Le renard, éternel mal-aimé ?
C’est une évidence : il y a comme ça des têtes qui, décidément, ne reviennent pas et, se retrouvant du mauvais côté de la balance, les malheureux sont systématiquement persécutés ! Il y eut jadis les « becs crochus » que l’on affublait des pires maux et qui, des siècles durant, furent injustement martyrisés…
L’ours, le loup, le lynx et, de manière générale, la très grande majorité des petits carnivores et mustélidés, ont l’insigne honneur de figurer sur la liste des « nuisibles » et ne bénéficient pour le coup que de peu de considération mais, au contraire, d’une animosité quasi sans limite…
S’il est un animal qui illustre parfaitement ce vaste débat, c’est bien le renard ! En voilà un en effet qui, bien malgré lui et à lui tout seul, cristallise toutes les crispations entre ceux qui, d’une part, ne voient en Goupil qu’un destructeur invétéré de volailles et, d’autre part, ceux qui, plus réalistes, prennent sa défense pour qu’enfin soit reconnu son rôle de prédateur indispensable dans le milieu naturel !
Le débat est évidemment malaisé tant le sujet est sensible et les deux camps visiblement inconciliables ! Le fait est que, en dépit des nombreuses études et observations réalisées depuis des décennies, les adversaires du renard refusent toujours l’évidence et continuent de prôner sa destruction systématique…
Mais, qu’en est-il vraiment du régime alimentaire du renard ?
C’est un opportuniste et voilà qui plaide vaguement en sa défaveur lorsque lui vient l’idée saugrenue d’aller se servir directement chez les éleveurs ce qui, vous en conviendrez, est nettement plus facile que de courir la campagne à la recherche d’hypothétiques proies ! Or, l’humain lésé ne voit pas ces incursions destructrices d’un très bon œil ce qui est naturellement très compréhensible aussi !
Pour autant, soyons justes et magnanimes : si un élevage est correctement protégé, aucun prédateur ne devrait pouvoir s’y introduire ! Par ailleurs, trop souvent décrits comme de véritables carnages, ces actes sont délibérément et outrageusement médiatisés alors qu’ils demeurent des faits forts rares !
Tout comme en ce qui concerne les cas de prédation –ou supposés tels- des loups, on préfère s’en prendre violemment aux auteurs présumés des pillages que de mettre en place un système de protection digne de ce nom… On oublie un peu vite que la nature constitue un tout avec des entités très diverses dont la majorité, quoique présente bien avant l’homme, est constamment spoliée de son espace vital et ce sans le moindre état d’âme !
Or, on préfère balayer de telles évidences d’un simple revers de manche et mener de véritables et sanglantes représailles contre les importuns…
Le renard et le « gibier »…
Voilà encore un argument volontiers mis en avant par ses détracteurs : le renard serait un redoutable consommateur de « petit gibier » ! Or, là encore, il convient de rétablir la réalité des faits.
Ainsi, concernant les lièvres, tout observateur honnête et objectif confirmera que Goupil est très loin d’en faire son plat principal : le lièvre court vite et le renard le sait parfaitement. Il faut donc qu’il soit vraiment tenaillé par la faim pour tenter de courser cette proie potentielle…
Il en est autrement des faisans ou perdrix (1) : ces oiseaux d’élevage régulièrement introduits par les chasseurs –et souvent quelques jours seulement avant l’ouverture- ne sont évidemment pas adaptés aux milieux dans lesquels on les lâche et constituent une véritable aubaine pour n’importe quel prédateur !
Là encore, comment pourrait-on en vouloir au renard de s’en prendre à ce « gibier » qu’on lui met quasiment sous le nez ? En fait, il agit présentement de la même manière que les chasseurs eux-mêmes : il va au plus facile… sauf que lui, il ne chasse bien évidemment pas pour le plaisir !
Le renard, allié efficace de l’agriculteur !
Les nombreuses études et observations sérieuses des renards sont unanimes : Goupil survit essentiellement grâce à ses talents d’éboueur –c’est lui en effet qui « débarrasse » la nature d’un grand nombre de charognes qu’il nettoie consciencieusement limitant ainsi le risque d’épidémies- et, surtout grâce à son impact sur les populations de micromammifères !
Aussi, s’il est des chiffres à retenir, ce sont bien les suivants : « chaque renard se nourrit de 3 000 à 8 000 rongeurs par an, sa proie de prédilection étant le campagnol » (2) ce qui, en toute logique, fait de l’espèce un merveilleux et indispensable auxiliaire de l’agriculture !
Cet argument plaide à lui seul pour une reconsidération du statut officiel de l’animal réclamé depuis fort longtemps par ceux qui ont choisi de défendre l’infortuné…
Le renard et la transmission de certaines maladies à l’homme.
Autre argument régulièrement avancé par ceux qui militent activement pour la destruction systématique des renards : le risque de transmission de certaines pathologies à l’homme. Or, le fait a largement été démontré en ce qui concerne la rage (fort heureusement éradiquée actuellement) tout comme à propos de l’échinococcose alvéolaire que plus on s’acharne sur l’espèce vulpine en la détruisant, plus les maladies en question progressent (3) !
Pourquoi dès lors tirer les renards ?
En regard des éléments précédemment abordés et des diverses conclusions qui plaideraient largement non plus pour l’élimination du renard mais bien plus certainement en faveur de sa protection, voilà donc une question qui mérite d’être posée !
La réponse est très simple et, pour tout dire, clairement frustrante ! En effet, si, contre toute logique et surtout sans aucune raison scientifique, le renard continue à être décimé comme il l’est actuellement, c’est sans doute par la méconnaissance de l’animal mais, surtout et tout bonnement parce qu’il constitue un « gibier » de choix permettant à nombre de porteurs de fusils de « s’amuser » et ce même en-dehors des périodes officielles d’ouverture de la chasse.
En effet, le renard –comme d’autres malheureux d’ailleurs, ne l’oublions pas- est non seulement classé chassable en bien des régions mais, pire, il figure sur la liste peu enviable des « nuisibles » et peut à ce titre être chassé, piégé, déterré à l’instar du blaireau… toute l’année, de jour comme de nuit !
Voilà qui est injuste évidemment mais aussi totalement inepte pour qui connaît un tant soit peu les mécanismes de la nature : la « nuisibilité » de l’espèce étant en l’occurrence pour le moins subjective et diamétralement en contradiction avec la notion de biodiversité pourtant rebattue à l’envi !
En conclusion
Le renard, magnifique et indispensable animal, est un élément à part entière de notre patrimoine naturel ! Si rien ne justifie l’acharnement à sa destruction ni les nombreuses persécutions dont il fait l’objet, il y a de toute évidence encore fort à faire pour faire évoluer des mentalités largement influencées par les lobbies pro-chasse !
Le renard mérite naturellement mieux que ça et c’est à chacun d’entre nous de contribuer au rétablissement de la vérité le concernant : comme le loup, l’ours, le lynx… le renard ne souhaite pas que nous l’aimions mais, assurément, juste qu’on lui fiche la paix !
- 20 millions de faisans, lièvres et perdrix d'élevage sont relâchés annuellement par les chasseurs !
- Publication de Patrice Lucchetta, Médiateur scientifique aux Jardins du Muséum à Borderouge. Voir http://natureiciailleurs.over-blog.com/2016/10/nuisible-qui-es-tu.html
- « Une expérience à grande échelle, menée autour de la ville de Nancy, a montré que la zone dans laquelle a été pratiquée une destruction maximale des renards a vu la prévalence de cette maladie augmenter par rapport à la zone témoin, sans régulation » (Ibid)