Le soleil a rendez-vous avec la maison
Une maison : quatre murs et un toit ? A l’Heliodome de Cosswiller, oubliez tous vos principes. Dans cette habitation insolite, c’est le soleil qui dicte les règles architecturales. Déstabilisant et sacrément moderne.
Les contours de l’Heliodome sont tracés en fonction de la course du soleil, pour permettre aux rayons de pénétrer en hiver mais pas en été. Photo : DNA - J-P Kaiser
Que ce soit la première ou la centième fois, se tenir au pied de l’Heliodome paraît surnaturel. Tout dans cette construction défie l’entendement. Blotti au cœur de la campagne alsacienne, dans un village tranquille de 560 âmes proche de Wasselonne, cet Heliodome pourrait bien être un diamant tombé du ciel. Rien en tout cas ne rappelle ce qu’il est vraiment : une maison d’habitation.
180 m² de surface vitrée orientés plein sud
Ce logement unique au monde, on le doit à un habitant du cru et inventeur génial : Eric Wasser. Le designer de 60 ans a rebattu les cartes de l’architecture en faisant le pari d’une maison en accord avec l’heliodynamie. Autrement dit, un bâtiment sculpté en fonction des trajectoires du soleil, différentes selon la saison. Cela donne une maison bioclimatique aux allures de cadran solaire devenu volume, construite au milieu des poules et des oies.
Assis sur un grand losange – la grande diagonale marque les solstices, la petite le midi solaire –, l’Heliodome s’élève jusqu’à 10 m à son point culminant. Sous un toit de bois et cuivre, la façade sud est couverte de vitres sur 180 m². Durant l’hiver, « le soleil est peu puissant et chaque rayon est bienvenu dans la maison. Cela permet d’assurer 70 % des besoins thermiques. » En été, le soleil est haut, et l’on s’en protège. Il fait 35°c dehors ? Dedans, l’air est presque frais et le soleil ne rentre pas.
Pourtant, le lieu est incroyablement chaleureux. L’escalier, la baie vitrée, les fauteuils, les meubles : le bois est partout et donne une impression réconfortante à une habitation aux contours déconcertants.
« Ce qu’il y a de plus vieux au monde »
Les 200 m² habitables, répartis sur quatre niveaux, ont tout d’un cocon confortable, avec cuisine, espace détente, terrasse, salle de spectacle et d’exposition.
La porte de la maison est ici toujours ouverte. Eric Wasser a fait de sa maison « un lieu d’échange et de partage où l’on passe du temps » pour dîner, écouter de la musique – l’acoustique est excellente – ou découvrir des créations artisanales. Tout est matière à s’imprégner du lieu pour mieux comprendre cette construction dictée par la nature. « J’ai traduit dans l’Heliodome l’idée que le soleil rythme le temps. C’est finalement ce qu’il y a de plus vieux au monde. » Mais d’une éclatante modernité.
DNA/Amandine Hyver (25/07/2017)

Avec son toit en bois et cuivre (pour l’auto-entretien), l’Heliodome se fond parfaitement dans le paysage. D’où « l’accueil enthousiaste » de la population au moment de sa construction en 2009. Photo : DNA - J-P Kaiser

Une structure béton, 40 cm de laine de bois, 180 m² de vitrage plein sud ; Eric Wasser a imaginé une maison bioclimatique qui couvre 70 % de ses besoins thermiques. Par ailleurs, des panneaux solaires (pour l’eau chaude) ont été installés tout autour du toit. . Photo : DNA - J-P Kaiser

Eric Wasser a réalisé un prototype de l’Heliodome dans le jardin de sa ferme. Sa famille essaie d’y passer le maximum de temps mais n’y laisse pas d’effets personnels car la structure est ouverte au public. . Photo : DNA - J-P Kaiser
Un grand puzzle en cinq exemplaires
Il fallait croire en sa bonne étoile pour imaginer une maison, habitable et confortable, explosant les codes de l’architecture contemporaine. Il fallait s’appeler Eric Wasser.

Eric Wasser a conçu cinq autres maisons bioclimatiques pour des particuliers. Une sixième est en cours de construction dans le Sundgau.
Et si la solution était géométrique avant d’être technologique ? « La maison a une forme géométrique donnée une bonne fois pour toutes et depuis le XVIIIe on n’a fait que travailler sur le progrès technique, observe le designer de Cosswiller. Jamais on n’a revu notre façon de penser l’espace en fonction de ce que la nature nous donne. »
Lors d’un cours d’histoire de l’art en formation d’ébéniste, Eric Wasser a alors l’idée d’intégrer les trajectoires dessinées par le soleil au cœur même du processus de conception d’un bâtiment. Le principe de maison solaire est sur les rails.
«Pas beaucoup plus chère»
Sa première concrétisation date de 1998, sous la forme d’une… cocotte en papier. En l’An 2000, il dépose le nom Heliodome : “helio” pour “soleil”, “dome” pour “maison”. Avec son projet incroyable sous le bras, l’inventeur au cheveu en broussaille et au regard brillant remporte le concours Lépine à Strasbourg et le premier prix du concours Lépine national en mai 2003.
Puis décide en 2009 de concrétiser cette belle idée. Une version expérimentale de l’Heliodome, avec du bois de la scierie voisine de Wangenbourg-Engenthal, voit le jour dans le jardin de sa ferme à Cosswiller. Une première mondiale selon son créateur.
« Meuble à vivre », cette habitation est conçue comme un « grand puzzle ». « On est capable de construire toutes les tailles et formes de maison. Ce sont des pièces à assembler qui rendent la construction pas beaucoup plus chère que pour une maison ordinaire, environ 2 500 €/m².»
Aujourd’hui, l’Heliodome a cinq petits frères : en Suisse, à Saint-Dié des Vosges, à Besançon, Dijon et en Allemagne. Un sixième est à venir dans le Sundgau.
DNA/A.HY. (25/07/2017)