Le sel de la vie
A la veille de ses 20 ans, le Tournesel de Wangen et environs reste vivace. Ce système d’échange local (SEL) bannissant l’argent peine toutefois à attirer de nouveaux adeptes. D’où l’appel lancé par ses membres historiques.

Au-delà du simple échange de services, Tournesel permet de se rencontrer et se connaître, à l’image de cette préparation des couronnes de l’Avent. « On donne mais l’on reçoit aussi beaucoup », confie une membre active. DR
Cela ressemblerait presque à un jeu d’enfants, avec feuille de richesse et grains de sel comme unique matériel. Pourtant, Tournesel est bien un système créé par des adultes pour des adultes. Sauf que le mot argent est banni des discussions.
Tout est parti de ce principe en 1998, quand le dispositif d’échange local de services a vu le jour à Wangen. Annie Mahler, qui était de l’aventure des débuts, se souvient de cette « volonté commune de casser le système d’argent, l’individualisme de notre société ». Et redonner de la valeur à l’échange.
« On donne mais l’on reçoit aussi beaucoup »
Concrètement, les membres de Tournesel s’inscrivent sur une banque de données en ligne pour s’échanger des biens, des savoirs, des services. Aucun n’en valant un autre, on évalue le « prix » d’un service au temps passé pour le réaliser. Ainsi, une heure équivaut par exemple à 60 grains (fictifs) de sel. Colette Wehr, membre active, a par exemple déplacé un framboisier d’un jardin à un autre ou installé des ouvrages dans une boîte à livres ; en retour, elle a reçu des conseils de tricot et une aide pour le ménage. Annie Mahler a demandé de l’aide pour déchiffrer des lettres en vieil allemand ; son mari a donné des coups de main pour de la plomberie. Certains proposent de réaliser des confitures ou bouquets de fleurs, d’autres mettent à disposition leur four à tartes flambées ou font du covoiturage. Bref, « tout le monde a à y gagner, assure Colette Wehr. On donne mais l’on reçoit aussi beaucoup. »
Si le système « d’aide mutuelle », selon Danielle Dominguez, membre d’Ernolsheim-sur-Bruche, a rapidement atteint son rythme de croisière, il peine à dépasser le plafond de verre d’une quarantaine de familles membres. Le secteur concerné est plutôt large – Wangen, Westhoffen, Marlenheim, Nordheim, Wasselonne, Scharrachbergheim, Romanswiller, Cosswiller –, mais Tournesel n’arrive pas encore à attirer au-delà du petit noyau de convertis. Annie Mahler y voit plusieurs raisons à cela : le système qui oblige à mettre sa fierté dans la poche pour oser demander, « certains préfèrent acheter pour ne rien avoir à devoir », la peur de ne rien avoir à proposer, la formalisation du coup de main spontané.
Réunion fin novembre
Bref, autant de freins potentiels à l’envol définitif de Tournesel. Des freins qui ne doivent pas faire oublier les atouts du système : des échanges libérés de la notion financière, pas d’obligation de services réguliers, la valorisation de compétences et la création d’un réseau de connaissances. Car le SEL est aussi le prétexte à des rencontres. Outre les connaissances qui deviennent des amis, les échanges sont parfois tellement fluides qu’ils s’affranchissent des grains de sel. D’où le regret de Colette Wehr de ne pas voir plus de monde en profiter…
Tous espèrent donc que la prochaine réunion d’information programmée fin novembre donnera des idées à quiconque veut mettre son grain de sel.
Vendredi 24 novembre. Réunion de présentation de Tournesel. A 19 h, 190 rue Basse à Wangen. Repas partagé. Contact : Colette Wehr : ✆ 06 32 37 39 25 ; tournesel@orange.fr
L’Alsace compte neuf systèmes d’échange local du type Tournesel. Sur notre territoire, il en existe également un dans la vallée de la Bruche, baptisé le Sel de la Bruche. Créé en novembre 2006, il compte actuellement 70 membres, de Saales à Urmatt. En plus de l’échange de biens, savoirs et services, il permet l’organisation de soirées-débats sur des sujets de société (la prochaine, vendredi 13 octobre à La Broque avec le film « Qu’est-ce qu’on attend » en présence du maire d’Ungersheim, petite ville en transition sujet du film, et de Michel Hutt, romancier (Le cri du colibri, Les recycleurs).
DNA/Amandine Hyver (08/10/2017)