnayée 1500 euros de la journée. Une étude récente (1) montre que le chasseur moyen dépense plus de 6000 euros par an pour avoir l’insigne privilège de bousiller des animaux.
Oui, la chasse est un business comme l’élevage et les chasseurs comptent bien défendre leurs bouts de gras. Pour cela, ils peuvent compter sur l’appui inconditionnel de membres influents des sociétés de chasse ainsi que sur les intérêts de politiciens ambitieux, de cadres dynamiques en quête de frisson. Le roi, lui-même, est friand de ces jeux du cirque moderne. Les communes y trouvent leur compte en octroyant des droits de chasse sur leur territoire, les propriétaires d’espace forestier attirés par le profit font tout pour attirer cette clientèle très aisée.
On atteint le fond
On ne comprendra jamais ce qui pousse les chasseurs à se lever aux petites heures pour faire un selfie devant un tas de cadavres d’une demi-douzaine d’animaux.
Le plus lamentable dans cette histoire, c’est que la majorité des bêtes abattues proviennent d’élevage intensif. Selon les chiffres officiels du Syndicat National des Producteurs de Gibier de Chasse (SNPGC), sont annuellement élevés en France : 14 millions de faisans, 5 millions de perdrix, 1 million de canards colverts, 120 000 lièvres, 10 000 lapins de garenne. Les sociétés de chasse belges importent 160 000 de ces animaux pour les lâcher quelques jours avant la grande boucherie ou le jour même. Ce serait bête de payer pour des cibles vivantes et de se les faire voler par les derniers petits prédateurs du coin.
Ah oui, on ne vous avait pas dit : les renards, les blaireaux, les belettes et même votre brave matou sont des espèces nuisibles. Comprenez qu’ils empiètent sur le territoire de nos braves chasseurs qui veulent absolument en avoir pour leur argent. Comme il faut avoir suffisamment de proies à tirer, on dézingue les prédateurs.
Quand les tueurs du dimanche rejoignent leur pavillon de banlieue, les sous-bois ne retrouvent pas pour autant leur tranquillité. Les «gardes-chasses » sont payés toute l’année pour les éliminer. Il ne faudrait quand même pas que le gibier échappe à son destin en se faisant bêtement manger par un renard.
Pas étonnant que les renards fuient les campagnes, eux aussi ont envie de vivre en ville et on les comprend. L’agriculture intensive a stérilisé les champs et fait disparaître la faune. Dans les forêts on ne veut plus d’eux, ils pourraient abîmer la marchandise.
Mais revenons à nos héros : les chasseurs wallons. Voyons ce que l’on trouve sur la liste annuelle de leurs victimes : 2745 cerfs, 17283 chevreuils, 12.000 sangliers, 13.500 renards et …75.000 perdrix et faisans (parfois un promeneur).
Et oui, c’est consternant ! Pour 3 bêtes tuées, deux proviennent d’un élevage. Des animaux nés dans des cages, nourris par des humains et donc habitués à leur présence. Ne sachant même pas ce qu’est un prédateur, ils ne fuient ni le renard ni les hommes. Où est le sport ? Où est la décence ?Non content de chasser un gibier conciliant, nos champions s’équipent des dernières technologies : fusil à lunette, tenue de camouflage, couteau à la Rambo 4. Ils vont jusqu’à mettre des balises GPS dans le collier des chiens de traque pour localiser les proies sur leur smartphone.
Ceci dit, ne devrait-on pas compter les sangliers comme animaux d’élevage ? Vous l’ignorez peut-être, mais nos amis les chasseurs font preuve d’une immense bonté, ils nourrissent les sangliers en hiver et d’ailleurs toute l’année. À tel point qu’ils finissent par rechercher la présence humaine, des promeneurs sont parfois étonnés de les voir s’approcher d’eux et venir chercher des caresses. Voilà de dangereuses bêtes sauvages qu’il faut vite éliminer à tout prix. C’est eux qui ont détruit les récoltes du René et qui ont retourné le potager de madame Michou.
Les chasseurs, le cœur sur la main, nous expliquent qu’ils font tout pour réguler cette espèce et en stoemeling, ils vont leur apporter une ration d’un kilo, par individu, d’un mélange de maïs et de pois et cela tous les jours. Vous l’avez compris, leur seul intérêt est de favoriser la reproduction pour garantir à la clientèle un joli trophée. Parfois ça va plus loin : certaines sociétés de chasse demandent à un agriculteur de planter un champ de maïs en lisière de forêt pour discrètement nourrir le gibier.
Vous êtes sceptique ? Alors demandez-vous pourquoi le nombre de sangliers et de cerfs n’a cessé de grimper ces dernières années alors, qu’on le sait, un nouveau contingent de chasseurs des plaines s’est ajouté à celui des forêts ? La réponse est simple : le business de la chasse fait tout pour préserver sa matière première et recourt même au nourrissage et à l’élevage pour augmenter la capacité des forêts à abriter un nombre de plus en plus élevé d’habitants "chassables".
Le résultat ? Cette abondance de gibier dégrade les écosystèmes. C’est surtout vrai pour les cerfs et les chevreuils qui mangent les jeunes pousses d’arbre et qui détériorent la flore quand ils sont trop nombreux.
Dans ce cas précis, la situation est critique, ils n’ont plus aucun prédateur naturel (merci, les chasseurs) et ils disposent de nourriture en abondance (à cause du réchauffement climatique ou parce qu’ils profitent du nourrissage des sangliers).
Les mâles sont encore plus chanceux, car les chasseurs adorent les décapiter pour fabriquer des jolis trophées. Vous voyez ces têtes de cerfs aux bois majestueux que l’on retrouve accrochés au mur de la plupart des fermettes ardennaises. Eh bien, les chasseurs, ils « kiffent » à mort ce genre de décoration morbide. Et le business de la chasse l’a bien compris, donc, consigne est donnée de n’abattre que les mâles et de laisser vivre les femelles. Comme ça, chaque année, ça fait toujours plus de faons et toujours plus de chance d’avoir des têtes de mâles à accrocher au-dessus de sa télé. Tout cela au mépris des équilibres naturels !
Nous terminerons cette petite revue des méfaits de la chasse, en ajoutant 4 arguments qui devraient finir d’attirer sur nous l’acrimonie de nos amis les tueurs.
a) Qui dit chasse, dit fusil, dit port d’armes. Alors que 99% des Belges sont désarmés et c’est tant mieux, on laisse 10000 personnes en possession d’armes mortelles. Ça ouvre la porte à des dérives évidentes. Cela rend plus facile l’acquisition d’armes, à tout qui souhaite commettre un crime. Que l’on songe aux fusils de chasse à canon sciés retrouvés sur bon nombre de scènes de crime. Et de combien « d’accidents » sont-ils déjà responsables ?
b) En permettant à ceux qui le souhaitent, moyennant quelques cours et un petit examen, de tuer des êtres vivants ne créons-nous pas un espace de liberté permettant l’épanouissement de personnalités déviantes? La séparation entre l’homme et l’animal est factice, c’est une construction culturelle qui ne tient pas à l’analyse des arguments. Tuer un animal ou tuer un humain, empiriquement, il y a peu de différences. Ne devrions-nous pas envoyer un signal clair : donner la mort sans nécessité est immoral, point à la ligne ? Un message clair et sans ambiguïté que nos enfants pourront comprendre aisément.
c) Dans un pays qui jette 40 % de sa nourriture à la poubelle, la chasse n’a plus aucune utilité. Se nourrir de venaison c’est encore une occasion de faire souffrir des animaux.
d) Dans un des pays les plus peuplés au monde qui n’a laissé subsister que quelques espaces naturels, ne devrions-nous pas en faire des sanctuaires plutôt que de laisser quelques enfants gâtés les privatiser pour faire mumuse avec des êtres vivants ?
À nos amis chasseurs
Vous qui voulez sauvegarder la nature et y pratiquer une activité, en compagnie de vos amis, vous qui voulez approcher les animaux pour les regarder vivre, nous ne saurions trop vous recommander de rejoindre l’un des nombreux clubs de naturalistes ou de photographes nature. Par contre, si c’est tirer sur des cibles qui vous font vraiment vibrer, il existe des clubs de tir, vous y trouverez pleins de jolies armes et des nouveaux copains.
Et pour ceux qui veulent montrer leur virilité, attaquez-vous à un adversaire vraiment à la hauteur, c’est un peu trop facile de canarder tout ce qui bouge avec un flingue. Je vous suggère de monter sur un ring avec un de vos potes et de vous « mettre sur la gueule ». Ça nous fera des vacances à tous.
*BeVeggie Mag n°14 (Décembre 2017/Janvier/Février 2018)