La cause animale déchaîne les passions

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Cirques, tauromachie, gavage des oies, abattoirs… Les défenseurs des animaux montrent les crocs face à des traditions centenaires et des activités qui contribuent à l’économie du pays.

La cause animale déchaîne les passions

Ce week-end, la discothèque La Scala, près de Rennes, organisait une « soirée cirque ». Clou de l’événement : un ours brun posté devant l’entrée de la « boîte ». Sauf qu’à la vue de l’animal muselé et enchaîné, des clients se sont indignés sur les réseaux sociaux. L’établissement a présenté ses excuses, trop tard : les appels au boycott de La Scala affluent.

Cette histoire illustre la crispation grandissante autour du bien-être animal. Les nombreuses associations dédiées, de plus en plus puissantes, mènent des combats tous azimuts, y compris en politique. Car l’opinion publique suit. Ainsi, 26 ONG ont lancé hier le collectif Animal Politique qui interroge les candidats à la présidentielle sur des sujets aussi variés que l’abattage, les cirques, le gavage des oies.

Élevage et abattoirs

Plusieurs vidéos chocs de l’association L214, tournées en caméra cachée, ont heurté l’opinion publique qui a poussé le gouvernement à réagir. Le ministère de l’Agriculture a missionné des parlementaires pour dresser une série de propositions visant à améliorer le traitement des bêtes à viande.

Dans les cirques

Les cirques sont régulièrement attaqués, et certains maires ont pris des mesures pour les interdire (Ajaccio, Chartres…). « Le public est loin de s’imaginer les techniques utilisées pour amener un animal à exécuter un ordre », explique 30 Millions d’Amis qui a réuni plus de 175 000 signatures contre les cirques avec animaux sauvages.

Gavage des palmipèdes

Selon un sondage Opinionway réalisé en 2014, près d’un Français sur deux est favorable à l’interdiction du foie gras. Cependant, la proposition de loi sur l’interdiction du gavage n’a pas été adoptée en janvier. Cette pratique courante depuis l’Empire romain fait partie du patrimoine gastronomique français. Et surtout, c’est un moteur économique vital pour certaines régions. Plus largement, l’agriculture et les défenseurs des animaux s’opposent souvent, comme sur la protection des loups dans les Alpes ou la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées.

Dans les arènes

En juillet dernier, le jeune torero Victor Barrio a trouvé la mort, encorné par un taureau. On a vu des militants anticorrida se réjouir du décès de l’Espagnol, ravivant des tensions anciennes entre pro et anticorrida. La Catalogne a interdit les corridas en 2010. Décision annulée : la discipline est classée patrimoine culturel en Espagne, et en France dans certains départements du sud.

Dans les parcs et zoos

Les parcs aquatiques souffrent depuis la diffusion, en 2013, du documentaire à succès L’orque tueuse consacré aux orques en captivité. Les zoos sont montrés du doigt depuis quelques semaines pour un nouveau concept qui fait fureur : passer une nuit dans l’enclos d’animaux sauvages. Qui du coup n’ont plus aucun moment de tranquillité.

La justice sévère

En 2014, la vidéo d’un certain Farid en train de jeter un chat contre un mur à Marseille devient virale. Le chat Oscar s’en est sorti avec une fracture. Jugé, Farid écope d’un an de prison ferme, une condamnation inhabituellement lourde dans ce genre d’affaire. Les internautes ont alors pris conscience de leur pouvoir d’influence et n’hésitent plus à partager en masse ou lancer des pétitions.

DNA-Valentine Autruffe (24/11/2016)

 

L’AVIS Du Militant

L’animal est devenu un produit de consommation

Franck Schrafstetter Président de l’association Code animal

La cause animale déchaîne les passions

« L’affaire de l’ours est scandaleuse. On transforme l’animal en produit de consommation, de divertissement. Nous avons créé récemment un groupe Facebook intitulé “Les animaux ne sont pas à louer”, justement pour éviter ce genre de dérive. Grâce à la mobilisation des internautes, on a réussi à faire capoter trois projets de ce type en appelant les propriétaires, en leur expliquant que c’est dans le désintérêt des animaux, et que s’il le faut, en dernier recours, nous pouvons porter plainte. Ça n’a pas toujours été facile de les dissuader, mais au final, ça a toujours marché.

La captivité n’est absolument pas compatible avec le bien-être des animaux. La preuve, dans les zoos et les cirques, ils développent très souvent des troubles du comportement, des “stéréotypies”, comme un balancement répétitif d’une patte sur l’autre, qui est le signe d’une souffrance chronique. La législation actuelle est suffisante, mais c’est son application qui pose problème. L’article L214-1 du code rural stipule que « tout animal doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ». Or, dans les zoos et les cirques, ce n’est pas le cas. Les zoos font des millions de visiteurs, mais ce n’est pas pour autant que tout est acceptable…

On nous taxe souvent d’extrémistes. Mais on assume. Oui, dans un sens, nous sommes extrémistes, car nous souhaitons un changement radical.

Le problème est que notre société a une vision verticale des choses, avec l’homme au-dessus des autres espèces. C’est là-dessus que nous luttons.

Heureusement, depuis deux ans, à tous les niveaux, on sent une vraie prise de conscience dans l’opinion publique, en grande partie grâce à l’essor des réseaux sociaux. Nous sommes encore minoritaires, mais il y a un vrai mouvement de fond.

Peut-être que dans quelques années, on se dira : “Mais comment a-t-on pu enfermer des animaux comme ça dans des cages ?” C’est un peu comme les zoos humains qui ont attiré 1,4 milliards de visiteurs à l’époque. Aujourd’hui, ça nous paraît monstrueux… »

 

L’AVIS Du dresseur

Ne pas mettre tout le monde dans le même sac

Frédéric Chesneau Propriétaire d’ours (entre autres) dans le Loiret

Frédéric Chesneau et l’ours Valentin. DR

Frédéric Chesneau et l’ours Valentin. DR

« J’ai vu l’affaire de l’ours à Rennes, je trouve ça lamentable de voir cet animal muselé et enchaîné. Mais selon la loi, il n’y a pas d’infraction. J’ai déjà montré mon ours Valentin en discothèque : avant la soirée, sans musique, dans un jardin près de l’établissement, et derrière des barrières et une clôture électrique. Personne ne le tripote, je ne lui fais pas faire de tours… C’est de la pédagogie. D’ailleurs, toutes les personnes présentes étaient ravies. L’ours de Rennes, je le connais, il est handicapé, ses propriétaires lui font faire de la moto, des tours sur un ballon… Et il vit dans un camion. Selon moi, il aurait dû être saisi il y a longtemps.

Les gens ont raison d’être choqués, mais il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac. Mes ours auraient été tués si je ne les avais pas récupérés aux États-Unis ( Valentin vivait dans un élevage pour en faire du gibier de chasse ou de la fourrure, ndlr ). Ils vivent dans de grands espaces, sortent une fois par semaine, ce qui les empêche de s’ennuyer, et il n’y a pas de visiteurs, ils sont tranquilles.

Les associations de défense des animaux sont souvent trop extrémistes, comme la Fondation Brigitte Bardot qui ne fait pas la différence entre l’ours de Rennes et le mien. Je l’emmène dans des spectacles médiévaux, dans des écoles… J’apprends aux gens qui sont les ours, et je me dis que les enfants, plus tard, respecteront les animaux grâce à ces interventions.

Je travaille avec des associations pour replacer des ours maltraités dans des structures adaptées. Un ours né en captivité n’a pas de problème avec ça tant que le parc est suffisamment grand et qu’il ne s’ennuie pas. D’énormes progrès sont faits dans les zoos. En France, les animaux sont très bien protégés par la loi, qu’ils soient domestiques ou sauvages. Même l’abattage est très encadré…

La réglementation n’a pas besoin d’être durcie, mais d’être appliquée. C’est une très bonne chose que l’opinion publique soit sensibilisée, mais elle doit entendre plusieurs sons de cloche. »

 

Les stars se mobilisent

L’actrice Eva Mendes s’est engagée auprès de Peta contre la fourrure. DR

L’actrice Eva Mendes s’est engagée auprès de Peta contre la fourrure. DR

L’humoriste Rémi Gaillard s’est récemment enfermé dans une cage pendant plus de quatre jours pour sensibiliser le public au sort réservé aux animaux abandonnés. Cette action au fort retentissement a permis de récolter 200 000 euros de dons. Le mouvement ne date pas d’hier, mais il prend de l’ampleur : dans le sillage de la pionnière Brigitte Bardot, les « people » se mobilisent de plus en plus pour la cause animale.

Aymeric Caron, l’ancien chroniqueur de « On n’est pas couché », a publié plusieurs livres sur le sujet. L’ancienne patineuse artistique Surya Bonali, la chanteuse Eve Angeli et Zahia n’ont pas hésité à se dénuder pour la campagne choc de l’association PETA, « Plutôt à poil qu’en fourrure ».

Une campagne à laquelle ont participé de nombreuses personnalités américaines comme les actrices Charlize Theron et Eva Mendes, les chanteuses Pink et Joss Stone, mais aussi Pamela Anderson devenue l’une des plus ardentes militantes de la cause animale. L’actrice est notamment intervenue en début d’année à l’Assemblée nationale dans le cadre de la proposition de loi visant à interdire le gavage.

Michelle Obama et le prince William ont eux aussi mis leur notoriété au service de la protection animale.

 

Abattoirs

La cause animale déchaîne les passions

Abattoirs

Environ 260 abattoirs en France, 50 000 emplois directs et indirects générés par la filière, 6,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Consommation de viande : 5,693 millions de tec (tonnes équivalent carcasses) en 2014, soit 86,3kg par personne.

Quantité de bovins abattus : 1,48 million de tonnes en 2012. Quantité de porcins abattus : 1,96 million de tonnes en 2012.

Foie gras

19 200 tonnes de foie gras cru produit en France en 2015 (75 % de la production mondiale). 100 000 emplois directs et indirects, pour un chiffre d’affaires d’environ 2 milliards d’euros. 37 millions de canards et 700 000 oies seraient gavés chaque année, selon L214.

51 % des Français sont favorables à l’interdiction du gavage des canards et des oies dans la production de foie gras. 33 % des Français refusent d’acheter du foie gras pour des raisons éthiques.

Corridas

1 000 taureaux seraient tués chaque année en France, selon la Fondation 30 Millions d’Amis. 73 % des Français sont favorables à la suppression des corridas avec mise à mort de taureaux.

Publié dans Animaux

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J
Comme il fallait s'y attendre, si l'article dénonce la cruauté infligée de manière systématique aux bêtes, il se reprend vite en rappelant que le foie gras -par exemple- est un élément du "patrimoine gastronomique français" et, bien évidemment un "moteur économique vital" ! Incontournable donc ? Pas si sûr ! Personnellement, je n'en n'ai jamais mangé et je n'y toucherai jamais : ce n'est pas compliqué, il suffit de se projeter l'image de ces millions de canards et d'oies qui sont gavés à en crever et l'envie de goûter au résultat de tant de violence et de souffrance passe toute seule !<br /> <br /> Si l'article fait un tour rapide de l'ensemble des sujets qui nous préoccupent, nous autres défenseurs de la cause animale, la chasse -cette autre scandale et horrible "tradition" bien de chez nous- n'est pas évoquée et pourtant, quelle pourvoyeuse de mort au quotidien... Les lobbys veillent !
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