Un jardin naturel

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Pour le plus grand nombre, la nature n’est belle et fréquentable que lorsqu’elle est ordonnée, entretenue, exploitée, domestiquée… Il en est de même pour les jardins dont la majorité sont magnifiquement tirés au cordeau, taillés au carré et indemnes de la moindre « mauvaise herbe »… Bref : certes d’une propreté irréprochable mais, surtout, d’une tristesse inouïe car relativement dépourvus de vie !

"Sous-bois" aux Joubarbes. Photo : JLS

"Sous-bois" aux Joubarbes. Photo : JLS

Il n’est pas facile de se débarrasser de certaines habitudes d’autant plus que, depuis des lustres, notre société prône une certaine uniformisation, voire même une relative standardisation ! Pour le coup, si on prend l’exemple de l’agriculture, les paysages ont été profondément et durablement modifiés par les remembrements successifs : des milieux d’une extrême richesse (haies, mares, talus…) ont été radicalement détruits de même que la faune et la flore qui allaient naturellement avec ! Le bilan est aujourd’hui terrifiant et on ne peut que constater la réduction voire la disparition de nombreuses espèces tant végétales qu’animales… Il n’est pas simple de se battre contre ce fléau qu’est devenue l’agriculture productiviste qui, non seulement, altère l’environnement mais pollue également considérablement et empoisonne durablement les sols : des associations et d’authentiques paysans tentent de sauver ce qu’ils peuvent et il convient de saluer leur combat et de les soutenir autant que possible !

Un jardin accueillant

Concernant les jardins, le constat n’est guère beaucoup plus heureux : la majorité des espaces verts des particuliers sont en fait de véritables déserts où le simple vol d’un papillon ou d’un bourdon devient un événement à marquer d’une pierre blanche ! Fort heureusement, avec un peu de volonté et beaucoup de patience, on peut remédier à ce désolant état de fait et (re)créer un espace agréable et accueillant où le terme « biodiversité » reprend tout son sens ! Certes, quelques aménagements s’imposent mais rien d’insurmontable pour faire d’un modeste jardin un refuge naturel où, progressivement, la vie réapparaîtra !

Offrir le gîte et le couvert

Contrairement à une haie de thuyas, une haie champêtre constitue un lieu de vie et de refuge pour un nombre incalculable de petits animaux et de plantes ! En diversifiant les essences (houx, noisetier, viorne, charme, prunellier, sureau, troène, fusain…) on offre de surcroît des fruits et des baies a beaucoup d’espèces animales qui animeront utilement le jardin !

Les insectes et autres pollinisateurs apprécieront également la présence de quelques recoins où on laissera pousser librement les herbes les mieux adaptées au terrain ! Si d’aucuns considèrent ces plantes-là comme « mauvaises », vous vous apercevrez rapidement qu’elles ont un formidable pouvoir d’attraction pour une faune particulière que vous découvrirez avec d’autant plus de plaisir qu’elle se raréfie considérablement un peu partout : lézards, papillons, criquets, sauterelles, oiseaux, crapauds, hérissons… témoigneront en outre de la parfaite santé de votre petit paradis où, bien évidemment, tous produits phytosanitaires seront impitoyablement bannis !

Un des gîtes à insectes des Joubarbes. Photo : JLS

Un des gîtes à insectes des Joubarbes. Photo : JLS

Laisser une place aux orties

Mal-aimée, la petite piquante recèle pourtant de nombreux bienfaits ! Les jardiniers par exemple s’en servaient d’engrais naturel en faisant macérer les orties dans l’eau (purin d’ortie) tandis que les fermiers les utilisaient jadis comme complément alimentaire pour le bétail et de pâtée pour les volailles… Quant aux ménagères, elles savaient les accommoder judicieusement et les cuisinaient comme des épinards ou encore en délicieux potages et autres crêpes ! Mais, les orties sont surtout utiles à un grand nombre de petites bêtes : pas moins de 120 espèces ont ainsi été dénombrées par des scientifiques (des papillons, des syrphes, des coléoptères…) sur ces plantes-hôtes ! Aussi, plutôt que de vous acharner à les arracher, prenez plutôt une loupe et prosternez-vous devant la reine Ortie : vous y découvrirez à coup sûr un monde fascinant !

Prairie fleurie

Les fauches précoces sont un désastre pour la flore qui n’a plus le temps d’opérer son cycle naturel ! Résultat : les prairies s’appauvrissent et privent de nombreux insectes des plantes et fleurs qui sont pourtant nécessaires à leur survie… Pour voir voleter des butineurs dans votre jardin, il faut donc que ceux-ci puissent y trouver de quoi se nourrir : semez une prairie fleurie et vous serez assuré du plus beau des spectacles qui soit, celui des insectes volant de fleur en fleur !

Des coins pour se poser et... rêver. Photo : JLS

Des coins pour se poser et... rêver. Photo : JLS

Penser aux oiseaux

La haie, les arbres, la prairie… tout cela attirera immanquablement des oiseaux qui trouveront ainsi des insectes, des graines, des baies et des fruits à se mettre dans le bec. Grâce à l’installation de nichoirs et à l’aménagement de points d’eau et de bains d’oiseaux, cette gent ailée n’aura plus aucune raison d’aller voir ailleurs et, pour peu que votre foyer ne compte pas de chat trop chasseur, vous pourrez bénéficier de concerts gratuits de certains virtuoses comme la fauvette à tête noire, le rougequeue à front blanc, la linotte mélodieuse, le rougegorge… de l’aube au crépuscule !

Jardin sauvage

Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas entretenu : un jardin sauvage est, au contraire un espace où la conservation de la nature prend tout son sens en reproduisant à une échelle, certes réduite, les milieux naturels, les biotopes si cruellement menacés par ailleurs ! Le jardin sauvage (ou « naturel » ou encore « écologique », « biologique »…) a vocation de refuge -aussi naturel que possible- à la vie sauvage, qu’elle soit végétale ou animale ! Comme tout jardin, il fait l’objet d’une gestion pour éviter que certains végétaux ne prennent trop leurs aises au détriment d’autres moins combatives ! Quelques principes fondamentaux sont à observer. Comme je le disais plus haut, afin de favoriser au mieux la biodiversité, on se gardera d’utiliser quelque produit toxique que ce soit et bien évidemment on n’utilisera aucun engrais de synthèse ou chimique ! Ne pas chercher à tout contrôler entre également dans la « philosophie » du jardin naturel : si des espèces locales s’installent spontanément, autant les laisser puisqu’elles seront parfaitement adaptées au terrain… On peut également conserver le bois mort et les branches résultant de tailles : aux « Joubarbes » nous en faisons des « murs » végétaux qui constituent d’excellents abris pour quantité d’animaux (araignées, lézards, troglodyte mignon, hérissons…) : entretenus, les « murs » en question constituent également des éléments de décors du jardin tout à fait esthétiques !

Il y a en outre un aspect pédagogique indéniable à ce type de jardin qui permet de faire découvrir aux autres qu’avec un peu d’imagination on peut donner un réel coup de pouce à la biodiversité en ne nuisant nullement à son environnement, bien au contraire, et ce tout en permettant d’admirer quotidiennement le merveilleux spectacle de la nature… à sa porte !

Photos : JLS (Cliquez pour agrandir)Photos : JLS (Cliquez pour agrandir)
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Article publié dans le n° de juillet-Août 2018 de la revue "Vivre en Harmonie"

 

 

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L
Merci pour ce bel article ! Un jardin comme j'aimerais en avoir...<br /> La nature est indispensable et m'émerveille chaque jour...<br /> En lotissement c'est beaucoup moins facile, nous avons eu un voisin qui vient de déménager heureusement car il ne supportait pas le chant des oiseaux le matin. Grrr...<br /> Mes plantations de lavande et buddleia et bien d'autres font que je vois beaucoup de papillons et autres petits insectes...<br /> Mais aussi les oiseaux (mangeoires et abreuvoirs) étant présents chez nous.<br /> Belle journée
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C
Ça c'est super avec tout ce que tu me décris, c'est le paradis. Quel plaisir
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C
whoua ! il est super grand le gite à insecte. Le mien est minuscule à coté. Bises et bon après midi
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J
Il y en a deux grands gîtes à insectes dans le jardin + quelques petits (du genre de celui dont tu m'as envoyé des photos...). Il y a aussi 3 gîtes à hérissons et une bonne cinquantaine de nichoirs à oiseaux (dont certains sont parfois occupés par des guêpes ou des frelons...) répartis sur l'ensemble du terrain ! Ensuite, il y a les "murs végétaux" qui sont de remarquables abris pour quantité de petites bêtes (araignées, lézards, petits rongeurs...) où, le troglodyte mignon aime beaucoup farfouiller l'hiver...
L
entre le jardin sans âme au carré et les broussailles jusqu'aux hanches-- il y a du chemin-<br /> le mien est entre les deux--- ni trop ni trop peu-<br /> l'extérieur est comme l'intérieur chez les gens--- <br /> chassez le naturel il revient au galop-<br /> belle journée- amitiés-
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J
C'est bien vrai qu'il semble y avoir un parallèle entre l' "intérieur" et l' "extérieur" des gens... Bravo à vous Lady Marianne, pour votre jardin "entre les deux" : l'image me plaît bien ! C'est probablement un bon compromis...
M
Ton jardin est superbe et tu as de la place...Le mien est minuscule et a toujours été un beau fouillis et..."je le laisse vivre sa vie le plus possible" donc j'ai la chance d'avoir diverses espèces qui le fréquentent pourtant en Provence ce n'est pas facile de préserver la biodiversité car la canicule de l'été abîme tout et les vignobles près de chez moi sont trop souvent traités. Pourquoi parles-tu au passé concernant les orties, quand je vais en Auvergne, je les consomme à toutes les sauces ! Et je ne suis pas pour autant une "ménagère" ringarde :)
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J
Merci pour ton commentaire Manou ! Tu as raison : pourquoi parlez des orties au passé ? Il y a fort heureusement encore et toujours des adeptes et des jardiniers tout à fait respectueux de ces adventis par ailleurs aux nombreuses vertus et qualités diverses ! <br /> Bravo pour ta contribution à la préservation de la biodiversité : il n’y a dans ce domaine pas de limites de taille et tu le prouves ! Si modeste soit-il, un jardin peut parfaitement devenir un « Eden » pour de nombreuses espèces végétales et animales… et c’est passionnant ! Il suffit d’apprendre à observer !
K
Merci pour cet article.<br /> Je laisse dans mon jardin des endroits où je laisse pousser... Un peu de "naturel et sauvage" ne fait pas de mal !<br /> Je n'utilise pas de pesticides bien évidemment.
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J
Non seulement "un peu de naturel et de sauvage ne fait pas de mal" mais, au contraire, fait le plus grand bien à notre environnement ! Alors, ne nous en privons pas...
D
Merci Jean-Louis, voir les Joubarbes en photos est déjà un plaisir, savoir que nous découvrirons bientôt ce paradis en est un encore plus grand
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J
Comme déjà évoqué plus bas, le jardin a considérablement souffert ces derniers temps : ne vous réjouissez donc pas trop... Cela dit, le plaisir de vous revoir compensera cet aléa auquel, fatalistes, nous ne pouvons rien ! D'ailleurs, il nous faudra de plus en plus accepter ces impondérables qui risquent non plus d’être exceptionnels mais de devenir la norme…
C
Je me permets, tant c'est une belle résonnance :)) <br /> https://more.groww.fr/eloge-du-jardinage-paresseux/
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J
Merci Christine pour ce lien que je viens de parcourir avec intérêt ! Voilà un blog qui me plaît beaucoup et, il n'est pas exclu qu'un jour prochain je fasse ici l' "Éloge du jardinage patient et paresseux", concept pour le moins dans notre état d'esprit. A suivre donc !
B
Il n'y a rien de plus beau qu'un jardin naturel comme Les Joubarbes que je n'ai pas encore visité .Merci pour tous tes conseils Jean-Louis.<br /> Bonne journée à toi et Michèle. Bernadette
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J
Là, actuellement, je n'oserai plus te faire visiter les "Joubarbes", chère Bernadette, tellement le jardin a souffert des conditions météorologiques extrêmes des dernières semaines et du manque de pluie mais, Michèle et moi seront toujours heureux de te revoir "ici ou ailleurs" !<br /> Au plaisir donc...
C
Le Jardin Vivant idéal, foisonnant et bruissant de Vie, ou l'on a l humilité de laisser la place à cette Nature "sauvage" résiliente, tout à fait en mesure de trouver les évolutions adaptées aux divers aléas, climatiques et humains.. Merci pour ce formidable billet de route, a suivre urgemment !
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J
Comme c'est joliment dit ! Merci à vous Christine...
M
Coucou, superbe billet, on ce sent si bien en pleine nature! Bise, bon dimanche dans la joie!
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J
Merci Maria-Lina ! La nature est, ici, devant la porte puisqu'il s'agit de notre jardin ! Comme dans toute la région, il a beaucoup souffert de cet été caniculaire particulièrement long et, avec toutes les feuilles qui sont déjà au sol, on a un avant-goût d'automne dès cette fin d'août... Le manque d'eau est criant et il faudra probablement des semaines de pluie pour remonter le niveau de la nappe phréatique ! Pour autant, cet espace reste riche en biodiversité et, en ce sens, nous avons atteint notre objectif...
D
Je suis évidemment d'accord avec cette conception du jardin, le tien faisant office de modèle, mais déjà que beaucoup s'en inspirent serait une bien bonne chose ; une telle démarche, multipliée par des millions, constituerait une importante contribution à la biodiversité.<br /> Alors oui, offrons "le vivre et le couvert" !
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J
Merci à toi l'Ami ! Peut-être que je me trompe mais, j'ai l'impression que le "jardin naturel" fait de plus en plus d'adeptes... D'autres billets sur le sujets devraient donc très logiquement suivre ! Bon dimanche en Bourgogne !