L’imposture !

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Rendez-vous incontournable pour les uns, occasion de se montrer à ne pas manquer pour les hommes (et femmes) politiques de tous bords, le Salon de l’agriculture demeure un moment fort et haut en couleurs marqué par les cohues provoquées lors des visites à rallonges d’un Chirac hilare et le désormais célébrissime « cass’toi pauv’ con » de Sarkozy (1) qui demeure gravé dans plus d’un esprit !

Dessin : © Claude Buret 2013

Dessin : © Claude Buret 2013

Durant une dizaine de jours, la « plus grande ferme de France » -comme se plaisent à l’appeler les chroniqueurs- ne se trouve donc pas à la campagne mais bel et bien Porte de Versailles à Paris ! Les visiteurs en manque d’exotisme semble-t-il, s’y pressent par wagons entiers (2), avides de ruralité et recherchant peut-être inconsciemment des racines pourtant bel et bien perdues à jamais !

 

50 ans !

Un demi-siècle que, année après année, se renouvelle ce grand barnum initialement réservé aux professionnels mais qui a rapidement séduit le grand public. Désormais, ce sont près d’un millier d’exposants et quelques 3 500 animaux qui assurent le spectacle ! Ainsi, le curieux peut y découvrir les monstrueux engins dernier cri, suréquipés, dont le coût assurera à coup sûr l’endettement de certains pour quelques décennies à venir mais permettra à son heureux propriétaire de saccager ce qui reste de nature tout en lui assurant un confort maximum à bord...

 

Le gourmand, lui, pourra se repaître sans retenue de spécialités locales qui font la richesse de nos terroirs et dont la consommation fera grimper bien des taux de cholestérol… Et, surtout, petits et grands écarquilleront les yeux devant toutes ces bêtes étranges qui, quant à elles, regarderont passer placidement sans manifester d’étonnement particulier ces bipèdes bigarrés et bruyants !

Bovins, ovins, chevaux, cochons, volailles… Tout y est : une vraie (gigantesque) ferme avec même quelques animaux de compagnie pour faire plus authentique ! De quoi en faire rêver plus d’un.

 

Sauf que… Des fermes comme celle-là, personne n’aura aucune chance d’en trouver une en vraie ! D’ailleurs, les « fermes » au sens étymologique du terme à savoir la propriété rurale ou les bâtiments d'un domaine agricole, n’existent pour ainsi dire plus : désormais ce sont de gigantesques « exploitations agricoles » ou encore d’énormes unités « produisant » des milliers « d’unités » animales qui n’ont plus rien à voir avec les fermettes d’antan !

 

Une vaste supercherie.

La présentation des bêtes telle que mise en scène dans ces salons constitue en fait une énorme supercherie qui n’a rien à voir avec la réalité de l’existence carcérale de la très grande majorité des animaux élevés à travers notre beau pays ! En effet, s’il subsiste bien ça et là quelques cochons visiblement heureux de vivre et libre de gambader dans un pré qu’ils retournent gaillardement grâce à leur groin ou se vautrant avec délice dans une épaisse litière de paille, c’est une véritable image d’Epinal qui n’a strictement aucun rapport avec l’existence des 99% de porcs élevés sur des caillebotis dans des hangars puants, cloîtrés dans des box minuscules si ce n’est entravés (pour ce qui est des truies, femelles gestantes ou ayant mis bas)…

Ces animaux-là ne connaitront jamais autre chose que ces bâtiments dont ils ne sortiront qu’une seule fois pour être chargés dans des camions qui les mèneront à l’abattoir, ultime et terrifiante étape de leur courte vie (3)…

 

La situation n’est guère plus enviable pour les bovins dont la plupart sont confinés « par lot » dans des hangars d’élevage, pataugeant parfois (le plus souvent même !) avec peine dans d’épaisses couches de lisier… Oui, le lisier car même le fumier n’existe quasiment plus en tant que tel : la paille est désormais pratiquement absente et les litières, de fait, inexistantes !

Le sort des vaches laitières n’est pas plus reluisant : après avoir porté des veaux qui leur sont arrachés sitôt nés et produit des hectolitres de lait, elles sont, elles aussi, envoyées sans le moindre état d’âme « à la casse » dès que leur rendement baisse un tant soit peu !

La majorité des consommateurs sont bien loin de se douter que la viande qu’ils achètent sous l’appellation « bœuf » provient pour la plus grande part de vaches réformées, épuisées par quelques années de production intensive.

 

Chirac qui aimait à s’attarder longuement au Salon de l’Agriculture et se montrer flattant les croupes de belles limousines pouvait-il ignorer cette pitoyable réalité ?

 

Et la volaille !

830 millions de poulets « de chair » sont élevés annuellement en France pour la très grande majorité de manière intensive (chiffre qui s’élève à quelques 6 milliards pour l’ensemble de l’Union Européenne…). Difficile d’imaginer l’épouvantable cauchemar subit au quotidien par toutes ces créatures dont la seule et unique raison d’être est de grandir dans un temps record pour être abattues au plus vite ! En la circonstance, il serait vaguement inconvenant d’aborder le sujet du « bien-être animal » : cette notion n’est évidemment qu’un leurre destiné à rassurer le plus grand nombre et à donner bonne conscience aux éventuels consommateurs rendus soupçonneux par des crises sanitaires successives ou des tricheries finalement éventées…

 

Dans les faits, les oiseaux n’ont d’autre alternative que de subir le sort qui leur est cruellement imposé et ce dans des conditions de densité infernale. L’alimentation -automatisée est-il besoin de le préciser- est préparée et savamment dosée afin que la croissance des poulets soit optimale : économiquement, il importe en effet qu’ils atteignent leur poids d’abattage en… 6 semaines seulement ! Beaucoup ne parviendront même pas à ce terme fatidique : leurs pattes et leur cœur ne résistant pas à un tel traitement ! Ce sont autant de « dégâts collatéraux » (estimés tout de même à quelques dizaines de milliers chaque jour pour la France !) d’une industrie réellement sans pitié aucune !

 

Concernant les poules pondeuses, les images de volailles s’ébattant gaiement dans un pré, clichés volontiers véhiculés par les professionnels concernés, sont également pour le moins trompeuses : 77,7% des œufs produits sur le territoire national sont issus d’élevages en batteries où les poules sont enfermées dans de minuscules cages sur plusieurs niveaux dans des hangars aveugles qui « contiennent » souvent de 50 000 à 70 000 oiseaux (4)… Pas de doute : l’enfer ça doit ressembler à cela !

 

Ce ne sont là que quelques exemples d’animaux exploités à outrance et monstrueusement malmenés qu’on pourrait bien sûr multiplier à loisir…

 

 

Pour résumer, il y a ce que le « Salon » et ses divers protagonistes montrent ou souhaitent laisser entrevoir de leur activité par le biais d’expositions d’animaux parfaitement « heureux », des bêtes de concours aimées, choyées, pomponnées… et la réalité qui, elle, est nettement moins présentable et, surtout, d’une redoutable et extrême sauvagerie !

 

JLS

 

  1. Nicolas Sarkozy, au Salon de l’Agriculture le 23 février 2008.
  2. 650 000 personnes s’y étaient retrouvées en 2012.
  3. Voir à ce propos (entre autres) « Un monde sans pitié » (Univers, Harmonie et Santé - décembre 2008)
  4. http://pmaf.org/s-informer/nos-campagnes/poules-pondeuses.html

 

Article publié en avril 2013 (mais toujours cruellement d'actualité...) dans Vivre en Harmonie

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D
dis, moi Jean Louis, un seul endroit où ce n' est pas l' enfer!<br /> C 'est l' Apocalypse que nous vivons , animaux, et humains!<br /> Il n' y a que tes aubes où tu fais de belles rencontres qui nous enthousiasment encore un peu ! Heureusement, que tu es là!<br /> Je ne regarde plus la télé depuis des années, je n' écoute qu' une fois par jour les infos dès fois que Fessenheim ait sauté!<br /> Secouons nous, et faisons l' impasse sur le crépuscule! <br /> Bonne journée!
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J
MERCI à toi Danielle !