Au tribunal, le maire de Langouët défend « un arrêté qui va dans le sens de l’histoire »
Entre griefs juridiques, sanitaires et politiques, le maire de Langouët, Daniel Cueff, a défendu son arrêté limitant les pesticides devant le tribunal administratif de Rennes, jeudi 22 août. La décision, mise en délibéré, sera rendue en début de semaine prochaine. Le maire de la commune bretonne a défendu son arrêté « qui va dans le sens de l’histoire ».
Daniel Cueff est convoqué devant le tribunal administratif de Rennes pour avoir interdit l’usage des pesticides près des habitations de sa commune. Photo : Philippe Renault
« Un maire peut-il ignorer la santé de ses concitoyens, face à un État qui n’applique pas le règlement pesticide européen de 2009, exigeant la protection des habitants et de l’environnement ? » La question est posée. Le maire de Langouët, Daniel Cueff, était convoqué ce jeudi 22 août devant le tribunal administratif de Rennes, qui doit se prononcer sur la validité de son arrêté municipal limitant les pesticides.
La décision prise le 18 mai dernier interdit « l’utilisation de produits phytopharmaceutiques sur le territoire de la commune de Langouët à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d’habitation ou professionnel. » La préfète d’Ille-et-Vilaine, Michèle Kirry, affirme que l’édile ne détient pas la compétence pour interférer dans ce domaine. « Elle appartient au ministre de l’agriculture », indique son représentant devant le tribunal.
La partie adverse objecte : « Le maire est chargé du pouvoir de police municipal, qui a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, et la salubrité publique. » Ce qui comprend notamment « l’interdiction des exhalations nuisibles, la projection de toute matière de nature à nuire à la sûreté, ainsi que de prévenir et de faire cesser les fléaux calamiteux et les pollutions de toute nature ».
« Pour moi, cette action est bien de mon ressort car je n’ai pas interdit les pesticides : je n’ai fait qu’instaurer une distance éloignant les pesticides de synthèse des lieux de vie de mon village », précise le maire. « Ce qui reviendrait à retirer 80 % de la surface exploitable sans produits de synthèse dans la commune », nuance aussitôt le conseil de la préfecture, qui déplore par ailleurs « l’incapacité technique » dans laquelle se retrouvent les agriculteurs non-bio.
« Procès politique »
Un grief juridique donc – mais pas seulement. « C’est un procès politique », entame l’avocat de Daniel Cueff, le maire de Langouët. « Suspendre cet arrêté d’interdiction des pesticides reviendrait à censurer un maire qui a pris une décision de bon sens pour protéger les habitants de sa commune. »
Le maire et ses soutiens en appellent au principe de précaution, qui stipule que l’incertitude scientifique ne doit pas servir de prétexte à remettre à plus tard l’adoption de mesures protectrices. Un règlement européen de 2009 dispose ainsi que le principe de précaution peut être appliqué « lorsqu’il existe une incertitude scientifique quant aux risques concernant la santé humaine ou animale ou l’environnement que représentent les produits phytopharmaceutiques devant être autorisés sur le territoire des États membres ».
« Voilà dix ans que ce règlement existe, qu’il devrait s’appliquer directement au pays, s’est insurgé Daniel Cueff devant le tribunal. Dix ans que les ministres de l’agriculture passent et ne font rien. Les principes sont posés, ce n’est plus qu’une question d’application. C’est tout à fait du ressort d’un maire ! »
« Je devrais rester les bras croisés ? »
Sur l’aspect sanitaire, l’avocat de la préfète a soulevé une interrogation sur la représentativité des tests réalisés par les « pisseurs involontaires de glyphosate » : « Seules 32 personnes ont été testées parmi les 600 habitants de Langouët. En outre, il n’existe aucune norme de référence sur les taux de glyphosate… ». L’édile dénonce de son côté les « 1 000 nouveaux cas de cancers par jour en France » et le classement des cancers, leucémies et maladie de Parkinson au titre des « maladies professionnelles » des agriculteurs. « Nul ne pourrait dire que la vaporisation de cocktails chimiques dans l’air que nous respirons y serait étrangère. Et je devrais rester les bras croisés ? »
« Aujourd’hui, la Bretagne peut prendre ce virage ! La France peut prendre ce virage, conclut le maire de Langouët. Monsieur le Président, si vous devez préserver mon arrêté, c’est aussi parce qu’il va dans le sens de l’histoire. »
Ouest-France/Marion Dugrenier (22/08/2019)
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