Le hérisson d'Europe est-il menacé de disparition ?

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Depuis août, une pétition en ligne interpelle la ministre de l’Environnement afin qu’elle prenne des mesures pour «sauver» ce petit mammifère en danger. Mais contrairement au Royaume-Uni, il n’existe en France aucune donnée sur le déclin de cette espèce.

Environ un million de hérissons mourraient sous les roues des voitures chaque année. Photo : Jean-Louis Schmitt

Environ un million de hérissons mourraient sous les roues des voitures chaque année. Photo : Jean-Louis Schmitt

Le hérisson d'Europe est-il menacé de disparition ?

 

A l’avenir, aura-t-on encore la chance de voir Erinaceus europaeus gambader dans nos jardins ? Si l’on en croit une pétition en ligne signée par 60 000 internautes depuis août dernier et qui appelle à «sauv[er] les hérissons», ce petit mammifère à pics, terrestre et insectivore, est en effet en grand danger. Selon ses auteurs, des représentants d’associations de sauvegarde des hérissons, l’espèce est «menacée de disparition». «Là où dans les campagnes il y avait cent hérissons, il n’y en a plus que trois à présent ! On estime qu’ils auront quasiment disparu d’ici à 2025, dans à peine dix ans !» écrivent les pétitionnaires qui souhaitent en priorité la création «d’un statut spécifique» pour l’espèce afin de «densifier le réseau des personnes habilitées à les sauver».

 

Pour étayer leur demande adressée à la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, et soutenue par des élus écologistes (Yannick Jadot, Laurence Abeille et Pascal Durand), ils mettent en avant des chiffres inquiétants venus d’outre-Manche. Ainsi, comme le rapportent plusieurs études britanniques menées par des environnementalistes et des scientifiques (le mammalogiste à la retraite Nigel Reeve ou l’écologue Paul Bright du département de biologie de la Royal Holloway University of London), les populations de hérissons ont perdu 30% de leur effectif depuis vingt ans en Grande-Bretagne, de 1,5 million d’individus estimés en 1995 à moins d’un million en 2015. Un déclin qui vaut autant pour les campagnes que pour les villes britanniques et qui inquiète jusqu’à la chambre des communes.

 

Espèce protégée depuis 1981

 

Comme leurs cousins britanniques, les hérissons hexagonaux (et continentaux) sont-ils, eux aussi, menacés de disparition ? Rappelons d’abord que la petite boule d’épines est classée en «préoccupation mineure» dans la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), «ce qui signifie qu’il ne fait pas partie des espèces menacées de disparition à court terme», précise par mail le comité France de l’organisation. En revanche, il s’agit d’une espèce protégée depuis un arrêté de 1981, dont la protection a plusieurs fois été renforcée, notamment en 2007. En d’autres termes, il est interdit de détruire, de capturer, de mutiler, d’enlever, de mettre en vente ou de naturaliser un hérisson sous peine d’être poursuivi, comme ces deux Charentais condamnés jeudi à 300 euros d’amende pour avoir capturé un spécimen dans le but d’en faire un civet.

 

Ce statut d’espèce protégée signifie-t-il pour autant que l’animal est assuré de sa pérennité ? Pas vraiment, répondent les défenseurs des hérissons, tout en reconnaissant qu’il n’existe aucune donnée statistique pour démontrer leur assertion. «En France, il n’y a aucune donnée alors qu’en Angleterre, des ONG et des zoologistes se sont réunis et ont coordonné des statistiques de comptage. On imagine qu’ici les chiffres sont catastrophiques», regrette par exemple Jean-Xavier Duhart, coordinateur de Sauvons les hérissons, l’un des pétitionnaires. Installé dans un quartier périurbain d’Aix-en-Provence, ce protecteur de la nature plaide pour un sursaut.

 

«Le nombre de gens qui n’en voient plus est impressionnant», déplore encore Jean-Xavier Duhart, tout en appelant à refonte de la législation sur le modèle anglo-saxon pour permettre aux bénévoles qui recueillent les hérissons «d’agir en externat avec des vétérinaires référents» sans encourir de sanction. «Le hérisson va disparaître à moyen terme», s’inquiète également Anne Fingar, de l’association le Sanctuaire des hérissons à Fouencamps, dans la Somme. Après avoir obtenu un certificat de capacité, obligatoire pour détenir des animaux sauvages non domestiques en captivité, cette militante a créé avec son mari un refugequi a recueilli 1 425 hérissons accidentés en vingt ans. Aujourd’hui, elle n’est pas très optimiste quant à la vulnérabilité et la capacité de résistance de cette sorte d’auxiliaire des jardiniers qui joue un rôle dans la destruction d’insectes ou invertébrés ravageurs.

 

«Urgent de faire un état des lieux»

 

Les menaces qui pèsent sur le représentant européen des erinaceomorpha sont d’ailleurs bien connues. Il y a la circulation automobile d’abord, responsable de 26 000 à 48 500 victimes par an rien que pour l’Alsace, soit «si l’on extrapole», 1,8 million de morts pour la France entière, selon Christian Arthur, président de la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (Sfepm) dans le bimestriel le Courrier de la nature (1) ; les pesticides (en particulier les néocotinoïdes) et anti-limaces ensuite, puisque le hérisson est principalement insectivore ; les tondeuses à gazon ; les piscines (malgré le fait que ce soit un bon nageur) ; la recrudescence de son prédateur, le blaireau ; et enfin, un aménagement du territoire peu tendre avec la nature qui rompt la continuité des habitats.

 

«Vu que les axes de transports se sont développés et que les atteintes aux habitats se sont multipliées, les populations ont forcément baissé, soulève pour sa part Stéphanie Morelle, chargée de mission biodiversité à France nature environnement (FNE). C’est un marqueur de la mauvaise santé de la biodiversité car si l’érosion du hérisson, une espèce commune, est visible, celle des espèces menacées comme le grand hamster d’Alsace est encore plus importante.» La militante de l’association dont l’emblème est désormais un hérisson en colère les pics redressés privilégie néanmoins la prudence en l’absence de données chiffrées. «Ce qui m’a alerté, c’est que je vis à la campagne mais que je n’en vois plus ou alors c’est un événement, soutient, de son côté, Laurence Abeille, députée écologiste du Val-de-Marne, signataire de la pétition. Il est vraiment urgent de faire un état des lieux, de lancer une information et de recueillir des données.»

 

Patrick Haffner, chef du pôle espèces au service du patrimoine naturel rattaché Muséum national d’histoire naturelle, tempère et se veut plus rassurant. «Ça pourrait aller mieux mais rien à l’heure actuelle ne nous permet d’affirmer que l’espèce va disparaître à court terme, souligne cet expert des petits mammifères, en particulier des chauves-souris. En revanche, ce que l’on peut dire et que l’on constate, c’est que l’érosion de la biodiversité est incontestable. Il y a un certain nombre d’espèces en régression, des espèces ordinaires pour lesquelles on a des données, notamment la petite faune de plaine, dont fait partie le hérisson ou la pipistrelle [petite chauve-souris européenne, ndlr]. Cette raréfaction des populations est très inquiétante. Toute cette faune dont on ne s’est pas préoccupé est en train de décliner.»

 

(1) Le hérisson d’Europe. Un patrimoine commun en danger, par Christian-Philippe Arthur (SFEPM). Le Courrier de la nature, Numéro 300, novembre-décembre 2016.

 

Libération /Florian Bardou (10 mars 2017)

 

Pétition de Greenpeace ici

Photo : JLS

Photo : JLS

Publié dans Biodiversité

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D
Jean Louis que lui mets tu dans l' assiette pour manger?<br /> J' ai des amis hérissons sous ma terrasse depuis des années.<br /> Azzaro leur aboyait dessus mais ne leur faisaient rien. <br /> A présent, je leur jette souvent des épluchures, mais peut être que cela n' est pas adapté.<br /> D 'avance merci<br /> DD
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J
Chère Danièle,<br /> Les croquettes pour chat sont toujours très appréciées par les hérissons ! Avec une petite coupelle d'eau à proximité, ton ami à piquants va se régaler !
C
J'adore les "nerissons"
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