Où sont passés les oiseaux ?
Nombre de naturalistes et autres observateurs de la nature se font une joie -mais souvent également un devoir- d’aider les oiseaux à passer la mauvaise saison en disposant graines, boules de graisse et autres pommes dans et autour des mangeoires mises en place à cet effet ! Or, il se trouve que, depuis le début de l’hiver, celles-ci sont loin d’être assaillies par la gent ailée et semblent même être boudées localement par les passereaux… Mais, qu’en est-il vraiment ?
Au fil des jours, le constat se confirme : les mésanges et autres visiteurs habituels des lieux de nourrissage ne viennent pas ou très peu ! Si la troupe de moineaux domestiques fond à intervalles réguliers sur la mangeoire en faisant grand tapage, seuls quelques rares rougegorges et verdiers montrent le bout de leur bec de temps à autre ! Là où, les années précédentes, le ballet des chardonnerets, mésanges et autres tarins était incessant, le passage d’une nonnette devient presque événementiel !
Comme j’ai publié plusieurs articles sur le sujet, des témoignages me parviennent quasi quotidiennement et ce de nombreuses régions de notre pays mais également de Suisse et de Belgique… Partout l’absence d’oiseaux semble remarquable à tel point qu’elle finit par en devenir inquiétante sinon obsédante !
Les responsables de la LPO, des centres de soins et les scientifiques avancent plusieurs hypothèses à ce phénomène. Ainsi, « La première concerne la douceur des conditions météorologiques de ces dernières semaines et du changement climatique en général. Rappelons que les oiseaux que nous voyons en hiver ne sont pas forcément les mêmes que ceux qui sont présents en été ; en effet, les mésanges, les rougegorges, les pinsons et autres petits passereaux migrent, même partiellement, quittant leurs sites de reproduction pour des territoires plus cléments en hiver. Les populations estivales, notamment celles des contrées nordiques, se déplacent ainsi vers le sud après leur saison de reproduction, et les individus que l’on observe dans notre région en hiver viennent donc de zones plus septentrionales. Si l’hiver dans ces pays est doux, les oiseaux migrent moins loin et il se peut donc que les individus qui stationnent habituellement chez nous soient restés plus au nord. » (1).
Une autre explication porte sur l’inhabituelle abondance de nourriture en forêt telle la bonne fructification des hêtres et qui pourrait expliquer que bon nombre de passereaux amateurs de faines ne soient guère pressés, pour le moment, de s’approcher des habitations… Il faudra donc attendre l’épuisement de cette ressource pour voir si davantage d’oiseaux s’en rapprochent.
Enfin, les spécialistes rappellent que les successions de printemps calamiteux ont fortement impacté bien des couvées et provoqué des baisses assez conséquentes de nombreuses espèces !
Ajoutez à tout cela l’empoisonnement par le biais des épandages massifs et systématiques de pesticides utilisés dans l’agriculture dite « conventionnelle » –qui détruisent certes des insectes ravageurs mais privent du même coup beaucoup d’oiseaux –prédateurs naturels- de leur nourriture de base- et on détient probablement une grande partie des réponses aux questions sur la raréfaction des passereaux !
Gérard Charollois (CVN) dans sa lettre hebdomadaire, n’en démord pas non plus : « Ce qui frappe un observateur éveillé, non conditionné au nombrilisme spéciste, c’est la disparition du vivant. Ce qui signe l’échec de notre civilisation, pas moins, tient à la disparition, dans les villes hostiles à la vie, des moineaux domestiques qui cohabitèrent avec les hommes durant des siècles. Les villes deviennent des déserts d’avifaune et vous rencontrerez des hommes « nuisibles » pour ânonner que les pigeons, les moineaux et autres compagnons ailés souillent, propagent des maladies. L’idiotie et les préjugés totalement infondés ne sont pas propagés par les oiseaux ! Pour les obscurantistes, les oiseaux ne servent à rien, les renards envahissent les périphéries des métropoles, les sangliers prolifèrent, les loups persécutent les bergers et l’homme peut aseptiser la terre pour satisfaire ses pulsions de domination, son culte du profit maximisé, pour répondre à ses besoins de violences traditionnelles. En marge des médias formatés, sachons que l’important, c’est l’oiseau et qu’il faut, en présence d’une innovation technologique, d’un phénomène climatique, d’un mode de production ou d’un loisir, s’interroger sur leurs conséquences pour les autres formes de vies avec lesquelles nous partageons la terre. L’humain est criminel d’électrocuter les grands oiseaux, de piéger les passereaux cavernicoles dans les poteaux métalliques creux du téléphone, de tracer des routes en bordure de marais, de disperser des biocides dans ses cultures, de transformer les forêts en usines à bois et les montagnes en parcs à moutons, d’exploiter et de croître au détriment des autres espèces. » et il conclut fort sagement : « Le poète et le scientifique ont raison : l’important, c’est l’oiseau ! »…
Sans doute y-a-t-il bien d’autres facteurs qui déciment nos amis ailés (comme certains virus tel Uzutu (2) qui frappe principalement les merles et les rapaces nocturnes) et qui nous sont pour l’heure, totalement inconnus ! Notons toutefois que les années se suivent et ne se ressemblent pas. Ainsi, sans remonter très loin, en 2012 et 2013 déjà, la LPO constatait une baisse d’au moins 30% de fréquentation des mangeoires : là encore, on pointait du doigt les mauvaises conditions météo du printemps précédent et les couvées détruites…
Comme chacun peut désormais aisément le constater, de nombreux périls guettent l’avifaune et, bien sûr, pas elle seule ! Pour une grande part, notre responsabilité est considérable et, n’ayons pas peur de le dire : quasi criminelle !
Ainsi, les effets du réchauffement climatique qui se poursuit allègrement, risquent de causer bien d’autres catastrophes encore : nier notre implication comme persistent à le faire les climato sceptiques, relève de la sottise la plus crasse ! Ne rien faire sous prétexte qu’il est déjà trop tard est évidemment tout aussi stupide puisque nous ne faisons qu’accroître et accélérer le processus !
Si, à notre modeste niveau, il nous est difficile de changer le cours choses et d’influer directement sur les politiques environnementales désastreuses qui nous sont imposées, nous pouvons néanmoins essayer, chacun à son échelle, d’avoir un impact le moins néfaste possible sur son environnement : ainsi, en consommant local, de saison et de manière responsable, nous diminuons la destruction et la dégradation des habitats et limitons nos rejets polluants ! Quels rapports avec les oiseaux me direz-vous ? Mais, c’est que tout se tient : c’est le fameux effet papillon…
Et si vos gestes n’ont pas d’impact direct sur le retour providentiel des oiseaux de votre jardin, au moins aurez-vous réduit votre empreinte écologique et ça, c’est déjà énorme !
Pour le reste, prenons notre mal en patience, continuons, malgré l’absence des hôtes de nos jardins, à garnir largement les mangeoires et croisons les doigts pour que le printemps que nous attendons de nos vœux ne soit pas silencieux !
JLS
- LPO Alsace
- A noter que les passereaux ne sont pas touchés par la grippe aviaire !
Quelle nourriture pour les oiseaux ?
En hiver, les oiseaux ont besoin d’aliments riches en lipide (donc énergétique). La LPO recommande de mettre à leur disposition :
• de la graisse (margarine, saindoux, beurre…) seule ou mélangée avec des graines.
• Des graines de tournesol, du blé concassé, du millet, de l’avoine, du chènevis…
• Des cacahouètes non salées et non grillées, décortiquées ou en coques
• Des fruits secs : noisette, noix, amandes…
• Des fruits : pommes, poires…
Les oiseaux ont également besoin d’avoir accès à de l’eau pour s’hydrater et nettoyer leur plumage.
Il faut éviter de leur donner des aliments salés, du pain sec ou de la biscotte, des restes de pâtisserie qui pourraient provoquer des troubles digestifs, du lait, des larves de mouche (qui pourraient leur perforer l’estomac), des graines de lin ou de ricin (toxiques)…