Le pic creuse plus vite un tronc d'arbre... grâce à un champignon !
Le pic à face blanche a une solution efficace pour creuser son nid plus vite dans un arbre vivant : il l'infecte d'un champignon.
Pour creuser rapidement un arbre vivant, le Pic à tête blanche l'infecte d'un champignon qui pourrit le bois. © C.C / FRANCESCO VERONESI
EXCAVATEUR. De nombreux animaux ont besoin de cavités dans les arbres pour nidifier, se nourrir, se protéger des prédateurs ou se réfugier pendant la nuit. Ces anfractuosités abritent des mammifères, par exemple les écureuils et les chauves-souris, des reptiles, comme certains serpents, des oiseaux, ainsi que de multiples invertébrés. En revanche, seuls certains de ces animaux sont capables de fabriquer ces cavités. Les autres sont opportunistes : ils utilisent des trous naturels, ou ceux fabriqués par les membres d'une autre espèce. De ce fait, des écosystèmes entiers dépendent du comportement d'excavation de ces derniers, appelés excavateurs primaires.
Se faciliter la tâche
Les oiseaux excavateurs, tels que la plupart des pics, s'attaquent à des arbres morts, plus faciles à creuser. Le trou est terminé en quelques semaines et la petite famille l'utilise durant une seule année. Le pic à face blanche (Picoides borealis), par contre, adopte une autre stratégie. Dans les forêts de pins des marais du sud-est des États-Unis, il creuse des arbres vivants. Le volatile consacre ainsi beaucoup d'énergie à cette tâche, qui peut durer de longues années ! Mais l'excavation du nid dans un arbre peut être facilitée par la présence, sur la zone à creuser, de champignons parasites. De fait, le tronc de l'arbre pourrit ; le bois devient plus tendre.
SYMBIOSE. L'association entre le pic (y compris d'autres espèces) et les champignons était observée depuis longtemps, mais son explication demeurait floue. Deux hypothèses prévalaient : soit les pics choisissaient les arbres à creuser selon la présence de champignons parasites, soit ils propageaient eux-mêmes l'infection fongique. C'est cette deuxième hypothèse qui a été confirmée dans une étude américaine publiée en mars 2016. Il existe donc bien une association symbiotique complexe entre l'oiseau et plusieurs groupes de champignons. Pour arriver à ces conclusions, l'équipe de Michelle Jusino, du Service des Forêts des États-Unis (Caroline du Nord), a mis en place deux activités expérimentales : le prélèvement des frottis sur les parties externes des oiseaux et la fabrication de cavités artificielles. En effectuant l'analyse ADN des champignons présents sur les animaux, sur les cavités artificielles utilisées par les oiseaux et sur celles non utilisées, ils ont pu comparer les différentes populations et déduire que le pic altère directement la composition de ces populations.
Le pic à face blanche est extrêmement vulnérable aux modifications de son habitat : il faut le protéger, par exemple, à travers une gestion forestière adéquate. Sa préservation a des conséquences directes sur la survie des utilisateurs secondaires de son nid. Pour cette raison les pics sont considérés des "ingénieurs de l’écosystème".
Sciences et Avenir/Annalisa Plaitano (18 avril 2016)