Le renard n'est plus classé "nuisible" dans le Haut-Rhin, mais le reste dans le Bas-Rhin…
Depuis le 3 juillet dernier, une grande partie du Haut-Rhin ne considère plus le renard comme un animal nuisible. L’arrêté ministériel, renouvelable tous les trois ans, l’a tout simplement déclassé. À l’inverse, le département du Bas-Rhin maintient le statut de cet animal à la fois gibier et prédateur.
Le renard est toujours considéré comme une espèce susceptible d’occasionner des dégâts (Esod) dans le Bas-Rhin et dans la région colmarienne. C’est le territoire de l’espèce protégée du grand hamster. Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)
C’est officiel. Le nouvel arrêté ministériel sur les animaux considérés comme nuisibles en France vient de déclasser le renard dans le département du Haut-Rhin. Du moins dans une large partie du département. Vingt-quatre communes (Ribeauvillé, Bergheim, Guémar, Colmar, Sundhoffen, Andolsheim etc.) le placent toujours sur la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD), en raison de la présence du grand hamster, une espèce protégée de la plaine d'Alsace.
« Le piégeage n’est pas éthique »
« Je pense que c’est une erreur, je ne le cache pas, avoue Gilles Kaszuk, le président de la Fédération des chasseurs du Haut-Rhin. La population renard a été régulée par la chasse, si ce n’est plus possible, on va vers des complications. C’est la première fois qu’on a cette situation. » Tous les trois ans, le Ministère de l’Écologie met à jour, ou non, la liste des animaux classés nuisibles. Elle varie selon chaque département. « On a hérité de quelque chose qu’on renouvelle à chaque fois, déplore Stéphane Giraud, le directeur d’Alsace Nature. Ça paraît logique de le déclasser, il restera tout de même gibier et donc chassable. Mais le piégeage est tout sauf éthique. »
« Comme chasseur de petits gibiers, on peut le tirer »
Car le statut d’ESOD autorise le « piégeage et le déterrage avec ou sans chien, toute l’année. » Ainsi, lorsqu’un piégeur capture un renard, il a l’obligation de le tuer. Ce qui ne sera plus le cas dorénavant dans le Haut-Rhin. Par contre, les chasseurs continueront, en période d’ouverture de la chasse qui va cette année du 15 avril 2019 au 29 février 2020, de pouvoir le traquer. « Les chasseurs ont toujours considéré le renard comme un nuisible, souligne Gilles Kaszuk. Libre à chacun après de le tirer ou pas. Constatant qu’il y en avait moins ces dernières années, je les laisse tranquilles. » C’est aussi le choix qu’a fait « depuis quarante ans » Gérard Lang, le président de la Fédération des chasseurs du Bas-Rhin. Scientifique dans l’âme, il reconnaît « l’utilité » du renard dans la nature. « On peut le tirer si c’est pour une utilisation durable, c’est-à-dire si on veut le manger par exemple mais pas juste parce qu’il passait par là. Mais si on voit qu’il est chasseur de petits gibiers, on a une raison de le tirer », ajoute-t-il. Le Bas-Rhin ayant conservé le renard sous le statut d’animal nuisible dans le dernier arrêté du 3 juillet 2019, le renard y est chassable en période donnée et y reste piégeable toute l’année. Il peut aussi être tiré en dehors de la période de chasse sur autorisation du préfet.
Réguler la population par la chasse
Ce que dénoncent vivement les associations de défense des animaux sauvages et notamment Alsace Nature. « Le renard est une espèce qui subit une grande pression avec la route, les maladies (l’échinococcose alvéolaire notamment), le tir, le piégeage… Biologiquement on pourrait avoir un cycle qui se déroule normalement, il n’y a pas de risque de surpopulation. » Et Franck Vigna, le porte-parole du Collectif Renard Grand Est de renchérir : « Chasser ou piéger le renard, n’est pas valable. Si on le fait parce qu’il mange des poules, un autre reviendra à sa place. Ça empire même le problème. » Dans le Haut-Rhin, le chasseur l’admet. Certaines espèces, le sanglier pour ne pas la nommer, causent bien plus de dégâts que le renard, et auraient donc plus de raisons d’être classé nuisibles. Mais le classement et la chasse à l’année permettraient selon lui de « réguler » la population renard, sans pour autant « l’éliminer. » Et dans le Bas-Rhin ? « Nous ne pouvons pas faire en sorte que le renard ne soit plus nuisible ! Si je disais ça à mes chasseurs, je me ferais recevoir ! Dans la période où il y a beaucoup de renards, qu’ils n’arrivent plus à nourrir leurs petits et qu’il n’y a pas assez de rongeurs, ils vont choper du levreau… ».
Les bienfaits du renard
La LPO de Strasbourg , association de protection de la nature, dénonce là une « concurrence » que réfute le chasseur bas-rhinois. Pour Camille Fahrner, médiatrice faune sauvage, le renard ne peut être perçu comme un nuisible puisqu’il est un « auxiliaire pour l’Homme. » « Si le corbeau peut être nuisible pour les champs de maïs, le renard lui n’apporte que des bienfaits. » À commencer par le fait qu’il mange les petits rongeurs. « Les campagnols, souris, rats… au lieu de les empoisonner parce qu’on n’en veut pas, le renard régule leur population, estime-t-elle. Et concernant la rage, éradiquée de France, il n’y a aucun danger. » Si l’arrêté haut-rhinois est perçu à la LPO comme « une bonne nouvelle », reste l’incompréhension et le manque de justification à leurs yeux du maintien du statut du renard comme nuisible dans le Bas-Rhin.
Pas de dégâts constatés dans le Haut-Rhin ?
Le Haut-Rhin est visiblement un cas à part. Par rapport au dernier arrêté du 30 juin 2015 (un décret ministériel l’a prolongé d’un an en 2018) pris pour application de l’article R. 427-6 du code de l’environnement, qui fixe la liste des espèces classées nuisibles, seuls le 68 et le 66 (Pyrénées-Orientales), ne considèrent plus le renard comme un « nuisible » en France. La raison ? A priori « le manque de dégâts » relevés dans le Haut-Rhin. « Pour classer les espèces nuisibles, il faut qu’on ait constaté un manquement à la sécurité et à la santé publiques, et des dégâts. Des dégâts qu’il est nécessaire de documenter », précise Stéphane Giraud, le directeur d’Alsace Nature.
Le Ministère de l’Écologie doit donc avoir des « preuves et des données chiffrées. » Des constats de dégâts qui remontent souvent des chasseurs, des agriculteurs et des piégeurs. Ils se réunissent tous les trois ans, avec une « association active dans le domaine de la conservation de la faune et de la protection de la nature », un représentant de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et deux scientifiques, en Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage pour statuer sur les espèces nuisibles. Après une consultation publique, qui avait lieu cette année du 6 au 27 juin, le nouvel arrêté est alors adopté.
ESOD, le nouveau nuisible
Si en 2015, le renard, la pie, le corbeau ou la fouine étaient appelés « nuisibles » dans les textes, dorénavant l’État et la Direction Départementale des Territoires (DDT) les nomment « Espèces susceptibles d’occasionner des dégâts » (ESOD). Ce changement de nom aurait été insufflé par les associations de protection de l’environnement qui ont à cœur de souligner « l’utilité » du renard. « La notion de nuisible est un jugement de valeur qu’on porte sur certains animaux qui nous enquiquinent », estiment Camille Fahrner et Cathy Zell de la LPO de Strasbourg.
Morgane Schertzinger (19.08.2019)
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