Le Renard n’est pas toujours celui qu’on croit !
Il y a déjà une douzaine d’année, Elian J. Finbert écrivait un ouvrage intitulé « Renard le mal aimé ». Bien avant lui, le « Roman de Renart » avait passionné la France entière du Moyen-Age en présentant Goupil sous le jour d’un animal sans scrupule, trompant tout le monde, sans foi ni loi, cruel et rusé, l’âme noire et le croc sans pitié. Nous en sommes généralement là…
Pourtant, tous ceux qui ont vécu quelques années avec des renards apprivoisés en ont gardé de merveilleux souvenirs, à commencer par Simone Jacquemard qui a écrit des livres inoubliables sur les siens.
En ce qui me concerne, j’en ai eu plusieurs chez moi jadis. C’était des bêtes très attachantes, très douces qui ne m’ont jamais mordu.
Mais, le renard reste le renard et il faut l’admettre tel qu’il est, sans prétendre changer totalement ses habitudes ni ses mœurs.
En fait, il n’existe sans doute pas deux renards identiques, pas plus que deux chiens, deux chats ou deux chevaux. Chaque animal a des traits moraux et physiques qui lui sont propres. Certains ont toujours profité d’un instant de liberté pour s’enfuir ou pour aller directement au poulailler saigner toutes les volailles qu’ils pouvaient attraper et d’autres qui n’ont jamais tenté de s’évader, qui regardaient les poules d’un œil parfaitement indifférent.
Dans une chasse, il maintient un équilibre indispensable en mangeant surtout le gibier malade, blessé, mourant ou mal bâti. On a pu dire que l’extension de la myxomatose n’aurait pas eu lieu aux environs de la propriété de son « inventeur », le professeur Armand Delille, s’il y avait eu des renards pour dévorer les premiers lapins malade. Malheureusement, dans ce secteur de la France, on faisait une chasse si sévère aux prétendus « nuisibles » qu’il a manqué les deux ou trois indispensables qui auraient jugulé l’épizootie à son commencement. En outre, toutes les études sérieuses entreprises sur le goupil prouvent définitivement que ton alimentation est à base de petits rongeurs sauvages : souris, mulots et autres campagnols. Certes, il ne négligera pas l’occasion de crocheter un lièvre accessible, mais ce sera là l’exceptionnel grans festin qui ne se renouvellera pas souvent.
Réel propagateur de la rage ?
Enfin, on reproche au renard d’être le principal propagateur de la rage en Europe centrale et maintenant dans six départements de l’Est de la France. Cela est grave certes, mais s’explique assez bien quand on sait que le renard n’a plus d’ennemis naturels depuis longtemps –principalement le lynx, le loup et l’aigle. De plus, les mesures prises pour lutter contre la rage –tuer tous les renards d’une région- ont pour premier effet d’attirer d’autres renards venant de l’Est et porteurs du virus, qui remplacent les disparus et propagent la redoutable maladie. Si l’on arrivait à maintenir une population normale de renards, elle s’opposerait par le fait de sa seule présence à cette dangereuse marche vers l’Ouest, commune à toutes les espèces en déplacement.
Certes, quand il y a trop de renards, des chasses destructives s’imposent mais, pas plus pour lui que pour toute autre espèce, il ne faut aller jusqu’à la destruction totale. Tout animal a un rôle à jouer dans l’équilibre des espèces et partout où le renard a été rayé de la « carte », on a vu pulluler les petits rongeurs et s’étendre les épizooties.
Grande faculté d’adaptation
Une des facultés les plus remarquables de notre goupil, c’est de s’avoir s’adapter aux circonstances. Il y en a tout près des habitations humaines, tout près des villes même. Discrets, silencieux, nocturnes… ils visitent les tas d’ordures dans l’obscurité, traquent les rats et disparaissent au petit matin. J’ai vu souvent sous ma fenêtre, à la campagne, les nuits de lune, des renards marchant à pas feutrés, silencieux, l’œil aux aguets, leurs geandes oreilles tendues vers le moindre bruit. Parfois, mais plus loin de nos maisons et de nos jardins, je les ai entendus et entrevus chassant : la femelle, en principe, mène en jappant aigu ; le mâle attend, à l’affut, sur le passage du lièvre ou du lapin. S’il manque son coup, sa renarde le houspille dur et cela arrive souvent.
Le terrier se sent de loin. Le renard laisse pourrir les restes de ses chasses auprès de sa demeure et son odeur de fauve est très perceptible. La légende –mais, est-ce une légende ?...- affirme qu’il va déposer une crotte à l’entrée du terrier du blaireau et que cela suffit pour déloger celui-ci et lui voler sa place. Pourtant, il leur arrive de voisiner, dans de très importants terriers aux multiples entrées…
Pour prouver qu’il n’y a pas deux renards aux réactions identiques, j’en ai vu pris au piège, à peine blessé, qui faisait le mort quand on est venu le prendre, dans l’espoir de se sauver.
D’autres essayaient de se battre, avec beaucoup de hargne et de courage et on m’a montré la patte de l’un d’eux qu’il avait coupée de ses crocs pour reprendre sa liberté.
Si vous avez la chance d’habiter une région riche en renards, laissez-leur de temps à autre à manger au bout du jardin. Peut-être en verrez-vous un venir un soir manger une carcasse et vous serez charmé par la grâce féline de cette bête sauvage, à la fois si proche et si éloignée de nous…
N.B. : J'ai trouvé ce texte en feuilletant une vieille pile de revues et de magazines. "Le Renard n’est pas toujours celui qu’on croit !" (de Roby) est extrait en l'occurrence d'un numéro de "Mon Jardin et ma Maison" qui date de... mai 1972 !
Si, depuis, la rage a fort heureusement a été éliminée du territoire français, grâce, notamment, aux campagnes de vaccination antirabique orale conduites chez les renards (le dernier cas recensé remontant à 1998), la "rage de tuer" est, quant à elle, toujours bien vivace ! On extermine ainsi chaque année entre 600 000 et 1 million de renards, comme ça, sans aucune justification cohérente, juste par ignorance ou pour le plaisir...