Le renard roux est-il un nuisible ?
Nuisible se dit d’une espèce animale dont la présence cause des dommages, en particulier à l’agriculture (définition Larousse). Chassé plus de dix mois sur douze (du 1er juin au 31 mars), piégé toute l’année, le renard roux peut aussi être déterré avec l’aide d’outils de terrassement et de chiens. C’est ainsi que de 600 000 à un million de renards sont tués chaque année en France. Loin d’être anecdotique, l’intérêt et la cohérence d’un tel abattage posent question. Le renard roux est-il un nuisible ?
Ce que vous allez apprendre :
- Pourquoi le renard roux est classé nuisible
- Quels rôles peuvent jouer les renards roux
- Comment se déroulent les premiers jours de sa vie
Maurice Genevoix : « La chasse au renard : l'inqualifiable à la poursuite de l'immangeable. »
Qui décide du statut de nuisible pour le renard roux
Légalement, quatre raisons peuvent être invoquées pour inscrire le renard sur la liste départementale des espèces dites « nuisibles » :
- La protection de la flore et de la faune
- L’intérêt de la santé et de la sécurité publique
- La prévention des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles
- La prévention des dommages importants à d’autres formes de propriété
Les Commissions Départementales de Chasse et de Faune Sauvage (CDCFS) qui proposent ce classement de « renard roux nuisible » sont composées majoritairement d’acteurs du monde cynégétique (qui a rapport à la chasse).
Les avis formulés reposent majoritairement sur des questions d’intérêts et ne sont que trop rarement motivés par des arguments scientifiques. Quand c’est le cas, le renard roux est d’ailleurs déclassé de ce statut. Nous n’avons pu trouver d’étude (à vos commentaires…) capable d’argumenter en faveur d’un abattage aussi conséquent de cette espèce.
Il faut protéger la faune et la flore de… la faune !
Il est important de prendre en considération que le renard roux est une espèce présente naturellement sur notre territoire et qu’elle ne relève en rien d’une espèce invasive. Il est donc très difficile de comprendre la justification d’un tel statut de nuisible pour une espèce qui ne fait que jouer son rôle. Suivant cette logique, les CDCFS pourraient tout aussi bien décider de limiter les populations de chevreuils parce qu’ils mangent, mais ce ne serait pas sérieux.
Le renard roux a cependant un impact sur des espèces en grandes difficultés telles que le grand hamster d’Alsace (Cricetus cricetus), le râle des genêts (Crex crex) ou encore le busard cendré (Circus pygargus). Cette pression de prédation sur ces espèces reste néanmoins à observer à la loupe. Si on ne prend que l’exemple du busard cendré, il s’avère que depuis 2008, sur 9 472 reproductions constatées de l’espèce, 59 cas seulement font état de prédation par le renard. Les gestionnaires de programmes de conservation d’espèces s’accordent à dire que la protection des milieux reste largement plus efficace qu’une limitation de la prédation.
Sur ce dernier point un parallèle intéressant peut également être fait entre la prédation par le renard roux sur le petit gibier et son réel impact. Une étude allemande sur le sujet résume les choses ainsi : « Notre étude montre que la réhabilitation des habitats serait bien plus efficace pour restaurer les populations que le contrôle des populations de renard en raison des interactions mineures entre renard et proies ».
En ce qui concerne le relâché annuel de centaines de milliers de faisans de Colchide (Phasianus colchicus) mis en œuvre par le monde de la chasse et ce à des fins uniquement cynégétiques, il est certain que le renard roux les met à mal. Au même titre que les animaux issus des élevages de grands hamsters d’Alsace ne sont pas habitués à la vie sauvage au moment de leur relâché, les faisans de Colchide ne le sont pas plus. Il existe cependant de nombreuses techniques pouvant « apprendre » à l’animal, quel qu’il soit, à être plus à même de survivre à la dent du prédateur ou à une concurrence alimentaire.
Le renard véhicule certaines pathologies
Oui, il a été très connu pour son rôle dans la propagation de la rage dans les années 70. Les abattages massifs d’alors n’y allaient pas avec le dos de la cuillère allant jusqu’à utiliser du Zyklon B (inventé par un juif allemand, ce gaz est tristement célèbre pour avoir été utilisé massivement dans les chambres à gaz) pour détruire les populations de renards roux… Sans succès ! Ce sont finalement des suisses qui ont mis au point un vaccin par ingestion orale et qui ont mis fin à ces tentatives d’éradication. La rage a officiellement disparu du territoire français en 2001.
Oui, il véhicule l’échinococcose alvéolaire. Cette maladie extrêmement grave pour l’Homme n’est autre qu’un petit tænia hermaphrodite, l’échinocoque, de 2 à 4 millimètres de long et présent à l’état adulte dans l’intestin du renard. Les œufs de ce tænia sont expulsés avec les fèces du renard roux, contaminant ainsi les micromammifères passant par là et qui seront eux-mêmes dévorer à nouveau par les renards ou des chiens.
Ce n’est au final que par hasard que l’Homme peut être contaminé (25 cas diagnostiqués en 2014 sur toute la France). 24 000 renards roux, à minima, seraient donc abattus chaque année par cas avéré d’échinococcose alvéolaire. Avec un poids moyen de 8 kilogrammes par individu cela fait 192 tonnes de cadavres de renards par personne malade. Arrêtons là, même s’il serait intéressant d’avoir l’avis objectif des personnes touchées, quoi qu’elles en disent.
Reproduction du renard roux Le renard véhicule certaines pathologies
Après 53 jours de gestation, c’est à la mi-mars que la renarde met bas de deux à six renardeaux de 85 à 125 grammes chacun. Ils mettent un peu moins de quinze jours avant d’ouvrir les yeux et ont besoin de la chaleur de leur mère pour survivre. La renarde reste donc à leurs côtés durant un bon mois pour les allaiter. Elle est, sur cette période, totalement dépendante de la nourriture que le mâle lui apporte. Tout au long de cette période la renarde n’a de cesse de lécher ses petits, une propreté sans faille améliorant la qualité d’isolant thermique de leur pelage.
Les couples sont provisoires et il est possible de voir des groupes de femelles, souvent apparentées, accompagnées d’un mâle. Tout ce beau monde élevant les renardeaux ensemble. Il arrive également que deux femelles partagent le même terrier ce qui, en cas de décès de l’une des deux, laisse la survivante s’occuper des renardeaux.
Prévenir des dommages importants qu’il peut causer
Un renard roux abattu alors qu’il détenait un territoire à même de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille se verra inévitablement remplacé par un congénère qui verra le même intérêt que son prédécesseur à profiter des lieux. Ce sera donc, sans autre alternative, une protection physique (grillage enterré, etc.) contre les introductions inopinées du renard roux dans le poulailler qui sera la mesure la plus efficace.
Quant au fait de prévenir d’une pullulation de l’espèce (avec ce que cela pourrait engendrer en matière de dégâts possibles), il faut avant tout entendre le fonctionnement de l’espèce. Le renard roux et son développement en terme de population est totalement inféodé aux ressources disponibles. Les réseaux trophiques (ensemble de chaînes alimentaires reliées entre elles au sein d’un écosystème) et les territoires eux-mêmes sont au cœur du fonctionnement d’autorégulation de l’espèce. Il a même été démontré que la taille des portées varie en fonction de la nourriture et des territoires disponibles.
De nuisible éventuel à auxiliaire avéré
6 000 micromammifères par an, c’est là un chiffre bas quant à la consommation annuelle d’un renard roux pour ses besoins alimentaires. Au même titre qu’il existe des solutions alternatives pour lutter contre les limaces en maraîchage, les poux rouges en aviculture et tout un cortège d’insectes auxiliaires de culture. Avec de tels chiffres, il est aisé d’imaginer que le renard roux a un rôle positif à jouer en grandes cultures.
En effet l’utilisation de produits rodenticides (poisons contre les rongeurs), tels que la bromadiolone, ont un impact colossal sur la biodiversité au sens large. Notamment par l’ingestion par les espèces prédatrices de micromammifères, de proies empoissonnées les conduisant à leur mort.
FREDON (Fédérations Régionales de Défense contre les Organismes Nuisibles), chambres d’agriculture et même INRA (Institut national de la Recherche Agronomique) développent de plus en plus de circulaires allant dans le sens d’une valorisation de la présence du renard roux dans le cadre d’une lutte intégrée contre les ravageurs de cultures.
Enfin, le renard est un prédateur et joue à ce titre son rôle dans la sélection naturelle. Éliminant d’un côté les plus maladroits et de l’autre les malades, il participe naturellement à la lutte pour la vie évitant pullulations et épidémies. C’est un chasseur… Peut-être un peu plus roux que la moyenne, mais un chasseur à sa place.
En résumé
Il y aurait beaucoup de choses à développer sur le renard roux pour arriver à dégoupiller intelligemment la problématique qui entoure cette espèce, ou, tout du moins, faire en sorte qu’elle soit abordée sous des auspices plus contemporains. Toujours est-il que, comprenant que toute espèce a un rôle dans un écosystème, nous sommes désormais très loin d’une franche diabolisation de l’animal. Alors, le renard roux est-il nuisible ?
JULIEN HOFFMANN (30-09-2016)
Et pour en savoir encore plus sur le renard :
Sans oublier le magnifique numéro double de La Hulotte (33/34) consacré en grande partie au Renard :