Un Ranger sur les chemins
Laurent Anthony fait partie des Rangers de France. La fédération est peu connue et n’a pas toujours eu une bonne image, mais le bénévole s’escrime à prouver son utilité. Il a entrepris de développer le mouvement en Alsace Bossue.

Le pont de l’Isch est souvent visité par Laurent Anthony. Photo : Marie Gerhardy
Rangers, le mot véhicule un imaginaire très typé, presque caricatural. On imagine aussitôt les soldats gros bras et gros sabots de l’armée américaine. Pourtant, une fédération de Rangers existe en France depuis 1972, plutôt inspirée des Rangers canadiens, sortes de sentinelles des régions reculées où l’armée est peu présente. Laurent Anthony compte bien la déployer en Alsace Bossue.
Blouson noir et casquette rouge estampillés « Rangers », l’homme de 47 ans s’installe tous les jours au volant de la « hérisson-mobile », sa camionnette blanche où trônent des peluches et des autocollants à l’effigie du petit animal piquant, sa mascotte. Il s’élance sur les chemins ruraux entre Sarre-Union, Diemeringen, Wolfskirchen ou encore Diedendorf.
« Si être Ranger est un état d’esprit, je crois que j’ai toujours été Ranger »
« Cela fait deux ans que je me suis engagé. J’ai découvert cette fédération en effectuant du bénévolat à la SPA de Sarrebourg. Son directeur est Ranger pour la Moselle, il m’a fait rencontrer le président bas-rhinois. La philosophie de ce mouvement m’a tout de suite plu. Si être Ranger est un état d’esprit, je crois que j’ai toujours été Ranger. »
Les Rangers se sont donnés pour mission de veiller sur la nature. Ils effectuent bénévolement des rondes en rase campagne, à la recherche de décharges sauvages ou de tous facteurs de risques pour la faune, la flore, et les humains. Mais à la différence des pratiques outre-Atlantique, en France ils n’ont pas de pouvoir de police.
« Dans les années 1980, les Rangers étaient environ 1 000. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que 250, et les équipes sont vieillissantes. Dans le Bas-Rhin, il reste une quinzaine de Rangers, et il y a de moins en moins de gardes champêtres. La nature manque de gens pour veiller sur elle, elle a besoin d’un coup de pouce. J’ai voulu donner de ma personne. »
Son engagement pour l’environnement ne date pas d’hier. Correspondant du Gorna depuis 20 ans, formé aux soins animaliers au parc de Sainte-Croix, Laurent a hérité de l’amour pour la nature de son père. « Je suis originaire de Diemeringen, alors je tenais à être affilié aux Rangers 67, même si j’habite aujourd’hui à Niederstinzel. Et puis ici, nous avons une nature remarquable, des orchidées rares notamment. »
Tout en parlant, Laurent arrête la hérisson-mobile en contrebas du pont de l’Isch. « Les jeunes font la fête ici, donc on retrouve souvent des bouteilles vides, des joints ou même des seringues. Regardez, ici il y a des piles abandonnées. Ça me rend fou furieux ! Je ramasse les ordures que je vois, je les mets dans mes poubelles. Ce n’est pas mon rôle, mais tant pis. »

« Mais pourquoi ne vont-ils pas jusqu’à la déchetterie juste à côté ? » s’énerve Laurent Anthony. Photo : Marie Gerhardy
Plus loin, le Ranger hésite à s’engager dans une impasse. « Il y a ici un particulier qui a un cimetière de voitures dans son jardin. L’une d’elle perd de l’huile. J’attends encore un peu mais je ne vais pas tarder à le signaler au maire. On ne fait pas ce qu’on veut, même sur un terrain privé. Il ne sera pas content, mais tant pis, la nature passe avant. »
L’action de Laurent n’est pas toujours comprise, et il avoue s’être déjà fait insulter. « Les Rangers ont mauvaise presse. Nous sommes souvent associés à l’extrême droite, voire aux skinheads. Ailleurs en France, certains ont joué aux flics, ont effectué des missions de surveillance et se sont même fait payer pour. Je veux redorer notre image. »
Les domaines d’intervention du Ranger sont nombreux, ce qui contribue à brouiller les pistes aux yeux du grand public. En plus d’être au chevet de la nature, il n’hésite pas à répondre présent pour rechercher des personnes disparues, comme l’été dernier à Sarre-Union, ou encore à prendre l’initiative de vérifier si les habitations vides ne sont pas vandalisées.
« Je suis un peu l’ange gardien des propriétaires, et ils ne le savent même pas ! »
Plus loin, des chalets isolés bordent justement la route. Laurent s’arrête, alerté par des traces de pneus fraîches. « C’est la période des cambriolages. J’étais dans la sécurité avant, c’est une déformation professionnelle, j’aime m’assurer que tout va bien. Je suis un peu l’ange gardien des propriétaires, et ils ne le savent même pas ! » explique-t-il en remontant dans la camionnette.
Le Ranger tient tout de même à marquer ses propres limites : « Je peux informer les gens, leur signaler que ce qu’ils font nuit à la nature. Je peux aussi faire remonter mes constatations aux communes et aux autorités, et me mettre à leur disposition. Mais je ne joue pas au cow-boy, je ne me substitue pas à elles, je veux juste les aider. Les gendarmes ne peuvent pas être partout. »

La carte et la plaque en imposent. Photo : Marie Gerhardy
Pourtant, il admet avoir déjà produit son petit effet en sortant sa plaque de Ranger. La tenue aussi en impose. « Nous avons les chemises bleues, la polaire verte et la vareuse rouge quand nous sommes en représentation. Mais moi je préfère le terrain. Finalement, je fais les mêmes balades nature en famille qu’avant, mais tout en nous faisant connaître, car les gens posent des questions. »
Développer et faire connaître le mouvement est son cheval de bataille. Il a déjà convaincu son fils de 18 ans et un couple d’amis d’Obermodern de rejoindre les Rangers. « Le bénévolat fait peur, et certains maires n’ont que faire de nos actions. Je voudrais qu’ils sachent que nous sommes à leur disposition, que nous existons. Mais c’est vrai que la hérisson-mobile commence à être connue ! »
La patrouille touche à sa fin, et Laurent se réjouit de ne pas avoir fait de trop mauvaises découvertes. Soudain, près de Sarrewerden, il aperçoit un sac bleu dans le fossé. À l’intérieur, des paquets de viande encore emballée en décomposition. « Je ramasse ça tout de suite, elle pourrait être volontairement empoisonnée. Finalement, parfois j’aimerais avoir des pouvoirs de répression… »
Marie Gerhardy 01/12/2017

Photo : Marie Gerhardy
Collecte pour le Gorna
Aujourd’hui et demain, Laurent Anthony et ses collègues Rangers seront au supermarché Carrefour de Sarre-Union pour collecter des denrées alimentaires et des produits pour les animaux pensionnaires du Gorna (Groupement ornithologique du refuge Nord Alsace) à Neuwiller-lès-Saverne. Noisettes, pâtée pour chats, brosses, alcool à 90°, arrosoirs… Les besoins sont variés et nombreux.
Sarre-Union - Protection de la nature
Collecte des rangers pour le Gorna
Les 2 et 3 décembre, les rangers ont organisé une collecte en faveur du Gorna (Groupement Ornithologique du Refuge Nord Alsace) dans une grande surface de Sarre-Union.

Laurent Anthony, Pascal et Claudine collectent du matériel et des fonds pour le Gorna. Photo : MG
Soucieux de leur environnement et de la faune sauvage les rangers du Bas-Rhin y consacrent une partie de leurs loisirs à leurs missions. Ces 2 et 3 décembre ils se sont mis au service de l’association le Gorna, centre de soins pour animaux sauvages.
Sur deux jours ils ont assuré une permanence dans un commerce de Sarre-Union pour collecter un peu plus de 140 €, mais aussi de la nourriture, des produits d’hygiène et pharmaceutiques et de l’outillage. Dans le cadre de cette action concrète ils ont informé le public non seulement sur leurs missions mais aussi sur le Groupement Ornithologique du Refuge Nord Alsace.
Gardiens de l’espace rural, les rangers ont également expliqué la mission de leur association qui fait la chasse aux dépôts sauvages en pleine nature.
« Le rôle d’une association comme la nôtre est primordial dans le domaine de la conservation de la nature, du patrimoine », explique Laurent Anthony.