Notre-Dame-des-Landes : ce que recommande le rapport des médiateurs
Le rapport de la médiation sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est maintenant connu. Macron décidera en janvier. Voici les recommandations des trois médiateurs.

Le réaménagement de Nantes-Atlantique coûterait de 250 à 350 millions d’euros moins cher. | OUEST FRANCE/ Franck Dubray
Dans leur rapport, remis au Premier ministre ce mercredi 13 décembre, les médiateurs considèrent que les deux options, transfert à NDDL ou réaménagement de Nantes-Atlantique sont « toutes les deux raisonnablement envisageables ». La mission s’est donc attachée à évaluer et comparer les conséquences de chaque option, au regard de critères multiples.
« Absence de solution parfaite »
Voici les conclusions du rapport, dans la synthèse des médiateurs.
« La mission s’est ainsi intéressée à l’activité économique et l’emploi, l’aménagement du territoire et l’urbanisme, les nuisances sonores, les autres impacts sur l’environnement, la cohérence à long terme avec les politiques relatives au climat et à la biodiversité, et enfin la dépense publique.
Ces analyses par critère confirment l’absence de solution parfaite, chaque option apparaissant marquée par au moins un handicap significatif sur un critère particulier :
- l’aménagement de Nantes-Atlantique laisse subsister des nuisances sonores significatives, sans pour autant les accroître ni restreindre les zones constructibles. Seul un programme exemplaire d’actions dédiées à la réduction de ces nuisances permettrait d’améliorer la situation.
- Le projet de Notre-Dame-des-Landes, s’il écarte des zones urbanisées les nuisances aéroportuaires, accroît significativement l’artificialisation des espaces agricoles et naturels ainsi que l’étalement urbain : environ un millier d’hectares liés au transfert, voire nettement plus si les règles de constructibilité ne donnent pas une maîtrise suffisante des implantations futures attirées par l’aéroport. En outre, l’atteinte des objectifs de compensation des impacts sur les milieux aquatiques reste incertaine.

D’après les médiateurs, les deux options sont raisonnablement envisageables mais présentent chacune des inconvénients majeurs. | Ouest-France/Franck Dubray/Jacques Ferrier architecte
Nantes-Atlantique moins cher de « 250 à 350 millions d’euros »
D’autres critères font apparaître des éléments de comparaison importants pour la décision à prendre :
- L’impact des deux options sur les activités économiques et l’emploi, à trafic aéroportuaire équivalent, est différencié selon les acteurs concernés : alors que le site de Notre-Dame-des-Landes semble plus favorable aux entreprises du nord de la Loire et de la Bretagne, plus nombreuses, celui de Nantes-Atlantique apparaît plus intéressant pour le sud de la Loire et la Vendée, et présente des avantages significatifs pour Airbus et les entreprises associées à son activité.
- La comparaison financière entre les deux options pour l’État et les collectivités fait apparaître un écart de l’ordre de 250 à 350 M € en faveur de l’option de Nantes-Atlantique, hors prise en compte d’une éventuelle indemnisation du titulaire du contrat de concession, le cas échéant.
« Le retour à l’état de droit s’impose »
« Le critère du retour à l’état de droit sur le territoire de l’emprise aéroportuaire de Notre-Dame-des-Landes est un point particulièrement sensible. »
Pour la mission, le principe du retour à l’état de droit s’impose dans les mêmes termes, sinon selon les mêmes modalités pratiques, quelle que soit l’option retenue, dès la décision gouvernementale. Le poids de la responsabilité qui pèse ainsi sur les autorités politiques et sur les forces de l’ordre ne doit pas être sous-estimé. Mais le maintien de la situation actuelle, dont la mission a pu constater combien elle était mal supportée, obérerait toute possibilité rapide de retour à une situation apaisée.
« Garder la maîtrise des terres »
« La décision à prendre au vu de ces critères ne doit insulter ni l’avenir, ni le présent. »
L’avenir va bien au-delà du quart de siècle retenu ici pour évaluer les besoins à satisfaire. Jusqu’en 2040 ou 2050, des prévisions de trafic aéroportuaire ont un sens, avec les incertitudes liées à toute prévision. Au-delà il ne s’agit plus de prévision mais de prospective, avec des interrogations très fortes sur l’évolution technologique du transport aérien, sur les modèles socioéconomiques des activités humaines, ou sur les politiques publiques destinées à préserver le climat et la biodiversité. En particulier, l’accord de Paris de 2015 conduit à penser que le transport aérien, tout comme les autres secteurs, devront s’inscrire dans des changements tendanciels très profonds, nécessaires au maintien d’un monde vivable.
Mais dans le court-moyen terme, imposer pour cette raison au Grand Ouest des évolutions contraintes, différentes de celles pratiquées ailleurs, n’aurait guère de sens : cela ne conduirait qu’à pénaliser cette région sans bénéfice significatif pour la société dans son ensemble. C’est pourquoi la mission a pris en compte sans réserve dans ses travaux les hypothèses de trafic à 2040 établies par la DGAC.
Au-delà, fonder une décision engageant l’avenir plus lointain sur les tendances actuelles relèverait du pari aveugle. Mais à l’inverse, interdire par avance à nos successeurs l’usage de solutions qui pourraient s’avérer utiles dans vingt ou trente ans ne serait guère plus pertinent.

Les trois médiateurs, à la gauche d’Édouard Philippe : Gérard Feldzer, Michel Badré et Anne Boquet. | AFP/ Christophe Archambault
C’est pourquoi, dans l’hypothèse où le choix gouvernemental conduirait à un réaménagement de Nantes-Atlantique répondant aux besoins de mobilité de court et moyen terme, la mission préconise dans le rapport joint de garder la maîtrise foncière des terrains acquis sur le site de Notre-Dame-des-Landes : la liberté de choix laissée à nos successeurs rejoindrait ici la bonne gestion du terroir agricole à court terme.
Dans l’hypothèse où le choix gouvernemental serait celui de la réalisation du projet de Notre-Dame-des-Landes, la mission recommande de mettre en place un programme inédit et innovant de maîtrise de l’étalement urbain, autour de Notre-Dame-des-Landes comme autour du site de Nantes-Atlantique. Seule une conception nouvelle de l’urbanisme serait garante de l’exemplarité environnementale du projet à long et très long terme.
Urgence d’une décision de l’État
Pour le présent, la première nécessité est celle d’une décision de l’État, qui n’a que trop tardé. Mais elle ne réglera pas tout si sa mise en œuvre ne s’appuie pas sur un projet collectif de territoire. Porté par l’État, les collectivités et tous les acteurs socioéconomiques, ce projet devra ouvrir des voies nouvelles en apportant des réponses communes aux questions de la société, posées depuis des décennies à l’occasion de ce débat aéroportuaire : l’activité des entreprises, l’avenir de l’agriculture, la qualité de vie des habitants de la métropole nantaise, la prise en compte des enjeux environnementaux doivent y trouver leur compte. »
OUEST-France Entreprise/Christophe JAUNET (13.12.2017)
Notre-Dame-des-Landes : les opposants savourent sans s’emballer

Les opposants ne cachent pas leur soulagement à la lecture du rapport. Ici, Cyril Bouligand (Copain 44), Françoise Verchère (Cedpa) et Julien Durand (Acipa). | Ouest-France
Selon Julien Durand et Françoise Verchère, deux leaders anti-NDDL, les médiateurs crédibilisent tout le travail fourni par l’opposition pour démontrer que Nantes-Atlantique était bien une alternative et que le processus de décision avait été vicié.
Julien Durand, porte-parole de l’Acipa, association citoyenne contre l’aéroport
« Ce rapport confirme tout le sérieux de notre travail depuis 2003. Il crédibilise nos arguments. Il consacre le déni démocratie, puisque tout allait dans le sens de Notre-Dame-des-Landes. On nous a toujours refusé une expertise d’un réaménagement de Nantes-Atlantique. Mais nous restons humbles. Des incertitudes persistent. Nous aurons la sagesse d’attendre sereinement la décision gouvernementale, car nous imaginons bien qu’il y aura des conditions à un possible abandon du projet. Notamment sur l’avenir des terres. L’Acipa appelle ses adhérents et sympathisants à garder leur calme : ni emballement, ni surenchère, ni violences verbales et physiques. Le mouvement d’opposition est prêt à démarrer assez vite un dialogue et une concertation avec le gouvernement, dans un esprit de sérénité et d’apaisement, pour préparer l’avenir, l’après-abandon. »
Françoise Verchère, co-présidente du collectif des élus opposés à NDDL
« Ce rapport est un baume, mais la partie n’est pas gagnée. Sa lecture est un soulagement intellectuel. Il est écrit noir sur blanc qu’il y a eu, dans ce dossier, je cite les médiateurs, une défaillance du processus de décision, en l’absence d’une étude sur Nantes-Atlantique et des impacts environnementaux sous-évalués. Les médiateurs disent aussi, avec des mots polis, que la déclaration d’utilité publique a été accordée sur des constats erronés. Nous, nous parlions de mensonges. Ça signifie que toutes les décisions de justice en notre défaveur ont été prises sur la base d’une DUP non crédible, puisqu’elle ne contenait aucune alternative à NDDL. Cette médiation confirme que Nantes-Atlantique est bien une alternative crédible, sans restriction d’urbanisme à Nantes, sans problème pour le lac de Grand-Lieu, et à deux fois moins cher. Autre point intéressant : à trois reprises, les médiateurs écrivent que le plan de gène sonore à Nantes-Atlantique est à réactualiser impérativement et immédiatement. C’est important pour tous les riverains, car ce plan leur permet de toucher des financements pour se protéger du bruit. »
OUEST-France/Christophe JAUNET (13.12.2017)