Murs, clôtures, barbelés : quand les animaux sont victimes des conflits humains

Publié le par Jean-Louis Schmitt

La multiplication des frontières physiques en Asie et en Europe entraîne de graves conséquences sur la biodiversité, selon une étude publiée dans PLOS biology.

Loups gris (Canis lupus). Photo : JLS

Loups gris (Canis lupus). Photo : JLS

FRONTIÈRES.

L'année 2015 aura été celle de l'afflux massif de réfugiés en Europe, fuyant les violents conflits faisant rage en Syrie, en Afghanistan, en Irak mais aussi dans la Corne de l'Afrique. En réponse à cette crise, des clôtures ont été érigées à l'intérieur comme en dehors de l'Union Européenne.

Une politique qui rappelle celle adoptée sur le continent asiatique après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Dans une étude publiée le 22 juin 2016 sur le site PLOS biology, des chercheurs révèlent que ces frontières, censées bloquer le déplacement des réfugiés, ont également de graves conséquences sur les populations animales qui vivent dans les zones en question.

Même si la démarche de conservation des espèces animales a toujours dû s'arranger avec la politique et la réalité économique des pays, la situation géopolitique actuelle induit de nouvelles contraintes sur la préservation des espèces animales.

Concernant l'Europe, les chercheurs ont plus précisément étudié la frontière physique entre la Slovénie et la Croatie construite en 2015. Cette barrière de 670 kilomètres coupe le massif montagneux Dinaric en deux sur 349 kilomètres.

Ce lieu abrite de nombreuses espèces menacées dont l'une des plus grandes populations mondiales de loups gris (Canis lupus) et de lynxs Boréals (Lynx lynx). Mais aussi des grands mammifères plus répandus comme par exemple l'ours brun (Ursus arctos). Ces animaux ont souvent une faible densité de population et ont besoin de grands espaces pour vivre dans de bonnes conditions.

Selon les scientifiques, les frontières réduisent encore ces densités de populations en séparant physiquement les animaux. Par exemple, sur dix meutes présentes en Slovénie, cinq ont normalement un territoire étendu des deux côtés de la frontière avec la Croatie. Les clôtures ont entraîné la formation de groupes isolés ce qui va provoquer une diminution de la reproduction et donc du nombre de loups.

Concernant le lynx, les chercheurs estiment que les frontières peuvent entraîner purement et simplement la disparition de l'espèce sur le long terme. Certains animaux se retrouvent même coincés dans des pays qui tolèrent le braconnage ou dont l'espèce n'est pas considérée menacée. Certains animaux meurent, piégés par les barbelés L'Europe n'est pas la seule région du monde confrontée à ce problème : des barrières en Asie Centrale et dans le Caucase, particulièrement proche des zones de conflits, ont été créées et d'autres ont été renforcées. Des espèces telles que l'âne sauvage d'Asie (Equus hemionus) vivant entre la Mongolie et la Chine, et la gazelle de Daourie (Procapra gutturosa) qui, elle, vit sur un territoire à cheval entre la Russie et la Chine, subissent aussi le renforcement des frontières.

Outre la séparation des populations et parfois même des familles (les clôtures peuvent être construites très rapidement), les barrières empêchent l'accès à certaines zones de ressources. Elles causent également la mort par étranglement des animaux qui tentent de les franchir. Ou alors, de nombreuses photos prises le long des frontières montrent que certaines bêtes se retrouvent prisonnières des barbelés et des grillages sans jamais pouvoir se libérer.

RECOMMANDATIONS.

Selon les chercheurs, des solutions sont possibles. Sont-elles applicables ?

Ils estiment en tout état de cause que la consultation d'un biologiste spécialisé est nécessaire avant l'installation des clôtures entre deux pays ou au sein d'une même nation. Les scientifiques demandent également aux entreprises de réfléchir à la fabrication de barrières inoffensives pour la faune.

Enfin, ils estiment que certaines zones ne devraient pas être clôturées et bénéficier d'une surveillance électronique ou, le cas échéant, que les barrières soient momentanément retirées pendant les périodes de migration.

Anne-Sophie Tassart - Sciences et Avenir 27-06-2016

Publié dans Environnement

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