Vivre, survivre… tant bien que mal

Publié le par Jean-Louis Schmitt

C’est bien connu : on a peur de ce qu’on ne connaît pas ! Ainsi, nombreuses sont les personnes qui voient un danger potentiel en chaque animal croisé… ou dont la présence est simplement supposée !

Tel un péril imminent, la faune et même, à l’occasion la flore, sont redoutées et craintes pour ce qu’elles ne sont bien évidemment pas : de terribles menaces pour notre espèce par ailleurs plus qu’invasive et dévastatrice…

Loup noir. Photo : Jean-Louis Schmitt

Loup noir. Photo : Jean-Louis Schmitt

Sauvages = danger !

L’agrizoophobie (la peur des animaux sauvages) peut prendre des formes très diverses mais, il est une constante c’est qu’elle se retourne généralement contre les animaux qui, de par la crainte qu’ils suscitent, sont immanquablement pourchassés et, souvent, injustement exterminés ! C’est ainsi que jadis, souvent en raison d’obscures superstitions, les rapaces furent abondamment persécutés : il y a quelques décennies encore, ne clouait-on pas stupidement chouettes et hiboux sur les portes afin de conjurer d’hypothétiques croyances ? Ces temps sont fort heureusement révolus !

Pour autant, d’autres peurs subsistent -ou réapparaissent-, parfois savamment entretenues par des groupes de pression aux bien sombres et inavouables motivations !

Le lynx…

La peur du lynx est à ce titre emblématique… et se révèle catastrophique pour l’espèce ! Après la réintroduction de 21 animaux en treize opérations successives dans le Haut-Rhin (1983-1993), relâchers se soldant par un succès du point de vue biologique puisque les animaux se sont parfaitement acclimatés et reproduits dans leur nouvel espace, les actes de braconnage se sont succédés à tel point qu’on estime aujourd’hui qu’il ne reste plus guère qu’un seul individu dans le massif vosgien ! Autant dire que les chasseurs qui n’ont jamais accepté le retour du lynx par crainte pour « leur gibier » ont eu raison de l’espèce sans être inquiétés outre mesure pour leur forfait !

...et le loup !

Si le retour du loup est, lui, totalement naturel et ne fait pas suite, contrairement à ce que d’aucuns aiment à clamer, à des réintroductions orchestrées « par des groupuscules d’écolos », son sort n’en est malgré cela pas plus enviable : les pouvoirs publics et les puissants syndicats agricoles s’entendant en l’occurrence parfaitement bien en vue d’une guerre totale contre l’« envahisseur honni » ! Aussi, bien que constituant une réelle chance pour la biodiversité, on peut légitimement craindre pour l’avenir de Canis lupus dans notre pays… D’autant plus qu’une partie du mouvement écologiste –ceux qui devraient en toute logique défendre la vie et l’environnement- en appellent eux-aussi ouvertement au massacre du loup ! On connaissait la virulence de José Bové à ce sujet… Il n’est manifestement plus le seul Vert à « casser du loup » puisqu’une douzaine de membres d’Europe-Écologie les-Verts (EELV) ont signé une motion intitulée « Loup et pastoralisme » dont la conclusion est sans appel : « Il est temps de changer radicalement de paradigme. » « Ce n’est pas aux éleveurs de s’adapter à la prédation, mais au loup de s’adapter au pastoralisme. » et d’ajouter il importe de « rendre la prédation sur troupeaux la plus meurtrière possible pour la meute »… Voilà qui est on ne peut plus clair !

Le renard aussi…

Nettement moins médiatisée, la destruction d’autres espèces n’en est pas moins une réalité avérée qui plus est totalement banalisée par ailleurs ! Ainsi, le plus grand nombre trouve-t-il parfaitement « normal » que l’on extermine chaque année des milliers renards (1) dont le seul tort est de concurrencer les chasseurs qui, comme chacun le sait, ne sont pas vraiment partageurs ! Concurrence du reste bien dérisoire en regard des indéniables services que ce bel animal rend à l’agriculture en particulier par son action d’efficace dératiseur écologique de surcroît…

Autre victime collatérale de la frénésie destructrice de nos vaillants nemrods : le blaireau !

Comme pour Goupil, maître Tesson est souvent crédité de bien des travers dont des dégâts aux cultures dont il n’est, la plupart du temps, nullement responsable et qui, de toute manière, s’avèrent négligeables ! Quoi qu’il en soit, malgré leur allure débonnaire et leur discrétion légendaire, les blaireaux continuent d’être massacrés par milliers afin de permettre à un petit nombre –les chasseurs vous l’aurez deviné- de s’adonner à leur passe-temps favori : la destruction systématique du vivant susceptible de nuire de quelque manière que ce soit à leur funeste passion (2) !

En matière de nocivité et d’impact négatif sur la biodiversité, les chasseurs ne sont pas les seuls à œuvrer méthodiquement de la sorte : l’agriculture intensive contribue grandement à la disparition de nombreuses espèces de notre patrimoine faunistique et botanique ! Bien que les effets ravageurs des pesticides et autres défoliants soient désormais clairement établis et largement connus –y compris en ce qui concerne très logiquement leurs conséquences sur la santé humaine- on n’en poursuit pas moins allègrement l’usage massif de tous ces produits biocides !

Tueurs d’abeilles

Les abeilles et de nombreux autres pollinisateurs disparaissent en grand nombre et, ce n’est pas seulement un drame pour les apiculteurs mais bel et bien pour l’humanité toute entière ! S’il est désormais incontestable que l’usage intensif de produits phytosanitaires nuit considérablement aux insectes et, par voie de conséquence, à la planète, l’attitude de nos élus et autres édiles n’en est pas moins ahurissante et vaguement criminelle !

Ainsi, cette récente décision du Sénat de s’opposer à l’interdiction « des néonicotinoïdes, ces pesticides qualifiés de tueurs d’abeilles, au plus tard le 1er juillet 2020. Une majorité d’entre eux – 152 sur 348, 124 s’étant abstenus –, ont voté contre, refusant notamment de fixer une date butoir comme le souhaitait le gouvernement » (3). Le Sénat justifie le maintien de l’autorisation donné aux néonicotinoïdes par le fait que l’interdiction serait en totale contradiction avec le droit européen et donc ne pourrait pas être mise en œuvre… En clair, ce sont les lobbies qui mènent la danse : à charge des institutions politiques de veiller à ce que leurs desideratas soient scrupuleusement respectés !

Pour ce qui est de l’intérêt général, on est prié de repasser… En attendant, la majorité de nos frileux sénateurs méritent plus que jamais le sobriquet peu flatteur mais ô combien approprié vu les circonstances de "sénatueurs" d’abeilles !

Bref, vous l’aurez compris : les nuisibles, les vrais, ne sont décidément pas forcément ceux que l’on croit : si nombre de sénateurs -et d’élus en général- manquent cruellement de courage, d’aucuns -comme Joël Labbé, pourfendeur des pesticides (4)- doivent souvent se demander ce qu’ils font dans cette institution décidément bien peu encline à évoluer…

  1. Entre 600 000 et 1 million de renards sont tués par la chasse et piégeage chaque année en France (source : ASPAS)
  2. Lire à ce sujet ici : http://www.notre-planete.info/actualites/4436-blaireau-chasse-cruelle
  3. Lire en particulier ici : http://www.terre-net.fr/actualite-agricole/politique-syndicalisme/article/le-senat-edulcore-le-texte-en-deuxieme-lecture-205-119245.html
  4. Membre d’Europe Ecologie Les Verts (EELV) et sénateur du Morbihan. http://www.joellabbe.fr/tag/neonicotinoides/

JLS

Article publié dans le n° de juin 2016 de la revue "Vivre en Harmonie"

Toujours en grand danger, la renarde et ses jeunes... Photo : Patrick Hoffmann

Toujours en grand danger, la renarde et ses jeunes... Photo : Patrick Hoffmann

Publié dans Point de vue, Chasse

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