"Ne donnez plus au Téléthon" : l'étonnante vidéo d’une myopathe

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Pascaline Wittkowski, atteinte de dystrophie musculaire, refuse que des expérimentations soient pratiquées sur des animaux. Elle réclame d’autres méthodes.

Pascaline Wittkowski. Photo : PETA

"Si vous voulez vraiment aider les malades, ne donnez plus au Téléthon." Cette phrase ne barre pas la une du dernier "Charlie Hebdo" : c'est un appel tout à fait sérieux lancé par Pascaline Wittkowski ce jeudi 7 décembre, la veille de l’édition 2018 du Téléthon. Et la parole de cette quinquagénaire habitant Le Havre est investie d’un poids particulier.

Car Pascaline Wittkowski est atteinte depuis quarante ans d’une dystrophie musculaire, l’un des maux contre lequel le Téléthon récolte justement des fonds. Elle se déplace en fauteuil roulant et n’a aucune autonomie des membres supérieurs.

Dans une vidéo rendue publique par l’association de défense des animaux Peta France, elle dépeint les deux sentiments qui l'ont poussée à s’exprimer : la désillusion, parce qu’aucun traitement majeur contre la myopathie n’a été mis au point après des décennies de recherche scientifique ; la colère, parce que des millions d’animaux ont subi de la vivisection dans les laboratoires. " Pour rien ":

"tant de recherches, aucune guérison. Pourquoi ? Tout simplement parce que je ne suis pas un chien."

Ainsi, explique-t-elle, toutes les recherches de traitement contre la myopathie sont fondées sur des expérimentations pratiquées sur des chiens, des souris, des singes… Autant de créatures physiologiquement trop éloignées de l’humain pour donner des résultats concluants.

"Insoutenable massacre"

Voilà ce qui expliquerait, dit-elle à "l’Obs", que les avancées scientifiques sur la myopathie soient "un gâchis de temps, d’argent et d’espoir" pour les donateurs, les scientifiques et les malades.

"Et un insoutenable massacre d’animaux. Moi, je n’ai jamais demandé qu’on torture pour que je remarche, jamais ! Et je réclame à la communauté scientifique que cela cesse."

Le point de vue défendu par Pascaline Wittkowski peut paraître iconoclaste, voire provocateur. En réalité, il fait écho aux campagnes de nombreuses associations de défense des bêtes, comme Antidote Europe, organisme antivivisection proche de Peta France. André Ménache, son directeur :

"La communauté scientifique a fait un choix culturel à la fin du XIXe siècle d’expérimenter sur des animaux, parce qu’elle était convaincue que les similitudes entre les espèces animales et l’humain étaient plus importantes que ce qui les différencie. Un foie de chien n’était grosso modo qu’un foie d’humain en taille réduite. On sait aujourd’hui que c’est faux, alors pourquoi s’obstiner ? C’est comme si, pour guérir une girafe, on expérimentait sur un perroquet !"

Et l’ancien vétérinaire de donner cette statistique : "Selon la Food and Drug Administration [l’administration de la santé américaine, NDLR], neuf molécules qui ont réussi sur des animaux échouent une fois testées sur l’humain. 10%, c’est plus faible que de tirer à pile ou face !"

 

Meilleure volonté du monde

Alors que faire? Cesser toutes les recherches ? Ce que défendent Antidote Europe, Peta France et Pascaline Wittkowski, c’est de développer des méthodes alternatives respectueuses des animaux, notamment des expérimentations humaines.

"Il faudrait tester les traitements de manière très encadrée sur des personnes déjà malades, ou bien utiliser des tissus ou des cellules d’humains, insiste André Ménache. Ces méthodes sont désormais bien maîtrisées, même si elles restent perfectibles. Leurs résultats sont plus fiables, en tout cas, que ce qui se pratique actuellement."

Le problème, c’est que dans toute l’Europe, les réglementations imposent, pour obtenir une autorisation de mise sur le marché d’un médicament, que le fabriquant démontre les effets de ses molécules sur un rongeur et un non-rongeur. Il n’est donc pas légalement possible, avec la meilleure volonté du monde, de se passer de tests animaux.

Ce que tient d'ailleurs à souligner l’AFM-Téléthon, l'association organisatrice de la grand-messe caritative : dans un communiqué, celle-ci rappelle que la recherche animale est une "obligation réglementaire, strictement encadrée par des règlements européens et français".

Méthodologie efficace

Une obligation qu’elle qualifie, du reste, de "nécessité scientifique". Argument :

"Les modèles animaux sont ceux qui sont au plus proche du modèle humain. Les études sur les cellules ou les modèles informatiques ne peuvent à ce jour remplacer l’observation dans un organisme complet vivant. […] Aucune autre méthodologie efficace n’existe pour mettre au point les médicaments dont nous avons tous besoin !"

Une position faisant écho à celle exprimée par la prix Nobel de médecine 2008 Françoise Barré-Sinoussi, qui estime que : "les modèles animaux sont essentiels à la recherche biologique."

Le débat ne fait assurément que commencer.

 

 

 

 

 

 Arnaud Gonzague Journaliste/L’Obs (07.12.2017)

 

Vidéo : Pascaline Wittkowski (2:36)

Publié dans Animaux, Point de vue

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A
http://antidote-europe.org/
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M
Je refuse que les animaux souffrent pour ma santé. Il y a bien longtemps que je me soigne "autrement" !
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S
Pro Anima est un comité scientifique formé autour d’un conseil de chercheurs, d’universitaires et de membres du corps médical, tous bénévoles, qui œuvrent avec des laboratoires partenaires au développement de programmes thérapeutiques répondant aux défis que posent les grandes pathologies contemporaines, cancers, maladies neurodégénératives…<br /> Sa plate-forme citoyenne de collecte de fonds www.ethicscience.org dédiée à la promotion des méthodes de recherche sans tests sur les animaux, fondées sur les connaissances scientifiques les plus avancées, attend votre soutien pour faire progresser la science et nous assurer une meilleure santé.<br /> Vous avez besoin de Pro Anima. Pro Anima a besoin de vous.<br /> 10 rue de Romanswiller 67200 Strasbourg tél 03 88 26 18 49 www.proanima.fr pro.anima67@orange.fr
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M
C'est un débat compliqué. J'entends bien son combat et elle a raison de dénoncer tout cela. De toute façon le téléthon ne devrait pas exister...N'est -ce pas à l'Etat de favoriser la recherche plutôt que de faire appel à la solidarité ? <br /> merci d'en parler
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M
Je suis bien d'accord aussi bien sûr...je me plaçais du côté des chercheurs avec ma réponse mais je te rassure dans mon petit village je soutiens les actions qui ont lieu ce jour-là comme bien d'autres...
S
Complètement d'accord avec toi Manou, l'état est défaillant. Mais le Téléthon est aussi une façon pour tous, enfants, associations, sportifs... de se rassembler, et d'avoir le sentiment de faire du bien, et ça ce n'est pas négligeable...
D
Il faut une éthique quant à l'expérimentation animale, quant au Téléthon, il ne porte pas que sur la recherche et a certainement son utilité
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S
Eh bien alors cesse de prendre des médicaments qui sont issus de la recherche animale, si ce n'est pas déjà le cas... <br /> Pour ma part je crois qu'il faut que les fabricants / concepteurs de médicaments appartiennent à l'état. De plus avec l'avènement des algorithmes espérons que la recherche pourra se faire sans souffrance, et avec plus de sécurité pour les utilisateurs.
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J
C'est ce que j'ai fait !
J
La maladie, je pense être bien placé pour pouvoir l'évoquer aussi… Pour autant, il y a bien longtemps déjà qu’idéologiquement j’ai rejoint le parti de ceux qui dénoncent les abus des adeptes et autres inconditionnels de l’expérimentation animale ! <br /> Prudent, j’ai été, dans un premier temps, partisan d’une réduction drastique de l’expérimentation ! En quelque sorte : que celle-ci soit strictement limitée aux seules expériences indispensables… Mais, au fur et à mesure que j’ai creusé le sujet, je me suis rendu compte que la frontière entre ce qui est indispensable (d’après certains chercheurs) et ce qui ne l’est pas est particulièrement ténue et peut être largement sujette à polémique ! <br /> Il y a derrière tout cela des enjeux qui n’ont strictement rien à voir avec la santé et les maladies proprement dites : là, comme ailleurs, il y a en fait d’énormes profits à faire et, de surcroît, d’épouvantables trafics de bêtes… Des bêtes qui sont ensuite traitées cruellement sans aucun égard pour leur malheureuse existence… Tout cela au nom d’une certaine « science » !<br /> Pour qui veut s’informer, on dispose actuellement de moyens fantastiques ! Oh, bien sûr, encore s’agit-il ensuite de faire le tri puisqu’on trouve tout et son contraire. Toutefois certaines associations comme Pro Anima ou Antidote Europe ne peuvent nullement être assimilées à d’autres, parfois quelque peu farfelues voire extrémistes… <br /> Chacun est évidemment libre de penser ce qu’il veut ! Quoiqu’il en soit, personnellement, je refuse moi aussi que l’on torture en mon nom et, soi-disant, pour mon bien : il y a manifestement bien mieux à faire !
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S
Et les autres, qu'est-ce qu'ils en pensent ?
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C
bravo à cette dame ; Je n'ai pas de myopathie mais je suis handicapée; cependant je ne supporterais pas qu'un animal souffre pour moi; la vie de chaque être vivant a la même importance
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